Pérégrinations

Découvertes du parc national Torres del Paine (Épis. 25/46)

Le matériel est prêt. Il est 6 h quand Camille pointe le bout de son nez à l’auberge où dormait Flavien. Ils patientent jusqu’à l’arrivée du chauffeur. Le parcours en bus coûte seulement 10 000 pesos jusqu’à Torres del Paine. Sauf que les deux randonneurs veulent en découdre au plus vite. Flavien appréhende la vitesse moyenne que Camille envisage sur le trek. Flavien est à la recherche de la flore à photographier et à documenter. Les deux vont-ils s’entendre ?


La veille au soir, ils réservent un trajet en Uber, 57 000 pesos (55 €). Le bus pour rejoindre le parc national coûte 10 000 pesos. Mais, car il y a un mais, il arrive sur place qu’aux alentours de 11 h. « Sur le papier c’était censé durer 11 h alors nous ne pouvions pas nous permettre d’arriver si tard. » Une fois dans la voiture, stupeur. « Le chauffeur dit que l’application ne fonctionne pas pour de si longues distances, il nous en demande 120 000… », s’insurge Flavien.

La négociation pour un trajet rapide

Les deux se ravisent, ils décident de prendre le bus quand une contre-proposition arrive : 90 000… la négociation se clôture à 80 000. « Cette somme est loin d’être dérisoire, mais nous acceptons. » En voiture !! « C’est parti pour près de deux heures sur des routes plus ou moins goudronnées. » Condors, nandous et guanacos sont des compagnons de voyage. Le chauffeur les dépose au début du sentier, après avoir montré patte blanche : les fameux billets achetés pour 44 000 pesos. « Nous arrivons à l’entrée du parc national. Comme escompté, la météo n’est pas de la partie », susurre Flavien.

La pluie les oblige à enfiler parka, sursac, guêtres et pantalon de pluie avant d’attaquer les 32 km. « À la vue du premier refuge, l’eau pénètre mes chaussures, la lose », souffle-t-il. Je vais devoir me traîner sur 140 km avec les pompes humides, pense-t-il à haute voix.

Après une courte pause, où la nuit nous aurait coûté 60 €, nous repartons sous une pluie bien atténuée. Les deux se regardent, une sensation étrange les tient, la chaleur. « Depuis le début de mon trip, c’est la première fois que j’ai cette sensation en randonnée. »

Camille avait noté les 18 °C de cette après-midi en vérifiant le parcours et la météo. Ils cheminent sur des traces larges à « 4×4 » au départ. Puis, les sentiers rétrécissent quand le champ de vision s’élargit. (Crédits : Flavien Saboureau)


« Nos premiers paysages du trek, alternants entre pampa et lagunes », s’émerveille Flavien. Le duo rallie un col où le vent souffle très fort. « Ce n’est pas comparable au Mont Tarn. Mélangé à une pluie fine, ça nous fouette sévèrement le visage. » Ils se mettent étrangement à se déplacer en « crabe ». « Nous sommes obligés à marcher de côté. Nous ne pouvons pas faire machine arrière sur ces sentiers techniques », explique-t-il.

Pas de temps pour les photos

Camille s’empare de la tête. « Je n’ai jamais marché aussi vite en randonnée. On est sur des bases de 4 km/h, c’est énorme sur ce type de chemin. » Pas de possibilité de photographier des plantes, et pourtant ce ne sont pas les nouvelles espèces qui manquent, je ronge mon frein, grommelle Flavien. La Gentianella magellanica qu’il recroisera, Berberis empetrifolia le jour de la Saint-Valentin, Mulinum spinosum patiente le temps d’une semaine. Quand ce n’est pas le moment, rien ne s’aligne.

« À 16 h nous arrivons au refuge Dickson. Soit 32 km en 7 h 30, plus de 4 km/h de moyenne… » Flavien observe quasiment un manque. « Je n’ai pas l’impression d’avoir fait tant de kilomètres, sûrement due à l’absence de dénivelé. »

Les chaussures encore humides rendent ses pieds tous fripés. « Je suis agréablement surpris de l’état de mes pieds après bientôt deux mois avec les mêmes chaussures ». Qui plus est avec près de 1000 km au compteur.

Les tentes dressées, et après la douche de Camille, ils dégustent une bière face au soleil qui est revenu. « La musique du refuge, les quelques chevaux dans le pré où sont posées les tentes, donnent au moment quelque chose de particulier », poétise le jeune homme. Près de huit heures ensemble, le besoin de s’isoler l’un de l’autre s’effectue. « J’en profite pour écrire et taper un somme. » (Crédits : Flavien Saboureau)

Durant la randonnée, Camille est peu loquace, « elle semble obnubilée par sa performance sportive », claque Flavien. Après avoir soupé, le duo s’étonne de voir peu ou prou de Français, sur la centaine de randonneurs présente. Petit plus, la douche chaude au refuge Dickson. « C’est la première fois du voyage que j’ai des douches sur une rando », se réjouit-il. Demain mercredi, une petite rando de 12 km donnée pour 4 h. « On n’a pas la même vision de la randonnée, c’est dommage. » Toutes leurs affaires sont sèches, même les chaussures. « Je n’y aurai pas mis une pièce… »

Deux salles, deux ambiances

Le tandem, comme tous les voyageurs, doit quitter le camping du refuge pour 9 h 30. L’étape en direction de Los Perros affiche 12 km et 350 m de dénivelé. Après quelques centaines de mètres de marche, le duo décide de se séparer. « Camille est sur les starting-blocks et je sens bien qu’elle veut tracer. » De son côté, il souhaite profiter de l’instant présent, de l’ambiance et des paysages. « Je ne suis pas venu ici pour courir », martèle l’aventurier. Avant d’accéder au refuge, se dévoile un énorme glacier qui se jette dans un lac.

La météo tourne au vinaigre. « Je ne traîne pas, ce serait bête de se tremper sur le dernier kilomètre. »

Quatre heures de marche, « j’arrive au refuge, presque sec ! » Camille est arrivée depuis quasiment une heure. La salle de restauration est pleine, la pièce chargée d’humidité et les vitres embuées.

Précautionneux, Flavien installe sa tente en sous-bois, dans l’hypothèse où le temps vient à se dégrader. Le duo s’offre une sieste avant de prendre le goûter.

Le confort du refuge Dickson avec sa douche chaude manque lorsque Flavien a voulu tenter de prendre une douche. Il n’y a que de l’eau froide. « Je ne me sens pas assez sale pour ça, on verra demain, en espérant qu’elle y soit chaude. » (Crédits : Flavien Saboureau)

Les discussions s’enchaînent à l’autre bout du monde, jusqu’au souper. L’ambiance colle au cliché cinématographique du refuge. Celle prisée par les randonneurs qui tentent de se réchauffer et de se sécher. Les obligations sont drastiques en Patagonie. « Demain, il faut quitter le refuge pour 7 h, qu’est-ce que c’est chiant ces obligations », grommelle Flavien. La raison se tient dans la distance à parcourir. Ce qui évite permet d’arriver avant la nuit pour tout un chacun. Ce qui peut engendrer des frustrations pour les plus rapides. « On se donne le mot pour un réveil à 6 h avec Camille, en espérant qu’il ne pleuve pas. » À suivre…

Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

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