Société

Les violences faites aux Femmes (fin)

Qu’elles soient conjugales, intrafamiliales, sexuelles, une violence reste une violence. Longtemps elles se sont tues, car non crues ou discréditées. Depuis l’affaire Weinstein qui a secoué le cinéma mondial, le scandale Epstein semble faire trembler les puissants. La dernière (en date) nouvelle est le procès pour agression sexuelle du prince Andrew, qui éclabousse la couronne britannique. La journée symbolique du 8 mars pour le Droit des femmes rappelle l’interminable chemin pour que l’équité juridique voie le jour. Comme les bracelets électroniques ou les téléphones grave danger qui doivent nous protéger, d’un ex-conjoint, d’un ex-mari… avant d’être le énième meurtre ou assassinat qualifié de « féminicide ».

« Flashback » est la comédie de, et par Caroline Vigneaux, montre à qui veut bien découvrir la condition féminine à travers les siècles. Certaines personnes pourraient trouver à redire, sachant que cette œuvre est réalisée par une femme, mais peu importe. C’est le récit d’une avocate surdouée, cynique et narcissique, qui, après avoir gagné un nouveau procès, fait la connaissance d’Hubert. Chauffeur anticonformiste, interprété par Issa Doumbia, il l’embarque dans une course rocambolesque dans les couloirs du temps. De la préhistoire à la Révolution française, elle croise celles qui se sont battues pour les droits des femmes, tout en étant la témoin privilégiée d’événements marquants qu’elle n’aurait jamais dû oublier. Pour sortir de cette boucle, elle doit admettre son rôle en tant que femme dans la société, et apprendre à aider celles dont la voix n’est ni entendue ni écoutée.

Cette comédie fait écho à une société bien réelle où des lois existent contre le harcèlement de rue. Un mot cristallise tous les maux, le féminicide. La définition est simple, du latin femina, femme, et cædere, tuer. C’est l’homicide d’une femme, d’une jeune fille ou d’une enfant en raison de son sexe. (Crédits : Diana Cibotari/Pixabay)

Le 31 janvier 2016, François Hollande, président de la République accordait une remise de peine gracieuse, à Jacqueline Sauvage. La prévenue était condamnée par la cour d’assises de Blois en décembre 2015, à dix ans de réclusion criminelle, pour le meurtre de son mari, violent et incestueux. Lorsqu’elle commence, la violence devient insidieuse. Celui, celle qui tue un être humain, commet un homicide. « Cela a été une erreur de la gracier. Je pense que ce n’était pas la bonne personne. Il y a des femmes battues qui ont tué leur mari, qui auraient plus mérité de l’être », déclarait le mercredi 29 juillet 2020 sur franceinfo Hélène Mathieu. Moins d’une semaine plus tard, le 5 février 2016, la cour d’assises de Grenoble condamnait Bernadette Dimet à cinq ans de prison avec sursis pour avoir tué son mari violent, qui l’avait battue et humiliée pendant 40 ans. Le nombre de femmes tuées par les coups de leurs ex-compagnons est de 213, en 2021.

« Papa a tapé Maman »

Ce sont les mots d’enfants décrivant une scène inimaginable que le président de la cour d’assises de Bordeaux a lus ce lundi, la salle en résonne encore. Le procès d’un père de famille, pour tentative de meurtre et viol sur son ex-conjointe, a débuté ce 17 janvier 2022. Les faits reprochés au prévenu auraient été commis à Lormont, tout près de Bordeaux, un quelconque soir d’octobre 2018. Lors du premier jour de l’audience, la cour d’assises rappelait que l’accusé avait déjà été condamné pour violences et harcèlement téléphonique (1 088 appels en 4 mois) à la suite de leur séparation en janvier 2018. Le témoignage des enfants continue. « Que disait ton papa à ce moment-là ? », questionne l’agent de Police. « Je ne veux pas dire, ça me fait peur, répond le garçon de 6 ans. Il allait lui faire beaucoup de mal ». L’aîné de 10 ans se souvient : « Il disait qu’il voulait la tuer. »

