Pérégrinations

Le chaud et le froid au sommet (36/55)

Flavien se lance un challenge, l’ascension du deuxième plus haut volcan de la Nouvelle-Zélande. Celui qui est désormais est une personne à part dans la culture maorie se nomme Taranaki. Mais c’est sans compter sur la météo changeante. Ce lieu tient à cœur au naturaliste. La hauteur de 2518 mètres nécessite de s’équiper en conséquence. Pour autant, la déception de ne pouvoir le gravir serait une immense déception pour l’aventurier du bout du monde. Mais pourra-t-il réaliser son rêve, rien n’est moins sûr.

Pour cette fin janvier, Flavien s’offre, une perspective, une respiration, une journée intense. Mais, comme les jours précédents, il débute par une grasse matinée. Car, malgré ce qui l’attend, il prend le temps de se lever. « Aujourd’hui je dois tenter l’ascension du Taranaki, deuxième plus haut volcan de Nouvelle-Zélande. » L’idée est de dormir à son sommet. Une histoire à dormir debout, car très peu de personnes tentent cette expérience. L’ascension y est périlleuse, plus d’une centaine de personnes y ont déjà laissé la vie.

Fort coup de vent sur le Taranaki

Avant de s’attaquer à pareille aventure, il est nécessaire de parer à toute éventualité. « Le temps nécessaire à l’ascension est de cinq ou six heures », relativise Flavien. Il se rassure en prenant conscience de la difficulté. « Je suis en pleine forme physique et mentale. J’ai le matériel et le consommable. Les prévisions météorologiques sont formidables. » Elles sont bien meilleures avant de nombreux jours, ajoute le naturaliste à haute voix. Donc, aux environs de 9 h 30, Flavien quitte l’auberge, non sans une petite appréhension. Ce qui m’attend n’est pas rien, pense-t-il.

Chemin faisant, il se dirige vers un magasin de randonnée pour un sachet lyophilisé et une bouteille de gaz. « Je ne veux pas tomber en rad de gaz là-haut, surtout s’il fait très froid et que je dois me réchauffer. »

N’ayant pas de transport en commun pour rejoindre le départ de la randonnée, l’aventurier du bout du monde tend son pouce sur l’avenue principale. « Le prix de la navette pour effectuer les 30 km de route est exorbitant. » À peine, il enclenche le mouvement du bras, qu’un automobiliste stoppe à sa hauteur. « Un Néerlandais, qui vient d’acheter son Van, roule à la cool. Le sac sur les genoux, le trajet aura été rapide, à peine dix minutes », s’amuse Flavien.

La désillusion

Il le dépose à l’intersection des deux routes et continue son chemin. Le naturaliste patiente un quart d’heure. « Un Américain s’arrête ! Nous allons au même endroit, c’est parfait », se réjouit-il. Il dépose Flavien à la maison du parc national et là mauvaise nouvelle : « ça vente fort. La ranger du parc national me déconseille fortement de m’y rendre, les rafales de vent y dépasseraient les 150 km/h. »

Cerise sur le gâteau, les nuages s’agglomèrent au sommet. « Quelle désillusion, je n’ai que cette idée en tête. Il me faut de longues minutes pour accepter et me raviser. » Demain les conditions s’améliorent. « J’ai trois jours de nourriture, donc, comme solution de replis, je décide de faire le Pouakai trek en attendant. » Il s’acquitte des 10 NZD pour l’emplacement, et prend la direction de Holly Hut à 17,5 km d’ici, à côté de laquelle « je poserai ma tente. » (Crédits : Flavien Saboureau)

Il est bientôt midi à sa montre, quand il prend le départ. « Je me presse, mais les magnifiques forêts que je traverse ne m’aident pas. Je fais des pauses pour photographier les forêts, en particulier Cordyline indivisa, qui donne une incroyable touche d’exotisme dans ces forêts vierges. » Il descend 300 mètres de dénivelé pour atteindre l’ailtude de 660 m. « C’est sur ce chemin que je trouve une orchidée épiphyte en pleines fleurs… et, Dawsonia superba, la plus grande mousse du monde. »

Un pas en arrière

« La dernière fois, je me suis trompé dans mon identification, c’était Polytrichadelphus magellanicus, mais cette fois, je suis sûr de moi. » Elle est presque aussi haute que son avant-bras, indique-t-il avec respect. Un pied devant l’autre « je rejoins Henry Peak, à 1224 m. Un vent à décorner un bœuf, il me déporte dangereusement par moment. » Bien qu’il a connu pire, il enfile néanmoins des couches supplémentaires.

Conscient des bourrasques, Flavien admet la dangerosité et le conseil de la Ranger. « Je suis content de m’être ravisé, je n’ose même pas imaginer comment ça souffle à 2518 mètres d’altitude. »

Une couverture nuageuse s’installe. Elle gâche un peu la vue, souffle Flavien dans sa moustache. « J’arrive près du lac Mangamahoe connu pour servir de miroir au Taranaki mais les vaguelettes m’empêchent de faire la photo digne de ce nom. » Le vent se lève, il est tout juste dix-huit heures. « Je ne traîne plus, il me reste presque deux heures de marche », explique-t-il en enfilant gants et bonnet avant la descente vers Holly Hut, à 1000 m d’altitude.

« Je traverse de magnifiques forêts dominées par Libocedrus bidwilii, un conifère aux troncs tortueux et à l’allure squelettique », commente le naturaliste. Sa descente à la lumière du crépuscule se clôture, par la traversée d’une tourbière, milieu assez rare en Nouvelle-Zélande. (Crédits : Flavien Saboureau)

Quelques gouttes se mettent à tomber. Étonnement, elles annoncent le beau temps. « À peine arrivé, le sommet du volcan Taranaki se dévoile. Le vent se calme. » Timing et conditions idéales pour monter la tente. Juste à côté des deux autres installées sur le camp. Il est l’heure de se restaurer. Au menu du soir « Je fais des… pâtes of course ! » Pour varier les plaisirs, cette fois c’est au pesto Rosso. « Ceux qui étaient là avant ont fait un feu, c’est agréable de s’asseoir au chaud, car ce vent m’a bien refroidi. » Une fois repu, au chaud, Flavien tente de vaquer à ses occupations quotidiennes « mais le sommeil m’emporte. » À suivre…

Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

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