Pérégrinations

Rendez-vous sous la pluie (Épis. 24/46)

La journée du samedi 13 janvier 2024 est cloisonnée par tiers. La visite du phare San Isidro, du stop et une pizza. L’agitation de la veille plonge irrémédiablement l’aventurier dans les bras de Morphée. Comme pour les retraités, les jours défilent sans se présenter. Après avoir « rendu » la tente, il enfourche le vélo en direction de la laverie : fermée, dimanche oblige… Le distributeur de la banque est disponible 24 h/24, ce qui lui permet de faire quelques courses. Puis, il range ses affaires et dit au revoir à l’aubergiste.

« J’évoque peu cette personne. Pourtant, il m’a donné énormément de conseils avec une bienveillance de chaque instant. » Il me prend en photo lors de mon départ pour me mettre sur son compte Instagram. Maintenant, Flavien vogue vers Puerto Natales.

Un trek à deux ?

L’embarquement s’effectue à 14 h. Puerto Natales se situe 3 h plus au nord. Flavien arrive quinze minutes avant le départ du bus. Trempé à cause de la pluie, fatigué, son cerveau se focalise sur une seule chose. « Je pense aux prochaines heures de sommeil qui m’attendent », soupire-t-il.

Juste avant le début du voyage, une jeune femme se pose sur le siège en face. Confuse, elle fait se mouvoir un individu pour accéder à sa place, près de la fenêtre. L’accent francophone ne trompe pas.

Flavien l’interpelle en glissant « tiens une Française », sans être foncièrement surpris. À côté d’elle se trouve une personne ivre. « Je lui propose de venir s’asseoir à côté de moi. » Ni une, ni deux elle s’installe à côté et remercie Flavien de cette attention.

Les deux voyageurs se lancent dans une discussion à bâtons rompus. Le visage carré et les yeux verts de Camille ne laissent pas indifférent Flavien…

Les occupants du bus sombrent dans un sommeil profond, tous sauf les deux qui bavardent… deux heures s’écoulent quand « on se dit quand même qu’il faudrait qu’on arrête de parler et que l’on se repose ».

Les trois heures n’ont duré pas plus que quelques minutes pense Flavien à l’arrivée à Puerto Natales. « N’ayant toujours pas réservé d’auberge je la suis, espérant trouver une place… » Comme il est prévisible, elle est complète. (Crédits : hostalindependencia/Instagram)

Ils échangent leurs « What’s App » et se séparent. Flavien prend la direction de l’établissement conseillée par l’aubergiste de Punta Arenas ce matin. « Avec de la chance, il reste de la place. » Le vent trop présent pour installer la tente, l’aventurier opte pour un lit en dortoir pour 13 000 pesos. « Cette auberge est très sympa, la plus cosy que j’ai pu trouver jusqu’à maintenant », se réjouit-il.

Le trek de Torres del Paine, et au trot !

Entre Français la discussion s’enclenche à l’auberge. L’heure file, il est déjà 19 h 30. « J’ai rendez-vous avec Camille. » Le temps de prendre une douche, et Flavien est fin prêt. Les deux aventuriers s’installent au bar restaurant, « bières commandées », claque-t-il. Le sujet tourne autour du fameux trek dans le parc national Torres del Paine. « Il faut réserver des mois en avance les hébergements, j’avais donc abandonné l’idée », lâche-t-il. Plutôt aller traquer photographiquement le puma pense-t-il tout bas.

Camille est très motivée pour le faire et l’embarque dans son idée. « Elle semble avoir trouvé de la place sur le net. » Pas convaincu au départ, mais le concept de partager ces 8 jours de randonnée avec elle, le ravit. Tout s’enchaîne rapidement. « Il y a encore 6 h on ne se connaissait pas… Je ne sais pas trop si c’est une bonne idée, la météo ne s’annonce pas au beau fixe. »

Elle est très sportive et veut faire des journées de 32 km. « Je me laisse tenter. Je ne risque pas grand-chose, au pire on fera le chemin chacun de notre côté si le courant ne passe pas. » Les deux compères se quittent vers 22 h 30. « J’ai l’impression de la connaître depuis des années, elle est jumelle, vit en Belgique, est pharmacien, pratique beaucoup de vélo… » (Crédits : Oxalis loricata — Oxalidaceae/Flavien Saboureau)

La nuit est tombée sur la Puerto Natales. Flavien profite de ces instants pour se rendre sur le front de mer, « j’ai besoin de réfléchir », lâche-t-il. Bon désormais il va falloir que je m’arrête moins souvent pour prendre les espèces en photos, enfin elle est au courant de cette passion et semble apprécier, alors elle ne pourra pas être surprise. Cette rencontre me rebooste, ça fait du bien.

Un trek aux petits oignons

Ce lundi, le réveil-matin sonne à 5 h. « La tête pleine, je somnole jusqu’à 9 h 30. » Il engloutit le petit déjeuner. Flavien déambule dans les rues de Puerto Natales. « Hier, je n’ai pas pris le temps d’observer la ville. »

La ville vit du tourisme, le centre-ville est très chic, remarque Flavien. Les nombreuses boutiques « cosy », très européennes, les quartiers résidentiels appuient son intuition. Les maisons offrent que très peu d’étages. Ce qui donne une allure très « plate » à cette ville, martèle Flavien. À 11 h 30, rendez-vous avec Camille à son auberge. L’objectif est la planification des neuf jours à venir de randonnée, en autonomie.

Ils se rendent auprès des compagnies qui vendent les billets des campings du fameux parc Torres del Paine. « Où nous essayons de glaner des infos avant de nous en procurer. » Puis chacun de son côté, juste après le repas, Flavien et Camille achètent le nécessaire à ces jours de trek. La tocante affiche déjà plus de 17 h. L’heure est la préparation aux petits oignons des sacs respectifs. (Crédits : Donatia fascicularis, Drosera uniflora et Caltha dionaeifolia/Flavien Saboureau)

Camille repasse à mon auberge en fin de soirée. Le but est de récupérer des sacs poubelle et un étanche que je peux lui prêter. « L’aubergiste nous rappelle qu’elle n’a normalement pas le droit de rentrer », grommelle Flavien. Le manque de sommeil invite Flavien à dormir tôt. « Je ne tarde pas à aller me coucher après avoir répondu à des mails pros qui se sont donné le mot pour tous arriver en même temps. » À suivre…

Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

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