dimanche, mars 17, 2024
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Les nouvelles vont très vite sur un archipel (épis. 4)

Après avoir payé ses nuitées, salué Léo et les Portugais dans la field Station, c’est ce samedi 2 décembre 2023 que Flavien doit s’envoler, enfin en théorie. Une personne d’un âge certain, Anita doit voyager en compagnie de Flavien. Sauf qu’elle a une aversion envers le SARS-CoV-2. Bien sûr, Flavien possède tous les symptômes, comme celui de la grippe et autre maladie hivernale. Mieux vaut prévenir que guérir dit l’adage, ainsi il sera affublé d’un masque durant le périple.

Anita complètement effrayée obligera Flavien à porter un masque FFP2 sur l’ensemble du trajet, vol compris. Mais avant d’accéder à la piste, il faut parcourir quarante minutes en 4X4 sur un chemin « défoncé », fenêtres ouvertes, pour arriver à la piste d’envol. Le ciel est balayé par les vents. Tous restent tous à l’abri dans la voiture en attente des nouvelles du FIGAS (NDLR Service aérien du gouvernement des îles Falkland), hormis Flavien. « Je brave les éléments pour pouvoir ôter mon masque. Je m’allonge sur deux, trois bouts de géotextile qui traînent derrière la barricade de fortune qui protège la remorque anti-incendie », se confie-t-il.

Pire qu’une traînée de poudre

Les oies ont envahi la piste, Flavien est chargé par Tim de la libérer. « À peine ai-je effarouché les oiseaux, que j’entends le vrombissement du moteur. Ça y est je vais pouvoir continuer mon voyage, enfin… il n’est pas encore atterrit. » La direction du vent est à la limite de l’acceptable pour décoller, car l’atterrissage comme le décollage se font face au vent. Le départ est précipité, « j’ai juste eu le temps de dire au revoir que je suis positionné à l’arrière de l’avion. La pilote qui porte un masque placera Anita au milieu, avec une rangée de sièges d’écart. Je commence à comprendre que mon Covid est connu de tous désormais, j’espère ne pas être fiché et qu’ils vont vouloir m’accueillir sur toutes les îles… »

Dix secondes suffisent pour notre décollage. Après l’avoir découverte sous un soleil radieux « je lui fais mes adieux sous un beau temps ou presque. » Ces quelques minutes remémorent les heures passées à chercher la perle rare ou à observer le débarquement des papous, la parade des albatros ou bien encore le jeu des dauphins, raconte Flavien.

Après 25 min de vol, et presque aucune turbulence « me voilà sur l’île de Saunders ». Elle est à 85 km au nord-est de NewIsland. Ici, plusieurs pistes permettent aux pilotes d’atterrir, peu importe la direction du vent. À peine le temps de souffler que Louise me récupère avec son 4X4. « Amandine m’avait dit que c’était elle qui faisait régulièrement le tour des colonies pour guetter la potentielle arrivée de la grippe aviaire. D’ailleurs, il y a 1 semaine de ça, elle a découvert un cas chez un albatros à sourcil noir, mais depuis rien, on croise les doigts… » (Crédits : 165106/Pixabay)

L’île de Saunders a été achetée par la famille Pole-Evans en 1987, mais elle est exploitée depuis 1948. L’île fonctionne principalement comme une ferme d’élevage de moutons et en possède 6 000. L’île est ouverte aux touristes du 15 septembre au 30 avril. Ces dates coïncident avec les périodes où la faune et la flore visitent Saunders. Un bateau arrive, « il passe toutes les six semaines, et vient récupérer la laine récoltée. »

L’Île de Saunders : une terre d’élevage

Louise me laisse quelques instants. « Je m’imprègne de cette ambiance complètement différente. Ici le ton n’est pas à la conservation, mais à l’agriculture, bien que les propriétaires y soient sensibles. » Louise revient chargée d’une bouteille de gaz et d’une carte d’accès à la WIFI. Ce qui permettra à Flavien de se connecter au bâtiment de la Neck, à 1 km de son futur bivouac. Le tarif est de 10 £ les 100 min, un prix qui effraierait la génération Z en France.

