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Cannellonis, URSSAF et embarquement (Épis. 22)

Flavien se rend en centre-ville avec les Grenoblois pour y acheter quelques cartes postales. Manque de chance, la poste est fermée. Le trio se sépare avec des au revoir. Ils s’envolent vers Punta Arenas. Quant à Flavien, il se dirige vers le port pour se procurer ses billets retours. Le départ est censé être à 14 h, finalement ce sera à 23 h. Une dernière recherche sur une plante inconnue… La pluie a raison de sa motivation, les températures sont annoncées à la baisse, tout proche de zéro.

Qui paye ses dettes s’enrichit. « Je règle ce que je dois au café tenu par Gabriella ». Ce qui est amusant est qu’elle parle français, ayant a vécu à Paris. Flavien rentre à ses pénates. « Je prépare mes affaires pour retourner marcher. J’aimerais me rendre où j’ai vu la fameuse plante inconnue pour la récolter. Pour la décrire, il me faut des échantillons » sitôt parti, la pluie qui tombe m’en dissuade.

Douze cartes postales

Que faire en tant de pluie ? Rien de tel que de manger et de faire une sieste. « J’étais le seul au camping… Une Anglaise vient d’arriver et on a le temps de discuter ». Flavien qui n’affiche pas une forme olympique ces derniers jours acquiesce que « cette sieste m’a fait du bien ».

L’après-midi, après avoir acheté douze nouvelles cartes postales, il passe le plus clair de son temps à flâner au café, profitant de la vue pour laisser l’inspiration le guider sur quelques lignes. « Le temps est très instable », se rassure l’aventurier. Il y passe de nombreuses heures à écrire. Puis viendra le temps où il faut jeter un œil à la paperasse, « comme déclarer les revenus de ma microentreprise à l’URSSAF, chose impossible à anticiper quelques mois plus tôt ».

La bougeotte le tenaille. « Je commence à tourner en rond, vivement le départ même si le coin est agréable ». Sauf que les températures annoncées demain à Puerto Williams devraient tourner autour de zéro et la neige faire son apparition à basse altitude, « je ne sais pas comment je vais m’occuper ». Il a déjà expérimenté les conditions météorologiques et n’a pas envie d’y retourner…

(Crédits : Flavien Saboureau)

Ce lundi soir le camping est bondé. L’aventurier admet quelques difficultés à jongler avec toutes les langues présentes. « C’est fatigant de faire l’effort de parler à tout le monde, car il faut jongler entre plusieurs langues… » Ça n’a pas été la plus dingue des journées soupire-t-il.

À bicyclette…

« Ce matin j’achète de nouvelles cartes. j’ai du temps alors je profite pour en écrire un maximum », acquiesce-t-il en souriant. « Je ne sais pas si j’aurai autant de temps à tuer durant la suite du voyage. » Au chaud lové dans un cocon, il passe la première partie de l’après-midi à composer au café. Le panorama est magnifique. Flavien contemple par la fenêtre le Beagle, un verre de maté à la main.

La gérante, incarnation même de la sympathie, est heureuse de me voir arriver avec mes cartes. Comme dans les lignes d’un roman, elle évoque auprès de Flavien son plaisir à le voir écrire. « Elle aime bien me voir écrire toutes ces cartes dans son café, elle pensait que les jeunes n’écrivaient plus », conte Flavien.

Pour faire parvenir l’ensemble de ces cartes, direction la poste, pour apposer un timbre sur chacune. La sympathie semble être à chaque coin de rue. « La postière m’aide. »

Puis le moment de régler le camping arrive, il file à l’unique banque de la ville pour y retirer de l’argent. « Les frais fixes sont de 8 500 pesos… J’ai bien fait de retirer à Punta Arenas, où la banque n’en prend aucun. » Sur le chemin il passe voir Perla pour lui annoncer que des botanistes ont réussi à identifier notre plante mystère. (Crédits : Senecio humifususAsteraceae/Flavien Saboureau)

Au fur et à mesure des échanges « elle me dit d’aller près de la lagune derrière l’aéroport, il semble y avoir quelques espèces que je n’ai pas encore vues ». De retour au camping géré par Cécilia, il emprunte le vélo du camping, « si j’avais su qu’il était disponible avant… » Il revient complètement trempé à 19 h, mais satisfait d’avoir trouvé quelques nouveautés.

Cannellonis maison au menu

Avant tout départ, il est nécessaire de faire sa check-list. Le but est simplement de ne rien omettre. Ce n’est pas une fois dans le désert, ou en pleine forêt loin de tout que vous pouvez faire demi-tour pour le p’tit truc en plus qui vous manque. Consciencieusement « je prépare mon sac et relis ma check-list pour être sûr de ne rien oublier ».

Le temps des au revoir arrive. Puis l’aventurier se dirige vers le café. « Gabriella m’a dit qu’elle resterait ouverte jusqu’au départ du bateau ». Ça tombe bien, elle se trouve en face de l’embarcadère.

Pour son ultime repas là-bas, Flavien se régale avec des cannellonis maison. L’explorateur repu, le poète fait surface. « La lumière baisse. Peu à peu les montagnes qui s’étaient parées de leur manteau blanc disparaissent. Elles demeureront les dernières images gravées dans ma mémoire de cet incroyable canal, celui du Beagle et de Darwin. »

(Crédits : Caracara chimango [Milvago chimango]/Flavien Saboureau)

À 23 h, il embarque sur le ferry, « il y a beaucoup moins de monde que la dernière fois ». Comme celui-ci est dédié à l’acheminement de gaz, ils sont limités à 25 passagers, mais Flavien doute sur le fait qu’ils soient vingt… C’est l’heure de trouver une position pour tenter de s’endormir sur ces sièges semblables à ceux d’un bus. Tel l’oiseau, Flavien vogue et s’envole vers de nouvelles contrées. À suivre…

Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

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