AnnéeVictime féminine d’homicide volontaire (France/Europe)Victime masculine d’homicide volontaireVictime féminine de violVictime masculine de violVictime féminine d’agression sexuelleVictime masculine d’agression sexuelle
2015361/2 267659/5 14110 729/66 1381 671/7 29395/94 432147/17 698
2016311/2 280559/5 51313 050/76 6941 910/8 77919 041/120 8212 764/23 881
2017279/2 317511/5 51314 899/91 4792 171/10 52621 179/132 0953 899/24 729
2018244/2 219520/4 87117 558/48 3882 388/5 09025 614/95 4594 547/16 049
2019285/1 908550/4 14620 694/20 1102 886/5 43528 165/95 0414 860/15 914
Eurostat propose les données concernant les homicides volontaires, viols et agressions sexuelles selon le statut juridique et le sexe de la personne impliquée. Le féminicide n’est pas juste un meurtre, il a pour but de tuer la femme, la compagne, la mère en tant qu’être, en tant que personne, entité, symbole, car son seul reproche est d’être… une femme.

Lors du deuxième jour, les témoignages de voisins se suivent. Jules Brelaz journaliste à France Bleu rapporte qu’Amandine 33 ans, encore traumatisée par les événements dits avoir entendu « comme des coups de masse dans le sol. En fait, en m’approchant, j’ai vu que c’était les coups de poing dans la victime allongée sur le sol, elle était en chemise de nuit, avec des écorchures aux pieds et le visage tuméfié, il lui lançait ” ferme bien ta gueule, sale pute ” ».

Une trentaine de lésions

L’audition du médecin légiste glace le sang. L’énumération ne semble pas avoir de fin : « Abrasions, décollement de la peau, lésions hémorragiques, hématomes, traces de coups de pied et de poing sur le visage ». Il relate une à une la trentaine de lésions relevées sur l’ensemble du corps. Les descriptions se suivent, mais les photos projetées dans la salle choquent. « Des traces d’ongles dans le cou de la victime » témoignent d’une tentative d’étranglement. Des genoux ensanglantés et les cheveux arrachés rappellent que la jeune femme a été traînée sur le sol. Mais, l’horreur ne s’arrête pas là. Le professeur détaillait longuement les lésions génitale et anale constatées lors de l’examen clinique. Il atteste « incontestablement » d’un viol, affirmait l’expert. Tandis que les avocats de la défense relevaient qu’« il n’y a ni fracture ni suture », le professionnel de santé acquiesçait en ce sens, expliquant que certains des coups portés au crâne auraient « pu tuer » la victime.

De manière fréquente, lors des séparations, les enfants sont pris à partie, d’un côté comme de l’autre. Ils souffrent, sauf qu’eux n’ont pas choisi ni pris la décision, mais la subissent.
« Il faisait du chantage à ses enfants pour qu’ils ne fassent pas de câlin à leur mère », indiquait pour enfoncer le clou Caroline Bris, l’une des avocates de la partie civile. (Crédits : DR)

Fréquemment dans les affaires de violences conjugales, et de violences sexuelles, c’est la victime qui a honte. Il promet qu’il changera, que c’était un accident, qu’il nous aime et que ça ne se reproduira plus, mais les scènes se répètent, comme dans un mauvais film. La différence est que lorsque la salle de cinéma s’allume, la fiction, elle s’arrête… Les mots de l’une des avocates de la partie civile, Caroline Bris, martèle et enfonce les derniers rivets, s’il y avait besoin. « Jalousie maladive », « manipulation », « instrumentalisation des enfants », « sentiment de honte de la victime », un « schéma d’emprise classique des violences conjugales » pour l’avocate. « J’avais l’impression d’être Jacqueline Sauvage », témoignera la mère de famille.

