
À mi-voyage, Flavien court toujours (28/55)
Une arrivée tardive au camping hier soir, une tente montée en deux temps, trois mouvements, un matelas dégonflé depuis deux jours… Même en ajoutant des vêtements, il reste à plat. Tant et si bien que la nuit n’a pas été bonne. Comme attendu, l’expérience ne sert qu’à partir du moment où l’on en dispose. Cette quantième du 13 janvier 2025 ponctue la moitié de son voyage en Nouvelle-Zélande. Un parcours marqué de nombreuses confrontations, mais l’autre est tout aussi savoureuse.
« Je me suis réveillé à 3 h 40… Impossible de me rendormir sur ce matelas dégonflé. » Il grimpe donc en pleine nuit dans la voiture. Ainsi il somnole sur le fameux siège passager, son meilleur ami du moment, jusqu’à 7 h 45. « J’attends l’ouverture de l’accueil du camping (Alexandra Tourist Park) pour payer les 28 NZD de la nuit puis direction Old Man Range (Kopuwai), une chaîne de montagnes reconnue pour sa flore », commente-t-il.
Une belle frayeur… au volant
Les paysages aux alentours sont dénudés… Pas une forêt à l’horizon… « Quel pays de contrastes ! » N’ayant pas réussi à glaner quelques informations sur l’accès, Flavien, bille en tête, attaque le chemin de gravier comme les jours précédents. Un léger détail s’accroche : il y a 1400 m de dénivelé à grimper cette fois. « Au bout de quelques centaines de mètres, je me rends compte que le terrain est bien plus compliqué et que ça ne va pas en s’arrangeant. J’ai peur pour ma caution… »

Finalement au bout de quatre à cinq kilomètres de conduite, « je juge qu’il est plus prudent de m’arrêter ». Sage décision, semble-t-il. « Le chemin est inaccessible sans un 4×4. J’ai patiné dans la montée… Les gros cailloux me procurent des frayeurs pour le bas de caisse. »
C’est statué ! L’aventurier marche durant les cinq mille mètres et les huit cents mètres de dénivelé, quand après un minuscule quart d’heure un 4×4 arrive à toute allure. « Je lui fais signe de s’arrêter, ce qu’il effectue par chance. Je balance mon sac à l’arrière du pick-up, et me voilà parti à vitesse grand V ».
Le duo discute tout au long des dix petites minutes nécessaire pour gravir la difficulté. « Il fait du 50 km/h sur ce terrain défoncé, alors que j’arrivais à peine à faire du 10, voire 15 km/h de mon côté », s’insurge Flavien. (Crédits : Dovonan Kelly/Pexels)
Le chauffeur s’épanche sur sa condition. Il est maçon, et il est parti chercher de l’or. Incroyable, songe Flavien. Le pick-up, l’or, un accent américain, tout pour faire penser aux USA… remarque le naturaliste. « Je sais que la région fut un haut lieu de la ruée vers l’or, mais j’ignorais que certains en cherchaient encore. »
Il dépose Flavien et son sac au sommet, à près de 1700 m. « Le temps est au beau fixe, une nouvelle fois, quelle chance. Alors qu’il fait chaud en bas, à présent il me faut mettre deux couches. » Le paysage est dénudé à l’extrême, l’aventurier du bout du monde n’a jamais vu des fellfields aussi étendus, se confie-t-il. « Le chercheur d’or m’expliquait qu’il y a encore deux mois la glace s’accrochait aux rochers, compte tenu du vent donc du froid qui peut régner ici. » C’est un mont Ventoux néo-zélandais poussé à l’extrême, sourit-il de sa comparaison.
Le royaume nu des fellfields
En aparté, un fellfield est une haute plaine pierreuse, balayée par les vents, où la terre se mêle aux roches brisées, comme si la montagne avait éclaté en éclats d’ardoise. C’est surtout un monde de silence et d’austérité, au-delà de la limite forestière, là où seuls survivent les plus robustes : des coussins végétaux, des mousses tenaces et des fleurs alpines miniatures.
La lumière, sur les pierres, s’y réfléchit comme sur une mer pétrifiée. À l’image du sol qui reflète les rais du soleil comme sur une route mouillée, Flavien y marche comme sur le toit du monde, dans un décor sculpté par le temps, l’eau et l’air, un lieu de dénuement le plus total, mais d’une extrême pureté.
C’est un écosystème que l’on retrouve dans les Alpes du Sud ou sur certaines crêtes volcaniques, et qui témoigne de la force d’adaptation du vivant dans les environnements les plus rudes. « Un Raoulia et Dracophyllum muscoïdes dominent largement les communautés végétales », constate le naturaliste. (Crédits : Flavien Saboureau)

