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Voyage entre deux mondes (Épis. 29/46)

Ce lundi 29 janvier 2024, Flavien doit se rendre à la gare routière des potron-minet. Le bus en direction d’El Calafate démarre à huit heures. Alors qu’un duo s’est clos avec Camille, un autre débute avec David. Les deux anciens des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) font à nouveau équipe, sur un bout de terre bien plus conséquent, l’Amérique du Sud. Cependant, Flavien est pris entre deux mondes. Celui de son aventure, et celui de pouvoir dire au revoir à Madeleine.

La tête est empoignée comme dans un étau. Il s’anime d’un sentiment d’oppression. Il contacte sa famille, ses amis. À cet instant ses souvenirs de jeunesse se sacralisent autour de l’image de Madeleine. Sans être résumé en une seule, elle est une part de sa vie, telle l’icône de Proust.

Au plus près du glacier

Levé dès l’aurore pour Flavien. « Je dois être à 7 h 30 à la gare routière », affirme-t-il. Comme une journée sans douche n’existe pas, l’aventurier sort de l’auberge sous la pluie. « J’arrive bien humide après 20 minutes de marche », acquiesce Flavien.

Il est 8 h quand installé dans le bus, ce dernier se met à rouler. Les voyageurs partent en direction d’El Calafate, en Argentine, à six bonnes heures d’ici. Après approximativement une demi-heure de trajet, le convoi stoppe. Il s’agit du premier passage à la douane. Environ soixante minutes plus tard, c’est le poste de l’Argentine.

« Depuis la fenêtre j’aperçois de nombreux nandous et guanacos, que je n’ai toujours pas réussi à photographier. » Flavien débarque à El Calafate aux environs de 14 h 30… Il se rend serein à l’auberge de jeunesse, et pour cause. « C’est la première fois que je réserve mon logement ».

Durant une heure, Flavien patiente. « David qui a fait le trajet en avion d’Ushuaïa arrive enfin ». Le duo règle les 18 euros pour la nuit, qui comprend le petit-déjeuner, retient les places dans le bus pour demain et file en ville. (Crédits : capture d’écran/Rome2Rio)

« Le centre-ville est sympa et animé. On boit une bière et on prendra un burger au guanaco », se réjouit l’aventurier. C’est l’occasion de parler des TAAF, bien que les deux compères se soient vus, il y a tout juste trois. Demain le bus les cueille à 7 h 30. « Nous ne traînons pas à aller nous coucher dans notre petit dortoir de trois lits, partagé avec un espagnol arrivé assez tard », explique Flavien tout en s’endormant.

Une auberge tout confort

Le bien-être vit par de petites choses, surtout le dimanche matin. « Que c’est agréable de bien manger avant d’attaquer sa journée, j’avais presque oublié. » À l’heure prévue, le bus vient les chercher, enfin c’est un bus 4×4. « Direction le fameux Perito Moreno en passant par la route historique, non goudronnée. » Un régal.

Un lieu pousse David et Flavien à rire. « Nous sommes arrêtés dans un ranch qui n’a pas grand-chose à voir avec un ranch. » Ils repartent, avant un nouvel arrêt suivi d’une marche de quinze minutes pour rallier un embarcadère. « Nous sommes quatre à nous approcher du glacier différemment. »

Ils sont conduits sur les passerelles où l’on peut l’admirer au plus près. « Entendre et observer, de nombreux blocs se détacher du glacier est unique », commente Flavien.

Après cet intermède, ils partent pour 1 h 15 de route, avant que la compagnie les dépose en centre-ville. Ils se font plaisir avec une glace. « Je choisis goût “El Calafate”. C’est le fruit du berbéris, qui a donné son nom à la ville », explique l’aventurier. (Crédits : Perito Moreno/Flavien Saboureau)

De retour à l’auberge, le duo organise les jours suivants du voyage. « On réserve le bateau que l’on prendra samedi à Puerto Natales direction Puerto Montt. » Puis, les touristes se questionnent sur la journée à El Chalten, destination de demain. Ils joueront les parfaits bourlingueurs.

Un dilemme cornélien

« Ce matin je me lève en songeant à l’enterrement de Madeleine, j’ai toujours autant de mal à admettre que je n’y serai pas. » David le rejoint au camping à 8 h pour le petit-déjeuner. Un sentiment d’anxiété reprend Flavien. David emmène Flavien, presque malgré lui vers la Laguna Torre, située à 9 km de marche. « Au début je suis perdu dans mes pensées… jusqu’aux premières difficultés. » En l’absence de dénivelé, ils arrivent à destination en 2 h 30.

Bien que les sommets soient dans les nuages, la pluie attendue n’est pas si forte : « on peut même observer le glacier ». L’averse s’intensifie et le duo entame le chemin inverse. « Sorti du cirque glaciaire, la pluie cesse et il fait chaud. Je transpire, je ne suis plus habitué… » La pause casse-croûte s’impose. « Avec David, on mange le saucisson et le fromage qu’il nous restait. » Après une courte période de repos, durant lequel David profite de son auberge, ils se rejoignent chez un glacier. Un moment suspendu ou l’oisiveté est de mise. « Le temps ne s’y prête pas, mais une petite glace fait toujours plaisir. »

Chemin faisant, « nous allons dans un bar à bière où nous rencontrons de nombreux Français ». Fort à parier qu’ils les croiseront dès demain sur les chemins, mais pas à bicyclette. Après avoir fait les courses, direction l’auberge de David. « Il y a une vraie cuisine », se réjouit Flavien. (Crédits : Laguna Torre/Flavien Saboureau)

Au menu ce soir : des pâtes “carbo” maisons. « Un plaisir de bien manger pour pas cher. » Puis de retour à ses pénates, Flavien prend sa plume pour écrire. « 71 jours que je suis parti. Je n’ai jamais étais aussi hésitant sur la suite du périple. Il est booké jusqu’à l’arrivée du bateau à Puerto Montt le 8 février 2024. Mais est-ce que je continue vers la région des volcans et Juan Fernandez, ou je réserve mon billet d’avion pour le retour ? » Empli de doute, il parcourt les blogs évoquant un coup de mou. « Deux avis. Le premier est de ne pas arrêter sur un coup de tête ou écouter son ressenti pour que ces coups de blues n’impactent pas psychologiquement et à long terme mon avenir… » À suivre…

Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

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