15 années de réclusion criminelle

L’homme de 43 ans a été reconnu coupable et condamné mercredi 19 janvier 2022 par la cour d’assises de la Gironde à quinze années de réclusion criminelle pour tentative de meurtre et viol sur la mère de ses enfants. La peine d’emprisonnement est assortie d’un suivi socio-judiciaire de quatre ans avec une injonction de soins à l’issue de son incarcération. Il aura interdiction d’entrer en contact avec la victime, de fréquenter un débit de boisson, et devra soigner son alcoolisme. En cas de non-respect de ces obligations, la cour d’assises a prononcé une peine de trois années de détention. La déchéance de l’autorité parentale à l’encontre de l’accusé, n’a pas été prononcée. Il devra néanmoins indemniser les parties civiles à hauteur de 96 000 euros de dommages et intérêts, dont 60 000 euros à la mère de ses enfants et ex-compagne au titre du préjudice subi lors de la tentative de meurtre et le viol.

Mes Caroline Bris, Pierre Cuisinier et Marion Lavaud défendent les parties civiles : l’ex-compagne d’Yvan Poungui et sa famille. (Crédits : Laurent Theillet/SUD OUEST)

Que faire en cas de violence ?

La première chose, mais pas la plus facile, fuir. Oui, mais où ? Comment ? Vers qui ? Les démarches sont de plus en plus présentes. Il existe 175 bureaux d’aide aux victimes du tribunal judiciaire de Poitiers à Quimper, comme partout sur le territoire. Des conduites à tenir sont référencées sur le site du gouvernement « Violence Conjugale » :

  • Appeler le 17, 112, 15, 18 et 114 (pour les personnes sourdes, malentendantes, aphasiques, dysphasiques), Si vous avez des difficultés à entendre ou parler, vous pouvez aussi envoyer un SMS au 114.
  • Le 3919 Écoute, informe et oriente les femmes victimes de violences, ainsi que les témoins de violences faites à des femmes
  • Le 116006 écoute, informe et conseille les victimes d’infractions ainsi que leurs proches. Leur site références toutes les associations d’aide aux victimes
  • Quitter le domicile conjugal, appeler le 115 pour un relogement d’urgence
  • Faire constater les blessures. Si vous êtes victime de violence conjugale, vous pouvez vous rendre à l’hôpital, chez un médecin ou une sage-femme (si vous êtes une femme). Les constatations médicales seront utiles lorsqu’il s’agira de juger l’auteur des violences. Contacter un avocat
  • Il faut déposer une plainte soit à la Gendarmerie, ou au poste de Police. Si le dépôt de plainte vous est refusé, demander le numéro de téléphone du procureur de permanence, la réception de la plainte ne peut pas vous être refusée
  • Si vous êtes victime de violences au sein de votre couple, vous pouvez déposer auprès du juge aux affaires familiales une requête en vue de la délivrance d’une ordonnance de protection. Vous pouvez faire cette démarche même si vous ne vivez pas en cohabitation avec l’auteur des violences
  • Le bracelet anti-rapprochement sert à vous protéger en tant que victime de violence conjugale, en empêchant votre conjoint ou ex-conjoint violent d’entrer en contact physique avec vous
  • Le téléphone grand danger permet à une victime de violences conjugales de contacter directement une plate-forme spécialisée en cas de danger. C’est cette plate-forme qui alertera la police ou la gendarmerie si nécessaire. La victime pourra être géolocalisée si elle le souhaite.

Elise Dardut

Épicurienne, je reste une jeune femme à l’aise dans son corps et dans sa tête. Je pense par moi-même, j’agis par moi-même, j’entends les conseils et n’écoute que mon intuition. « Le jour où l’homme aura la malice, la finesse et la subtilité de la femme, il sera le roi du monde… mais ce n’est pas pour demain », me chantait mon grand-père. Il m’a appris que « les seuls beaux yeux sont ceux qui vous regardent avec tendresse. » (Coco Chanel) Depuis, je m’évertue, pour qui veut bien entendre et écouter, à distiller des graines ici et là, au gré du vent. Un proverbe indien explique que « si vous enseignez à un homme, vous enseignez à une personne. Si vous enseignez à une femme, vous enseignez à toute la famille » Il est temps d’inverser les rôles et admettre l’équité, non ?

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