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L’ascension du mont Rookery Hill au petit-déjeuner (épis. 6)

Un réveil aux aurores, mais retardée plusieurs fois due à la pluie intermittente. C’est à sept heures tapantes que Flavien décide de se lever et de partir. Un rangement hâtif, pour profiter de l’ascension du mont Rookery Hill. Mais la force de la nature est incroyable. L’humilité est alors la moindre des choses que doit se permettre l’être humain. C’est une des leçons qu’apprend Flavien dès le début de son périple. Au sommet du sud de l’île, le vent est tellement présent qu’il ne reste que cinq petites minutes à quatre pattes…

La pluie intermittente est d’une régularité déconcertante, obligeant Flavien à décaler son réveil à plusieurs reprises. Dès la première heure de la journée, il faut y aller cette fois se convainc-t-il. « Je ne déjeune pas ce matin, je n’ai pas assez d’eau pour faire la vaisselle ». Rassurez-vous, il ne part pas le ventre vide, il engloutit une barre chocolatée.

À l’attaque du Rookery Hill

La tente est vite pliée, si bien qu’il attaque aussitôt le col situé à plus de 300 m. « Je dis au revoir à cet emplacement de bivouac, l’un des plus paumés que j’ai fait. » La montée est raide, mais rapide. « Je traverse d’incroyables communautés à Bolax gummifera, il y en a tellement que je suis obligé de marcher dessus, je ne peux pas les éviter… »

Arrivé au col, le vent est d’une force extraordinaire, « j’ai du mal à tenir debout », avoue Flavien. Au préalable, il pose son sac derrière une butte de terre formée par les érosions. Les conditions climatiques le contraignent à enfiler ses vêtements plus chauds. Une fois équipé, il se saisit de son appareil photo et gravit les derniers mètres.

Il se trouve au sommet du sud de l’île, le fameux « Rookery Hill » à 421 m. Le même cortège de plantes se retrouve au sud comme au nord de l’île constate l’aventurier.

« Le vent est vraiment trop fort. Je reste cinq minutes à quatre pattes et je redescends par peur que ce soit de pire en pire. » Une fois revenu à la hauteur de son sac, il l’endosse. Puis continu son chemin à flanc de coteau sur les contreforts sud du sommet. « C’est un véritable exercice pour mes chevilles, car les Empetrum rubrum, Blechnum magellanicum et Chiliotrichum diffusum rendent le terrain difficile ». (Crédits : Bolax Gummifera/Stan Shebs)

Il chemine, direction Nord-Est vers une plage et deux étangs « qui me font de l’œil depuis le sommet » s’amuse Flavien. Arrivé dans la zone escomptée une pluie fine apparaît. Rapidement, elle s’intensifie si bien que « je ne reste pas longtemps, mais j’ai le temps d’observer quelques Manchots de Magellan, quelques Papous et plusieurs espèces de canard. »

Un hachis parmentier chaud, à l’abri du vent

Pour aller loin, il faut ménager sa monture. C’est pourquoi une fois le surpantalon et le sursac enfilés il prend la direction du sud pour tenter de rallier le settlement, avant le milieu de l’après-midi. Le but est de profiter d’un luxe que tout citadin use sans conscience. « Pouvoir manger à l’abri de l’eau et du zef… » se réjouit-il à l’avance. Toujours un œil en direction de la flore « je traverse des communautés floristiques très similaires au reste de l’île, mais j’observe de nombreux Leucheria suaveolens ».

Après le passage du col à l’Est du Mount Edgmont, Flavien aperçoit enfin la ferme. Il lui faudra une petite heure pour la rallier et se restaurer dans la chaleur d’un foyer, un bonheur simple. « L’après-midi, comme promit David me montre de nombreuses plantes rares autour de la ferme. » Le périple se poursuit en 4×4, qui au contraire du Taxi de Vanessa Paradis, les deux hommes passent partout.

« Il me montre quelques orchidées qui ne sont pas encore fleuries puis me dépose dans un enclos électrifié mis en défens depuis 15 ans », explique-t-il. C’est à cet endroit que les deux espèces sont censées prospérer. « J’aurai mis près d’une heure pour trouver Erigeron incertus dans cet enclos de 3 ha… l’autre reste introuvable. »

Après des nuits à la belle étoile, il profite du logement réservé aux visiteurs pour lui seul. Un tour dans le store de la ferme en fin d’après-midi, puis il se transforme en Ratatouille. « Je cuisine le hachis parmentier trouvé dans leur congélateur. »

(Crédits : Gorfous sauteurs sur l’île de Saunders/Flavien Saboureau)

Un bonheur n’arrivant jamais seul, le temps de la douche est annoncé. Il faut dire qu’après quatre jours sans « quel plaisir ! ». Sans oublier la nuit à l’abri et au chaud de quoi requinquer un homme après les épreuves des dernières heures.

Trop de vent pour l’avion

Flavien devait prendre l’avion ce mercredi 6 décembre peu avant midi. Il y a trop de vent, « la piste de Hill Cove où je me rends est mal orientée, ça ne sera pas pour aujourd’hui ». Profitant de ce temps ainsi alloué, il passera la matinée avec un couple de jeunes Anglais qui devait aussi s’envoler. Son estomac l’invite à se diriger vers la cuisine. Après avoir préparé quelques côtes d’agneau que David lui a donné hier soir, le propriétaire vient le chercher.

« Il m’avait dit que si mon vol était annulé aujourd’hui il m’emmènerait voir une plante très rare à l’autre bout de l’île ». Quarante minutes de route plus tard, les deux hommes sont au pied du « stone run » une particularité géologique des Malouines.

« David n’est plus dans la force de l’âge et ne peut pas m’accompagner en haut du pierrier pour observer la Snake Plant comme ils l’appellent ici ». Rendez-vous est pris 2 h plus tard pour qu’il vienne de rechercher. « Me voilà parti à galoper dans la montagne ». David lui indique que des botanistes y ont laissé un piquet il y a de nombreuses années. « Il m’aura fallu une heure pour atteindre le haut de la crête et trouver cette espèce endémique tant espérée ».

(Crédits : Google Map)

Sur le retour, Flavien tombe nez à nez avec trois espèces qu’il n’avait pas encore revues, et comme par magie David apparaît. « Quel timing ! » Durant le trajet vers le domicile, ils discutent de la mission de Flavien sur l’île d’Amsterdam. « Je n’ai jamais autant parlé en anglais qu’aujourd’hui… ça demande une telle concentration que ce n’est pas reposant une journée à parler anglais », acquiesce-t-il. Il le laissera sur l’enclos de la veille pour trouver la plante manquante. « Une demi-heure plus tard, c’est chose faite, mais elle est ridicule la pauvre antarctic cudweed. » Le soir venu, Flavien retrouve le couple anglais. « Nous passons la soirée à parler de nos expériences, de nos pays… Lui est militaire sur l’île, et sa compagne est venue le rejoindre. La semaine prochaine ils partent en croisière en Antarctique. » À suivre…

Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

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