Dans la bâtisse près duquel je patiente Louise, une personne guettait le « taxi », un anglophone d’une cinquantaine d’années. « Je ne comprends pas tout ce qu’il me raconte, il parle vite, mais une chose est sûre, il connaît Poitiers. Alleluia ! Le Poitou est connu jusqu’à l’autre bout du monde. »

Durant les quarante minutes de trajet qui nous attendent, nous devrons, ouvrir et fermer la multitude de barrières qui clôturent les différents troupeaux de moutons.

Après 16 km de montagnes russes « nous arrivons entiers, mais secoués » au Neck, les chambres d’hôtes. Louise montre où se servir en eau potable et où capter l’Internet. Le trio reprend le 4X4, pour que Louise pointe le Swiss Hôtel. « C’est ce fameux rocher qui va me protéger du vent durant mes prochaines nuits de bivouac », explique Flavien C’est d’ailleurs à partir de cet endroit que le gentleman anglais continuera seul son chemin vers Elephant Point.

(Crédits : Flavien Saboureau)

Louise s’en va. Flavien la remercie et la salue. Puis les priorités s’affichent. Il est 12 h 30 quand il commence à monter sa tente. Puis s’empresse de manger pour descendre observer la ribambelle de manchots dispersés sur la plage. Une après-midi entière avec son appareil photo en main. « Manchots royaux, papous, de Magellan, sauteurs, impériaux». Le soir venu, il est temps de donner des nouvelles à tout le monde via le WiFi.

Bercé par les vocalises des manchots

Cela fait plus d’une semaine qu’il n’a pas établi de connexion avec le monde digital. « Voilà neuf jours que je n’ai pas activé Internet ! C’est la dégringolade de mails… je n’ai répondu qu’aux plus urgents. J’avais préparé une réponse automatique pour prévenir de mon absence. » Le SAS de retour à la société, Flavien profite de cette cabane pour faire le plein d’eau et entamer le kilomètre qui le sépare du Swiss Hôtel en quelques minutes, le ventre criant famine. « Il fait faim », s’écrit-il. La soirée, entrecoupée d’averses et d’éclaircies laisse place aux arcs-en-ciel.

« Ma tente est entourée de terriers de manchots de Magellan. Quel émerveillement ! J’ai le temps de les observer pendant que je cuisine la tente ouverte. Petit détail, c’est le soir qu’ils poussent le plus de vocalises, mais ce n’est pas aujourd’hui que ça m’empêchera de dormir », confie l’aventurier.

Les manchots de Magellan n’ont à priori pas été dérangés par les potentiels ronflements de Flavien, ni Flavien par leurs vocalises. Car la nuit s’est prolongée un plus plus qu’à l’habitude. « Je profite du soleil matinal pour me réchauffer et me concocter des flocons d’avoine avec du chocolat fondu… »

Il part plein Nord-Ouest en direction d’Elephant Point. « Je suis censé y découvrir plein d’éléphants de mer, que je n’ai pas vus depuis Amsterdam. » Au rendez-vous sont présents une centaine à vue de nez, remarque-t-il, mais que des femelles et des immatures, pas un seul mâle reproducteur. (Crédits : Flavien Saboureau)

Sur la lancée, Flavien s’attaque au sommet de l’Île, le Mount Harston avec ses 430 m (434 pour être précis). Au début de l’ascension, la marche s’effectue au sein de prairies défoncées par les moutons, puis chemin faisant, dans des milieux mieux préservés. Plus il grimpe, plus le vent souffle. « Là-haut, le vent est assourdissant et il fait pas chaud », grelotte-t-il. Pour le motiver, rien de tel que de découvrir des plantes qui lui sont inconnues : Viola tridentata, Lycopodium albofii, Cardamine glacialis, Lobelia pratiana, Chevreulia lycopodioides, Hydrocotyle chamaemorus. Satisfait, il redescend vers la cabane pour récupérer de l’eau avant de rallier sa tente « qui heureusement, n’a pas bougé. Je n’étais pas serein avec le vent qui règne sur cette île. Ce soir la pluie se fera entendre sur la toile de ma tente, quel plaisir d’être dessous ! » À suivre…

Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

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