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Noël pluvieux pour Flavien (épis. 16)

Pas de grasse matinée en ce jour de Noël. La montre affiche huit heures quand la tente est pliée. Peu de temps après, Flavien est déjà sur la route. Le chemin sur la carte semble encore long, surtout s’il n’est pas balisé. S’il se trouve avec des troncs entremêlés, ça risque d’être long. Le temps annoncé par les services de météorologie est à la pluie : rien d’idyllique. Les premières heures se déroulent sans accrocs. Flavien arrive donc à marcher à une vitesse de 2 à 3 km/h dans ces magnifiques tourbières qu’il traverse.

« Le cortège floristique est pauvre dans ces milieux alors je ne m’arrête pas pour prendre des photos. » Quelques minutes plus tard, il faudra traverser quelques bosquets, alors que la pluie s’invite à la randonnée. Je ne traîne pas et me rapproche de sentiers plus utilisés. Ça se voit grâce au balisage qui commence à devenir omniprésent. Il est 11 h et j’ai déjà fait la plupart de l’étape du jour, je devrais réussir à être rentré en ville dans l’après-midi.

Les pieds engourdis par le froid

Quand le pont est inutilisable, il ne reste qu’une solution : se déchausser, pour passer la rivière. « C’est la plus large que j’aie eu à traverser pour le moment. J’ai les pieds engourdis par le froid », grelotte Flavien. Après avoir englouti son fromage et son saucisson, il rejoint la route.

Il reste que quelques kilomètres pour rejoindre Ushuaïa. Tout juste 10. Habitué à se diriger via le GPS, il sort son smartphone. « Je n’ai pas de réseau ! C’est le moment de faire du stop ».

C’est une première pour l’aventurier. Pendant 10 longues minutes, personne ne s’arrête. La pluie est sa seule compagne. Il reste immobile, patientant le temps de voir des véhicules. « J’enfile mes affaires de pluie, car à rester statique sur le bord de la route je vais finir trempé. »

La pluie s’intensifie. La galère semble le poursuivre. Sauf qu’un Argentin s’arrête. « Ouf », s’esclaffe-t-il. La difficulté de l’échange linguistique pose alors une solide barrière. « Malheureusement il ne parle pas un mot d’une autre langue. », semble soupirer le bavard. (Crédits : Caltha dionaeifolia – Ranunculaceae/Flavien Saboureau)


Plusieurs minutes s’égrènent. Le chanceux se trouve à quelques encablures de son but. Son précieux sauveur vient de le déposer à l’entrée de la ville. « Il me reste 4 km pour rejoindre l’auberge. » Mouillé pour mouillé, il s’arme de courage en avalant le bitume.

Un Uber en direction de Vinceguerra

Après un quart d’heure à déambuler sur l’asphalte, une voiture stoppe à sa hauteur. Sa surprise est totale, pour son plus grand bonheur. « Sans même faire de stop, une jeune Argentine s’arrête ». Elle lui explique être adepte de la randonnée. Elle a donc expérimenté la marche et sait ce que c’est que de crapahuter sous la pluie et le vent.

Le chanceux du jour s’engouffre dans son véhicule. « Elle m’embarque dans le Kangoo de son boulot, elle est vétérinaire si j’ai bien compris. » Cette bienveillance ravit le jeune homme. Elle dépose Flavien non loin de l’auberge. « Il y a quand même des gens bien ! », claque l’heureux. Après cette folle fin de journée, il profite d’un confort bien agréable : une bonne douche.

Un peu de repos au programme. « Je passe la fin de l’après-midi à me reposer à l’auberge. J’explique les subtilités de la randonnée passée à Pierre ». Lui aussi souhaite accomplir ce trek.

Le lendemain de Noël, le réveil est tardif. À 10 h 30 il commande un Uber pour se rendre au début du sentier du glacier de Vinceguerra. (Crédits : Gaultheria pumila – Ericaceae/Flavien Saboureau)


Le choix de se faire conduire, tiens du fait qu’il a déjà emprunté cette route lors de son retour de la laguna del Caminante. « La flemme de me retaper ces 8 km d’asphalte que je connais. » Sauf que les 15 minutes paraissent longues. Le conducteur ne parle pas un mot d’anglais. Ce luxe ne lui coûte que 3000 pesos.

Au pas de course

Avant de quitter le chauffeur, il se débrouille pour que celui-ci vienne le chercher à 17 h. « J’espère que l’on s’est compris », tente de se rassurer l’aventurier. Il sera vite fixé, à son retour de la randonnée. Pour se faire, il doit être de retour dans six heures. « Me voilà parti à marcher. Je dois être de retour dans 6 h et la randonnée est indiquée pour 8 heures aller et retour ».

C’est le « gros coup de flippe ». L’homme pressé trace en direction du glacier situé à 700 m plus haut. Tant et si bien, qu’en moins de temps pour le dire, il se retrouve au sommet. « Moins d’une heure et demie pour la montée. Je suis rassuré, et peux prendre mon temps ». La contemplation ravit Flavien. « La lagune qui précède le glacier est magnifique et encore partiellement gelée. »

Il n’est pas seul à profiter ce lieu. Sur la glace, un couple de Brassemer de Patagonie se dore la pilule. Il profite du soleil étincelant qui accompagne Flavien depuis ce matin. Arrivé au glacier, une crevasse permet d’y rentrer. « Je n’ai pas mes crampons, mais j’y vais quand même. » La glace est translucide. Il entre pour la première fois dans un glacier. « Il n’y fait pas si froid finalement » s’étonne-t-il. (Crédits : Flavien Saboureau)


Après la contemplation du paysage gelé depuis la lagune, il descend tranquillement. L’infatigable naturaliste recherche en vain l’introuvable Donatia fascicularis (en photo). « Je retourne près de la route et mon Uber arrive au même moment, parfait. » Une visite à l’office de tourisme pour faire tamponner son passeport avec les tampons de la ville, avant quelques courses. Comme l’émission des douanes australiennes, les instances chiliennes n’aiment pas les fruits et autres produits frais. « Je fais donc attention à ce que j’achète ». À suivre…

Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

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