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À Ushuaïa, Flavien rencontre le Roi des Andes (épis. 13)

Un rêve se vit jusqu’au bout. Surtout quand il est là depuis votre jeunesse, quel que soit l’âge. Cette matinée du 19 décembre est consacrée à la découverte de la ville d’Ushuaïa. En bon touriste, Flavien traîne sur le front de mer. Il déambule sur la plus commerçante et animée des rues : l’avenue San Martin. Comme à Rio Gallegos, les monuments dédiés à la guerre des Malouines sont omniprésents. Une rencontre avec le Pic de Magellan, une montée du Cerro del Medio, au doux parfum d’Ushuaïa.

Encore ici, la carte de l’archipel est placardée sur tous les murs, les voitures et même sur les lettres de la ville, où tous les touristes se prennent en photos. Un ravitaillement au supermarché avant de rentrer à l’auberge. « Il n’y a pas grand-chose à faire en ville. Je monte vers le sommet du Cerro del Medio à 970 m, montagne qui surplombe Ushuaïa, alors qu’il est déjà 13 h 30 ». Nous sommes à deux jours du solstice d’été ici, je devrais avoir un peu de marge se rassure-t-il. Sur les sentiers peu ou prou de personnes, contrairement au centre-ville.

Flavien Saboureau, un naturaliste heureux

De découverte en découverte, il s’émerveille. « Moi qui pensais être en retard pour faire de la botanique, je suis finalement en avance ». En premier, Hamadryas Magellanica, puis les trois espèces des fameux Nothofagus, enfin vers 600/650 m d’altitude, la forêt laisse place au minéral, les célèbres milieux altoandins. « Au sommet les paysages sont dingues. La vue sur le Beagle et Ushuaïa coupe le souffle ». La neige qui reste présente en renforce la beauté.

Dans la descente il traverse un grand névé en dévers, le premier du voyage. Sans vent, « je suis agréablement surpris de la température malgré la neige comparée aux Malouines et son vent. »

Une rencontre avec l’emblématique Pic de Magellan se produit. Mais, il ne laisse pas le temps à Flavien de le photographier. « J’espère que je le reverrai pendant le voyage », claque-t-il.

La descente continue jusqu’à l’auberge par un nouveau chemin. Il se rallonge, mais découvre une autre facette de la ville. Il est 20 h passé…

La journée remplie, il est temps de profiter d’un repos bien mérité.

(Crédits : Flavien Saboureau)


Le lendemain matin, sept heures sonnent quand Flavien se lève, et pour une bonne raison. « C’est l’heure à laquelle le petit-déjeuner est disponible à l’auberge ». Au menu des fruits frais, de quoi faire le plein de vitamines.

Le jour des enfants

Il est à peine huit heures ce mercredi 20 décembre, quand il prend la direction de l’ouest d’Ushuaïa. Une promenade sur l’asphalte avant le panneau stipulant que le sentier est fermé aux marcheurs. « Je n’ai pas fait ces 6 km de route pour faire demi-tour ». Après une heure dans les magnifiques forêts de lenga (Nothofagus betuloides) un groupe de quatre randonneurs le rattrape.

Parmi eux, deux sont des compatriotes. « Ils sont partout ces Français ! Est-ce le gel douche ou l’émission TV qui ont fait la réputation de ce bout du monde », s’interroge-t-il. Ils ont un petit sac et font l’aller-retour à la journée vers le tunnel de glace.

L’une des femmes du groupe explique que la récente mort de personnes sous ce tunnel a amené les autorités à fermer ce chemin.

Ce sentier ne va pas seulement au tunnel de glace. « Il va aussi à la Laguna del Caminante (en photo) où je compte poser ma tente ce soir. » Après quelques kilomètres, les arbres laissent place aux éboulis aux environs de 450 m d’altitude. Un autre lenga aux feuilles aromatiques occupe la dernière strate de la foret, avec Nothofagus pumilio. « Très ressemblant, mais dont les feuilles ne sentent pas », observe Flavien. (Crédits : Flavien Saboureau)


Flavien alternera entre névés et éboulis jusqu’à 14 h dans le parc National de la Terre de Feu. Le groupe des quatre redescend et croise l’aventurier solitaire. « Combien de temps faut-il pour faire le détour vers le tunnel de glace ? ». « Trente minutes », répondent-ils en chœur à Flavien.

Pas de risques inconsidérés pour Flavien

Le temps est encore bien dégagé. Flavien pose mon sac, garde son appareil photo, et se dirige vers lui. « Je ne le croyais pas aussi grand, c’est vraiment impressionnant. » Certains prennent le risque de se photographier à l’intérieur. « Les chutes de pierres récurrentes ne rendent pas le lieu très safe. » Petit à petit, le temps se couvre. Il récupère son sac et file vers le campement.

« Il me reste deux kilomètres à vol d’oiseau. Ce serait idiot de terminer trempé pour un tunnel de glace, même s’il en valait le détour. » Il passe le col et bascule dans l’autre vallée.

« Le vent se lève, je ne traîne pas. » Après avoir suivi un ruisseau issu de la fonte des névés, Flavien bifurque à l’ouest pour rejoindre la lagune, 300 m plus bas. Quelques encablures positives avant d’arriver : « Le spot est dingue. »

« J’enlève mes chaussures pour traverser un torrent littéralement glacé. Mes pieds sont engourdis. » Malgré les précautions, une chaussure se mouille. Le site se situe entre la lagune et des boisements de lenga. Je ne tarderai pas à trouver.


(Crédits : Flavien Saboureau)


Quelques gouttes tombent, Flavien se hâte de monter sa tente. « Je place ma chaussure à côté d’un ancien brasier. Même si c’est interdit, je fais un feu pour la sécher. » L’humidité retarde l’allumage, mais quel bonheur quand il prend enfin.

Le Roi des Andes m’est apparu

« Je profite de la magnifique vue sur le lac aux couleurs bleutées, et sur les glaciers s’accrochant aux plus hauts sommets. » Sans son téléobjectif (1,5 kg) il tire le portrait de quelques oies de Magellan sur le bord du lac, quand soudain…

Derrière une crête, il se dessine la légende de la cordillère des Andes. « Je vois furtivement mon premier condor. »

Le temps de faire une photo, pour s’en assurer, l’oiseau majestueux disparaît. « Le roi des Andes m’est apparu ! Quelle dinguerie ! Avec l’albatros hurleur, j’aurais eu la chance d’observer les deux plus grands oiseaux volants du globe. »

Les oiseaux inaptes au vol sont des oiseaux ayant perdu la capacité à voler au cours de l’évolution. Certains compensent par d’autres aptitudes. La course pour l’Autruche, ou la nage pour le Manchot. Plusieurs ont disparu depuis plusieurs siècles, victimes de la chasse, comme le fameux Dodo.

Après avoir essayé de faire bouillir mon eau sur le feu je me résignerais à utiliser mon réchaud et la bouteille de gaz achetée hier soir. (Crédits : Flavien Saboureau)


« Je termine la soirée à observer les jeux de lumière qui passent au travers des bosquets de lenga aux écorces très graphiques. » La pluie s’arrête, mais le froid enrobe la nature. « J’espère qu’elle reviendra cette nuit pour saupoudrer le paysage d’une fine couche blanche, ce qui serait la cerise sur le gâteau pour sublimer les paysages au réveil », se prête à rêver Flavien. À suivre…

Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

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