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L’exploration de l’île de Chiloé (Épis. 34/46)

La peur de se faire avoir hante Flavien durant la veille. La nuit porte conseil, surtout lorsqu’elle est autant reposante. Après avoir pris le petit déjeuner, inclus dans le prix de l’hôtel ***, Flavien et David vont faire quasiment un hold-up à la banque. Pour payer la caution du véhicule tant espéré, il se procure un demi-million de pesos chilien, et en petite coupure. À 10 h 30, ils se rendent à la station-service, lieu de l’échange tout proche de l’hôtel. Le propriétaire est présent. Un soulagement pour Flavien, même s’il n’en souffle pas un mot.

À nous la liberté !

Le duo passe au peigne fin la voiture. Le loueur transmet les documents pour l’accès en Argentine entre le 15 et le 19 février 2024. « Nous voilà au volant d’un Nissan break quasi neuf. À nous la liberté ! » Le tandem s’empresse de récupérer leurs sacs à l’hôtel. Une fois l’automobile chargée, direction le bac. Il permet de traverser de Pargua à Chacao vers la fameuse île de Chiloé.

Réputée pour ses églises et ses maisons sur pilotis, elle est souvent considérée comme la Bretagne Chilienne de par son climat et ses paysages littoraux. Les surprises parsèment le chemin de Flavien et David. « Pour nous y rendre il faut emprunter un semblant d’autoroute, et s’acquitter d’un droit de passage », s’étonne le conteur.

En faisant la queue pour monter sur le ferry, « j’observe plein de nouvelles espèces : Lophosoria quadripinnata, Lomatia ferruginea, Boquila trifoliolata, Aristotelia chilensis, etc ». Embarqué, Flavien espère apercevoir le cormoran, mais… ce sera un pélican. Une fois sur Chiloé, ils filent à la plage de Piñhuil. Une balade d’une heure à voiture, pour la bonne cause. « Là-bas, on compte prendre un modeste bateau touristique pour faire le tout de petites îles où vivent les manchots de Magellan et de Humbolt. C’est ce dernier qui m’intéresse », assure Flavien.

Les paysages pour y arriver me remémorent la corniche basque que j’ai visitée l’année précédente, lâche-t-il de sa moustache. Une fois sur place, l’étonnement est de mise. « Nous devons conduire sur une plage de sable noir sur laquelle nous devrons nous stationner. » À peine sortis de la voiture, ils achètent chacun un billet à 9000 pesos (soit environ 9 euros), et embarquent dans le bateau.

« Amarré sur la plage, il faut monter sur une espèce de chariot bricolé pour grimper sans avoir à enfiler les cuissardes. Scène surprenante qui renforce le sentiment d’être plus que jamais des touristes… » L’épopée dure une demi-heure durant laquelle il observe quelques manchots de Humbolt. Par contre, il se réjouit, des nombreux cormorans visibles. La tocante affiche quasiment 15 h, il est temps de prendre la direction de Castro, la capitale de l’île, à une bonne centaine de kilomètres vers le sud. « Cette fois, je prends le volant. Cela fait quelques mois que je n’ai pas conduit et j’attaque par 1 h 45 de route, ça me remet direct dans le bain… » (Crédits : yohb0/Pixabay)

La météo radieuse invite à la visite. « Comme à notre habitude, on craque pour une glace », sourit Flavien. Quelques empanadas et spécialités locales, tels les milcaos, dans le sac, ils se dirigent vers le parc national de Chiloé sur la côte Pacifique. Flavien pose sa tente sur une panne dunaire, David dormira sur le siège passager. « Le jour se couche de plus en plus tôt (21 h aujourd’hui contre 22 h 30 il y a un mois), note l’aventurier. Demain (dimanche 11 février), il faut profiter de la matinée pour se promener dans le parc, la pluie est annoncée pour l’après-midi. »

À la vitesse d’un botaniste

La pluie est tombée durant la nuit. Il faut attendre que sa guitoune sèche un minimum pour pouvoir la ranger, pense à voix haute Flavien. Pendant que David dort encore, le botaniste sort son appareil et mitraille les plantes qui bordent la tente. Après avoir pris un petit déjeuner rudimentaire, le duo marche vers l’entrée du parc National de Chiloé, dont le ticket coûte 7500 pesos. « Les sentiers sont très courts, moins de 3 km. Nous allons vite les expédier. »

Sauf qu’il y a énormément d’espèces nouvelles à observer et photographier. La visite éclair se transforme en un safari de quatre heures. « David réussit l’exploit d’avancer au rythme très lent d’un botaniste », se confie Flavien amusé. Les espèces sont mythiques enchaîne-t-il : Tepualia stipularis, Lapageria rosea, Desfontainia spinosa, Tristerix corymbosus, Rhaphithamnus spinosus, Luma apiculata, Aextoxicon punctatum et j’en passe. « À 14 h nous sommes de retour à la voiture. » Ils sont dotés d’un « nez fin », car à peine cinq minutes s’écoulent lorsqu’une averse s’abat sur l’île. La météo avait raison, mais que faire de l’après-midi ? Transmutation en touristes : direction la ville de Chonchi, à l’est. Une explication en deux points : il y a quelques églises classées à explorer et parce qu’il fait souvent plus beau sur la côte sous le vent. Finalement, il y fera la même météo… Mais une surprise de taille les attend.

Sur le chemin, une très grande fête de village se découvre. « C’est la fête annuelle de l’île, quelle chance ! » Après avoir visité l’église, ils trouvent pléthores de stands artisanaux et de nourriture. Peu ou prou de touriste, « nous sommes au cœur de la culture de l’île, le pied », s’enchante Flavien. Pendant quelques dizaines de minutes, ils profitent du spectacle des gauchos se démenant avec leurs taureaux dans l’arène. Ayant toujours un creux à l’estomac, ils dégustent quelques spécialités du coin comme le Mote con huesillos. « C’est un mélange de sirop, de pêche et de blé cuit, mélange très étonnant qui n’est pas forcément alléchant », explique-t-il. Le jeune homme semble nostalgique.

« J’ai l’impression de revenir 20 ans en arrière en France quand les fêtes de village étaient monnaie courante. » C’est la première fois du voyage qu’il se confronte à un peuple avec une véritable culture, transmise de génération en génération. (Crédits : Lapageria rosea/Flavien Saboureau)

Avant de partir vers Quillén, ils profitent du spectacle de fabrication des Chochoca (sorte de roulés à la patate) et de la tonte de moutons. Comme Flavien remarque quelques lignes plus en avant, le jour se couche plus tôt. Ils reprennent la voiture en direction Quillen, 45 min plus au sud, espérant y trouve un spot de bivouac. Arrivés au bord de la plage, ils trouvent un semblant de camping se résumant à une simple pelouse en bord de mer. « Il reste une heure avant le coucher de soleil alors on prend notre bière et direction le phare, pour y observer quelques otaries au soleil tombant. La tente dressée, nous parton dans le bourg, pour tomber sur un foodtruck encore ouvert. Nous n’avons pas vraiment de nourriture pour ce soir. » Alors que le soleil disparaît, le froid s’empare de sa place. « Ça caille ce soir, ça faisait quelques jours que l’on n’avait pas eu froid. » À suivre…

Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

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