mercredi, avril 3, 2024
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De l’Île de l’Ascension aux Malouines (épis. 3)

Une nuit bercée, non par la Mer de la tranquillité, mais par la quiétude d’un vol non commercial. Un petit déjeuner au lit, ou presque, car c’est sur un siège de l’A330 que Flavien déjeune. Un réveil avec vue sur l’océan atlantique sud et l’île de l’Ascension en prime. À quelques secondes de l’arrivée, « c’est agréable de se requinquer ». Dans quelques minutes nous atterrissons sur l’île de l’Ascension (en photo), une île volcanique, sous juridiction anglaise, à mi-distance entre le Brésil et l’Afrique.

À peine ils foulent le sol, qu’ils sont conduits dans un sas d’attente à ciel ouvert, mais la température de 24 degrés pallie l’ennui. Passionné, Flavien tente de saisir quelques plantes, sauf que « c’est à nouveau une base militaire, partagée entre le Royaume-Uni et les États-Unis. Nous sommes étroitement surveillés. Je me suis fait reprendre quand l’idée m’est venue de photographier la flore. » Quelques clichés admettent un constat sans appel, « cette île d’aspect très désertique semble à avoir forcé l’Homme à planter plus de 400 espèces invasives ! De plus son utilisation militaire a fini d’anéantir la diversité de cette île dont les espèces endémiques se comptent désormais sur les doigts d’une main… » Unique once d’espérance sera l’observation d’une frégate de l’île de l’Ascension, le seul oiseau endémique de l’île, se rassure-t-il.

Embarquement immédiat

Du lieu d’attente, Flavien et ses co-voyageurs sont escortés militairement jusqu’à la porte de l’avion. Une fois assis, il ne reste plus que huit heures de vol avant de fouler le sol des Malouines. Comme dans les films d’action et d’aventure le fameux « synchronisation des montres » est de mise. « Nous reculons les aiguilles de trois heures, par rapport au fuseau horaire de l’Angleterre ». Peu avant 16 h (heure locale), l’avion atterrit en ce jeudi 23 novembre 2023. Pas de steward ou d’hôtesse pour annoncer la météo sur place. « À notre arrivée, il faut penser à enfiler la veste coupe-vent et le bonnet, le climat qui règne sur le tarmac vous met direct dans le bain. » Sans mauvais jeu de mots, l’eau est vraiment froide à cet endroit du globe.

Après avoir patienté de nombreuses minutes que l’on inspecte une nouvelle fois mon passeport et un questionnaire que l’on avait pu nous distribuer dans l’avion, je rejoins la sortie du complexe après être passé au contrôle biosécurité. Là, Penguin Travel, un transporteur que Flavien avait commandé pour 22 £ il y a quelques semaines, l’attend avec mon prénom. Après cette arrivée de star de cinéma, direction le minibus avec d’autres membres du vol. La direction prise est Stanley, la capitale des Malouines. « Il nous faudra plus de 45 min de “route” pour rallier la ville. »

Non loin de la base militaire, la route juste refaite surprend de son confort… mais rapidement le revêtement gravillonné devient majoritaire. « Aux Malouines, en dehors de la capitale et de la base militaire, il n’y a pas d’enrobé… »

(Crédits : Flavien Saboureau)

Comme prévu, le transporteur le déposera au 14, Drury Street. C’est à cette adresse, trouvée sur un blog, que « Mamie Kay » propose son jardin aux backpacker (randonneur en français) qui souhaitent installer une tente, moyennant un tarif de 5 £ la nuit. « Malheureusement elle a du mal à comprendre mon anglais, mais nous finirons par nous entendre. Je pourrais même prendre une douche pour un total de 8 £ ». Déjà 18 h, lorsque la tente est mise en place. Bien à l’abri « j’y laisse mon sac à dos, prends mon appareil photo et descends sur le front de mer. »

Premier contact en terre du sud

J’ai rendez-vous avec Amandine, une chercheuse française (écoépidémiologiste) qui m’a beaucoup conseillé pour ce voyage. On doit se retrouver au Waterfront bar pour 20 h. « À peine ai-je eu le temps de photographier quelques oiseaux et quelques plantes que je devine Amandine et son collègue, Léo, qui sortent de leur labo. » Flavien, Amandine et Léo font plus ample connaissance sur le chemin jusqu’au Waterfront. Là-bas, Amandine rencontre une de ses connaissances, une contrôleuse de pêche.

Elle nous invite à venir manger ce soir dans une maison de Stanley où les contrôleurs de pêche se retrouvent. Nous nous y rendrons, c’est le gueuleton ! « Je devais aller sur l’île de New Island demain, mais Amandine ne trouve pas mon nom sur le plan de vol, tant pis je verrai ça demain. »

Nous finirons là-bas est à minuit. Il me faut rentrer de nuit et tenter de rejoindre le jardin de Mamie Kay. Par chance, la capitale ne compte que 1 500 habitants alors je n’aurai pas de mal à retrouver ma tente.

Le lendemain, direction le west store pour y acheter une carte sim, et donner des nouvelles à la famille. Le prix est comme tout ici, isolé donc un peu plus cher, 30 £. « Je n’arrive pas à l’activer… J’attendrai de revoir les deux Français avec qui j’ai rendez-vous ce soir. »

(Crédits : Stanley/Port Stanley, from the air, 2005/02, by Tom L-C)

En attendant, le temps est idéal, la journée superbe « alors j’en profite pour aller au Cap Pembroke, à quelques kilomètres de Stanley. Tout particulièrement à Gypsy cove, une magnifique baie où les manchots de Magellan me sont promis. »

Malade au bout du monde

Le week-end s’annonce radieux et enchanteur. Samedi 25 novembre, c’est le départ vers New Island, une île appartenant au Royaume-Uni, mais revendiquée par l’Argentine. Elle est située à plus de 230 km de la capitale Stanley. Une fois sur le sol, plusieurs destinations au programme. Field station, le mont Cliff Peak et Rookery pour son lieu d’observation idyllique. Durant cette semaine, des découvertes de faune et flore qui enchantent Flavien. Mais il déchante, car malade, avec des symptômes qui s’apparentent, semble-t-il, au fameux SARS-CoV-2.

Le naturaliste spécialisé en botanique se réjouit de capturer en photographie quelques spécimens : Nassauvia gaudichaudii et Calceolaria fothergilii, côté faune c’est le Fur Seal qui se dévoile. Mais Flavien se sent patraque, il semble couver quelque chose.

Le lendemain c’est au tour de Senecio vaginatus. Le séneçon lisse, est une espèce de plante à fleurs de la famille des asters, endémique des îles Falkland. Lundi 27 novembre au nord de New Island, il rencontre Ranunculus acaulis. La renoncule des dunes est une petite herbe charnue à fleurs jaunes qui pousse en tapis principalement près de la mer. Puis c’est au tour de Abrotanella emarginata dans le sud. Et Leucheria suaveolens (marguerite vanille) à Bold Point, comme Calandrinia sp. et le papillon Queen of the Falklands le 1er décembre.

(Crédits : Ranunculus acaulis/Peter de Lange)

Le lendemain, samedi Flavien range le gîte qui lui a été prêté durant sa convalescence, il est temps de partir vers une nouvelle destination. Mais avant tout payer l’hébergement et acheter de la nourriture pour les prochains jours sur l’Île de Saunders. À suivre…

Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

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