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De Lavausseau à la pizza de chez Zizzi (1er épisode)

Un problème technique survenu sur avion à destination des Malouines décalait le départ de Flavien de plusieurs jours. Prévue pour commencer le 14 novembre 2023, son aventure australe débute officiellement le 21. Bizarrerie et détail important, aucune liaison commerciale ne relie les Falklands au départ de l’Europe. Au vu du nombre de touristes chaque année, moins de 3 000, aucune compagnie ne souhaite s’y hasarder. Seul un aéronef militaire effectue ce voyage : direction la base de la Royal Air Force de Brize Norton !

La citée des tanneurs s’éveillent doucement, les oiseaux enchantent le ciel lorsque Flavien quitte la maison familiale à 9 h 15, le 21 novembre 2023. Comme Gérard d’Aboville traversait le pacifique nord à la rame, Flavien commence un périple digne des romans d’aventures. L’avion décolle le 22 novembre à 23 h 35, soit dans 38 heures et 20 minutes. « Autant vous dire que je croise les doigts pour qu’il soit au rendez-vous ! »

30 min de voiture, 5 h de train, 8 gares, 40 min de métro…

Premier objectif, rallier la gare de Poitiers. Près d’une demi-heure de voiture, avec la nouvelle limitation à 30 km/h dans l’agglomération, pour s’installer dans le TGV. Le stress monte. Pour se détendre, au moins en apparence il écoute des podcasts ; ceux des humoristes Alexis le Rossignol et Aymeric Lompret sur France Inter.

En moins de temps qu’il ne faut, il pose un pied sur le quai en garde de Montparnasse. Il suit le courant formé par les voyageurs. Direction la ligne n° 4 du Métro parisien en direction de la « Porte de Clignancourt » pour s’arrêter à la station « Gare du Nord ».

À peine plus de quinze minutes se sont écoulées, puis l’air frais lui fouette le visage à la sortie du métro. Puis quelques mètres pour passer sous la façade gigantesque flanquée de ses six colonnes qui gardent l’entrée de la gare. Un coup d’œil à l’horloge pour une synchronisation des montres avant de déjeuner. Une fois repue, un nouveau train pour se rendre dans la « Capitale des Flandres ».

« Il aura été plus confortable, en partie en raison de la place pour mes jambes, qui je l’espère ne fera pas défaut pour les 18 h d’avion qui m’attendent. » (Crédits : 12019/Pixabay)

Pour rallier la gare de l’Europe, celle des Eurostar, il chemine quelques minutes, avale les 550 mètres et contemple la belle Lille. « Ces quelques minutes de marche m’auront permis de m’imprégner de l’ambiance de cette ville, une des rares métropoles que je n’avais pas encore visitée en France. »

En route pour le Royaume-Uni

Se dirigeant vers le hall numéro 4, dédié à l’enregistrement, un bureau de change se découvre. « C’est l’occasion d’échanger 1 004 € contre 720 £, qui me seront très utiles pour la suite. Aujourd’hui le taux est de 0,87, mais Western Union prend une marge de 6 %… ce qui est loin d’être négligeable sur de telle somme », remarque-t-il. L’opportunité de souffler lui est, à nouveau donnée quelques instants plus tard, au passage des douanes.

Depuis la sortie de l’Europe du Royaume de Sa Majesté Charles III, les contrôles aux frontières sont désormais drastiques dans le Commonwealth. Si la douane française semble être une formalité, ce n’est pas le cas côté britannique. « Depuis sa sortie de l’Europe, ce qui n’était pas encore le cas lors de ma dernière venue outre-Manche, les contrôles ne se limitent plus à la vérification de la carte d’identité. »

C’est un véritable interrogatoire, il ne manque que la lampe comme au cinéma.

« Je dois montrer mon passeport, mes titres de transport, y compris ceux me permettant de descendre aux Malouines et d’en partir ». Il faut comprendre que les îles Malouines sont sous juridiction britannique. (Crédits : kirill_makes_pics/Pixabay)

Ce qu’ils veulent vérifier ? « Que je ne reste pas plus de 3 mois, auquel cas il me faudrait un VISA. C’est donc là que je me suis dit que j’avais bien fait de réserver mon départ des Malouines pour l’Argentine. » Il reconnaît avoir longtemps hésité à prendre cet avion-retour, car il aurait tant aimé pouvoir rallier le continent sud-américain par voie maritime. « On en reparlera », sourit-il. Les douanes passées, il faut emprunter les portiques de sécurité comme dans les aéroports pour rejoindre l’Eurostar direction Londres.