Pour trouver des espèces nouvelles, il cherche derrière les énormes rochers dominant la crête et qui rendent ce lieu unique. La crête fait plusieurs kilomètres, le paysage est vite monotone, mais prodigue une vue plongeante sur la région environnante. « Après près de trois heures de prospection, je prends le chemin de la descente. Je parcours les 800 m de dénivelé à pied. » Lorsqu’il retrouve sa voiture de location, en bas, la température monte en flèche sur l’échelle du thermomètre. « 29 °C, je ne suis plus habitué. » Il en profite pour ôter quelques couches avant de déguster, sur le pouce, un bout de pain et de fromage. Puis file sur la côte ouest en direction d’Haast, à quatre heures de conduite.

Flavien effectue une pause près d’un supermarché. Via le Wi-Fi, c’est le point météo des nycthémères à venir. « Ce que je n’ai pas fait depuis quatre jours, admet Flavien. Mis à part deux jours pluvieux, ça s’annonce pas si mal que ça », se réjouit-il. Installé à droite, ceinture bouclée, l’asphalte défile. « Cromwell, Wanaka, Haast, les villes s’enchaînent. » Avant sa destination, une curiosité attire son œil de photographe aguerri. « Je fais une légère pause intéressée, pour aller voir une cascade non loin de la route. »
Le gourmand-gourmet de crèmes et cônes glacés fait chou blanc à Haast. « J’espérais, en m’arrêtant à l’unique café, y trouver une glace. » Il fait contre mauvaise fortune bon cœur, sachant qu’il y aura forcément d’autres endroits pour en déguster une. Stationné à Monro Beach, il s’enquiert d’autre chose. « C’est là mon ultime chance d’apercevoir le Gorfou du Fjordland. Romain, un ami d’Ugolin, l’a vu ici l’année dernière, mais plus tôt dans la saison. »
Le timing était parfait
En effet, celui-ci niche d’août à novembre. « Je tente ma chance. » Après une demi-heure de marche dans la forêt vierge, Flavien arrive sur une plage de galets magnifique. « Durant deux heures, un couple scrute les gorfous en vain », se résigne-t-il. Sur la plage, à l’abri des regards derrière un rocher, il déjeune. « Enfin, j’essaie malgré les nombreuses sandflies qui veulent ma peau. »
Difficilement supportable, Flavien se dirige vers le cap pour y trouver du vent, « seul moyen de se débarrasser de ces sandflies ». Il y rencontre le poète caché. « La côte est magnifique. Le coucher de soleil s’annonce prometteur. Je m’installe sur un rocher et contemple les couleurs qui s’accentuent de minute en minute. » Toujours pas de gorfous… « Un autre couple d’Allemands arrive, quand les dauphins nous offrent une représentation de sauts, pile au moment où le soleil passe derrière l’horizon, le timing est parfait. » (Crédits : Flavien Saboureau)
Un souvenir refait surface. L’an dernier, sur le canal de Beagle, des dauphins apparaissaient au passage devant un glacier. « C’est le cadeau de consolation de ce gorfou que je ne verrai donc sûrement jamais. Il n’y aura pas de treizième espèce durant ce voyage. » Le naturaliste s’en retourne de nuit sur le sentier qu’il peine à distinguer. « Il est interdit de dormir sur le parking… Il est bientôt 23 h et il n’y a que moi sur ce parking. Alors une fois de plus le siège passager sera mon meilleur allié. ». À suivre…
This article is captivating! The vivid descriptions of the New Zealand landscape and the authors adventurous spirit truly bring the journey to life. It’s inspiring and makes me want to explore the world myself!