Pérégrinations

Sans chemise, sans pantalon… (29/55)

Après une nouvelle nuit sur le siège passager, Flavien affiche une moue dubitative, voire la tête de Grincheux. Les années se suivent, et semblent être le miroir des précédentes. Le coup de Trafalgar arrive à mi-parcours, juste après les fêtes familiales de Noël. Depuis son voyage sur l’île d’Amsterdam (TAAF) en 2021, il n’a pas profité des festivités en famille. La chaleur de ces moments ne se rattrape pas, le temps file, mais l’expérience acquise en vaut-elle la chandelle ? Est-ce que l’année 2025 sera celle du renouveau ? Seul Flavien le sait…

« Ce matin, je ne me suis pas levé du bon pied », confirme l’aventurier du bout du monde. Le premier coup de mou du périple se présente. Comble du bonheur, la pluie lui souhaite la bonne journée. « Ça faisait longtemps », soupire-t-il intérieurement ! Voyageant seul, il ne peut compter que sur lui pour se remonter le moral. C’est ainsi qu’il se lève, et se prépare à se ceindre les reins.

L’indécis part en voyage

Pas vu pas pris, dirait le légionnaire. « Je ne tarde pas à prendre la route, car il est interdit de dormir sur ce parking. » Avant que quiconque débarque, il file en direction de Fox Glacier. Après près de deux heures de route, passant parfois dans des forêts millénaires incroyables, savoure-t-il, « J’arrive à Franz Joseph, l’étape du matin. » Cette petite ville s’est construite avec le tourisme du glacier qui la surplombe.

Glacier, neige, nature

Partir à la découverte des glaciers Fox (Te Moeka o Tuawe) et Franz Josef (Kā Roimata o Hine Hukatere) est une pérégrination incontournable pour les aventuriers. Au cœur du Westland Tai Poutini National Park. Le voyageur se sent minuscule, témoin d’un monde en équilibre fragile, où chaque pas rappelle que la beauté peut s’effacer.

Le temps très brumeux laisse place à la pluie. Flavien marche sur un kilomètre pour admirer la vue sur le glacier. « Il est aujourd’hui à plus de 3 km de là alors qu’il était ici quelques décennies plus tôt, impressionnant. »

Le glacier recule, la vallée s’élargit, et pourtant, au cœur de cette blancheur, demeure le sentiment de toucher du doigt quelque chose de plus ancien que l’homme. « Finalement, je rallonge la marche par une petite rando de 4,5 km. » (Crédits : Flavien Saboureau)

Avec ce temps, rien d’exceptionnel à se mettre sous la dent. Mis à part Dawnsonia superba, la plus grande mousse du monde, « J’avais oublié qu’elle poussait en Nouvelle-Zélande, elle ». Flavien reste indécis sur le programme de la journée, déjà entamée. Seule certitude, le coucher de soleil sur les Pancakes Rock ce soir, à 3 h 30 de trajet au nord d’ici, commente-t-il. « Donc, avant de reprendre la route pour une énième fois, je passe au DOC. »

L’avantage est que, mis à part la fonction officielle, il fait office d’office de tourisme. L’aventurier en profite pour remplir ses gourdes et jeter un œil à ses messages.

« C’est toujours un moment à part d’allumer le Wi-Fi. » La connexion au monde irréel de l’Internet où tout un chacun partage tout et rien. « C’est comme un sentiment de solitude quand on voit ce que les amis font entre eux. »

C’est à cet instant qu’il apprend une nouvelle qui ne le ravit pas du tout. Mais la vie nous enseigne à faire face aux mésaventures. « Tant qu’à faire, autant savoir ça aujourd’hui. L’avantage est que ça ne me casse pas une super journée », se rassure-t-il. (Crédits : Flavien Saboureau)

mer, océan, nature

Chamboulé, voire émoussé, il se place devant le volant et avale l’asphalte pour réfléchir. Au fur et à mesure, le soleil fait son apparition. Flavien est désormais moins seul. D’autant que quelques Rhopalostylis apparaissent en bord de route. « C’est l’unique palmier de Nouvelle-Zélande, que je n’avais pas encore vu sur l’île du Sud. »

À défaut d’une glace, des Pancakes Rock

C’est en fin d’après-midi que l’aventurier du bout du monde arrive près des Pancakes Rock. Frustré de n’avoir pas trouvé une glace à croquer à Haast, il espère se rattraper. « Je prends un cornet avec deux boules », se réjouit le jeune homme. Il faut se faire plaisir, pense-t-il tout haut. Mais un autre l’attend patiemment. « J’enchaîne par une modeste rando de 4 km dans la vallée des palmiers. Romain me l’a recommandé. Il avait raison, j’en suis ravi. » Des milliers de palmiers poussent au milieu de fougères arborescentes dans des gorges calcaires, qui sont dignes de celles du Tarn, ou presque s’amuse Flavien.