Retour en adolescence, le temps d’un tunnel

Plus d’une décennie s’est écoulée depuis son dernier déplacement dans le tube creusé sous la mer. « Je n’étais pas passé dans le tunnel de la Manche depuis un voyage d’école au collège, on se rendait à Cardiff à l’époque. La sensation d’être sous plusieurs dizaines de mètres d’eau est toujours aussi étonnante, et maintenant on arrive même à capter le WiFi en plein milieu du tunnel. Incroyable la technologie ! »

Le botaniste est attentif à chaque détail. De nombreux voyageurs de confessions juives sont à bord note-t-il. « Existe-t-il une grande communauté juive à Londres ou est-ce le fruit du hasard ? » De questionnement en étonnement, il continue son épopée. Le terminus est annoncé, enfin Londres.

L’émerveillement prend place à la découverte de la gare Saint Pancras, comme de l’énorme et magnifique horloge. Le flegme britannique le quitte lorsqu’il voit le tarif d’un titre de transport : 6,4 £ (€). « Au vu du prix du ticket de métro, j’aurais peut-être dû faire l’heure qui m’en séparait à pied, mais les 30 kg que je trimbale depuis ce matin m’en ont dissuadé. » (Crédits : NicoCallens/Pixabay)

Les Français sont reconnus pour râler, si si, je vous assure ! Surtout avec les grèves a répétition de la part des employés de la SNCF (sûrement à juste titre), sauf que… « Pas de SNCF ici, c’est la GWR qui gère cette partie du réseau anglais. En tant que français on s’attend à croire qu’il n’y a pas pire que la SNCF. Eh bien ! Détrompez-vous. » Il faut noter que nous râlons pour chaque retard, mais nous ne remarquons jamais lorsque la majorité arrive à l’heure annoncée. La course contre le temps ne se gagne pas, même à l’heure de pointe. Plus qu’un dernier train pour rallier Oxford.

Une pizza de chez Zizzi… et au dodo

Les gens viennent de s’agglutiner dès l’annonce, sur le quai de départ. « À peine affiché, la foule s’amasse en sa direction. Je ne comprends pas, les Anglais sont si pressés que ça ? » Arrivé dans un wagon, où il restait des places, j’en ressors aussitôt. Je ne trouve pas celui qui est noté sur mon billet. Je bafouille mes premiers mots d’anglais à une contrôleuse. Quand elle me dit que c’est un train avec peu de wagons et qu’il faut repérer la première place venue pour s’y asseoir.

Je comprends l’empressement des Anglais et pense presque à haute voix : « si j’avais su… » Mais c’est un peu tard, chaque siège a trouvé son locataire, il me faut maintenant rester debout jusqu’à Oxford. Je n’ai jamais vu un train aussi bondé, en fait « la SNCF, c’est le luxe ! »

Après une heure et 90 km dans le bocage anglais, la huitième et dernière gare de la journée se dévoile. Habitué à se servir des smartphones pour tout ou presque, il doit faire sans, car pas de réseau internet.

« Je dois dénicher l’auberge de jeunesse que j’avais repérée la veille. Celle-ci n’est qu’à quelques hectomètres de la gare, ça n’aura pas été très compliqué », se réjouit-il. Une bagatelle après un tel périple. (Crédits : yaele/Pixabay)

« Pour 35 £ la nuit je partagerais une chambre de six avec deux autres personnes. » Le premier est un citoyen anglais, le second est de Riad, en Arabie Saoudite, c’est la première fois qu’il vient en Europe ! « Ce soir, je mangerai dans une pizzeria de l’enseigne Zizzi. Il y a quelques années de ça, cette enseigne au nom provocateur pour un français nous avait marqués. Elle était revenue dans des conversations à plusieurs reprises. » C’est un clin d’œil à des amis avec qui j’étais venu en Angleterre, murmure Flavien. Dernière aventure, rejoindre les bras de Morphée. « Après cette journée chargée, je croise les doigts pour que je sois dans l’avion demain. C’est un avion militaire, les civils ne sont pas prioritaires. Espérons qu’ils fassent une exception pour un Poitevin ! » À suivre…

Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

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