Pancakes, Rock, New-Zealand

Des dizaines de Wekas — ces petits râles aptères et endémiques que je n’avais rencontrés que très brièvement sur Ulva Island — traversent le chemin sans peur. « J’ai le loisir de les photographier sur toutes les coutures. »

Le futur s’annonce pluvieux. Direction le point Wi-Fi pour organiser la journée du 15 janvier, donc demain, murmure-t-il. « Je réserve une auberge. Ça fait neuf jours que je n’ai pas dormi dans un lit. Oui, je sais, j’ai connu pire, mais si je veux recouvrer mon quota de sommeil pour mes derniers moments avec la voiture de location. »

Mais un autre événement le conduit aussi dans cette auberge. « J’ai une visioconférence pour l’atlas des TAAF dans la soirée, il me faut donc un endroit calme et adéquat. » (Crédits : Flavien Saboureau)

La soirée se finit près de ces fameux Pancakes Rock à admirer le coucher de soleil… nuageux. Voir le verre à moitié plein, dit le sage. « Ces formations dolomitiques sont impressionnantes. » Flavien réussit tant bien que mal à les photographier. Avant de dénicher un nouvel espace de stationnement pour y passer la nuit, Flavien dîne sur le parking du glacier, le réchaud à même le bitume. « Pourquoi ? Parce que je suis juste à côté des toilettes pour accéder à l’eau et pouvoir faire la vaisselle, pardi ! ».

Une vie sans sous-vêtements…

Comme la précédente, « je dors sur un parking interdit à la nuitée ». L’auberge qu’il a réservée pour ce soir se trouve à Nelson. Il n’y a que quatre courtes heures de conduite pour s’y rendre, « alors il faut que je comble mon trajet vers le nord », songe Flavien, une idée derrière la tête.

Durant la matinée, il emprunte la route longeant la côte Ouest. « Elle est magnifique », commente le naturaliste. Il effectue quelques arrêts, mais le plus important est réservé à Westport, la « grosse » ville du Nord-Ouest. Sur place, le mode tourisme est activé. « J’aime bien l’ambiance de la petite rue principale. Je me fais plaisir, et je m’offre un chocolat chaud. »

Charité bien ordonnée commence par soi-même, Flavien !

« En venant, j’ai vu sur un panneau qu’une colonie d’otaries n’était pas loin. » Un spectacle observé à plusieurs reprises, mais comme à chaque fois la magie opère. « La colonie n’est pas aussi importante que j’espérais, souffle-t-il. Je regarde les jeunes jouer et pousser leurs cris qui me rappellent de nombreux souvenirs. » (Crédits : RyanMcGuire/Pixabay)

laverie, vêtements, lessive

Puis, il reprend le volant, la route continue. « Je traverse très peu de villages, c’est sauvage », explique-t-il. Jusqu’au moment où un panneau indique qu’il n’y a plus de stations-service pendant les prochains 100 km. C’est à ce moment que, malgré la certitude du réservoir plein, l’œil de Flavien se fige sur la jauge à carburant.

Le bonheur simple de s’allonger sur un lit

Avant de voir le panneau de la ville de Nelson, Flavien ondule dans les gorges de Buller. C’est un endroit où la rivière du même nom (Kawatiri) chemine entre falaises de schiste et de grès. Elle ouvre inclusivement la vision d’une nature sauvage et secrète à chaque visiteur. « J’effectue quelques pauses dans les gorges que je serpente », avoue l’aventurier en filant vers Nelson… La grande localité se niche au nord de l’île du Sud de la Nouvelle-Zélande, qu’il atteint à 14 h 30.

matelas, orange, main

Sa réservation située au cœur de ville offre peu ou pas de gratuité au stationnement. « Je trouve une place pour seulement 3 NZD (1,5 €) pour être garé jusqu’au lendemain matin. »

Mais à 15 h arrive la délivrance. « Je m’allonge enfin sur un lit, neuf jours plus tard… » Un plaisir que tout un chacun goûte quotidiennement sans en prendre la pleine conscience. C’est aussi le moment de la grande lessive de printemps, pour le contenu et le contenant.

« Pour seulement 8 NZD, tous mes vêtements sont propres et secs. » Donc, à la place d’examiner les habits tourner et se retourner dans la machine à laver le linge, il en profite pour faire ses emplettes. Mais comme l’ensemble de ses vêtements, ou presque, se contemple à travers le hublot, « je me promène à Nelson sans sous-vêtements en attendant… ». (Crédits : Flavien Saboureau)

Il prend enfin le temps de se pencher sur son matelas. Grâce aux rustines présentes dans son sac, la réparation semble tenir. « Je croise les doigts », prie Flavien. Avant de s’installer dans le lounge pour sa visio : « J’engloutis une pizza bien grasse pour changer des pâtes au pesto et du fromage. » L’équipement utilisé depuis sa première expédition sur l’île d’Amsterdam s’use. « Aussi, cet après-midi j’ai acheté de nouveaux écouteurs, car les anciens arrivaient en bout de course, comme une partie de mon matos d’ailleurs… » Sa réunion dure 2 h 30, mais il passe le reste de la soirée sur son portable, le confort d’un lit fait tout oublier, même le temps qui file à toute vitesse. À suivre…

Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

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