Pérégrinations

Une journée dantesque au programme (37/55)

Obnubilé par le volcan Taranaki, Flavien poursuit tout de même son trek commencé hier : Pouākai. Ce circuit est bien plus qu‘un simple parcours. Il est un avant-goût, un prélude avant de s’attaquer à l’ascension du Taranaki. De la forêt des Gobelins, à la montée de Henri Peak via Holly Hut, c’est un parcours initiatique. Si le vent fortement présent que la ranger lui avait fortement déconseillé de s’y rendre. Conseil pris au pied de la lettre. Donc, aujourd’hui, le 28 janvier 2025, le dieu Éole semble être de repos pour son plus grand bonheur.

Tel échange entre Minus et Cortex de la série éponyme, une conversation informelle se profile chez Flavien. À la question « Dit, Flavien, tu veux faire quoi aujourd’hui ? » Ce à quoi Flavien répond : « La même chose qu’hier, Flavien : tenter de conquérir le Taranaki ! »

L‘ascension du volcan Taranaki

« Comme hier, je prends le temps de me lever, car l’objectif est le même qu’hier, confirme Flavien. Atteindre le sommet du Taranaki pour y poser ma tente. » Sa toquante affiche vingt minutes passées de huit heures, quand il s‘’’extirpe de son duvet. Durant la nuit, une envie pressante l’oblige à sortir de sa tente, à 4 h 10, précises. « Le ciel étoilé est incroyable. Je ne résiste pas à immortaliser le moment. Pour couronner le tout, un kiwi se fait entendre à quelques centaines de mètres d’ici : quel moment ! »

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Mais l‘excitation est comme le café, elle nuit au sommeil. Flavien passe quatre-vingt-dix minutes à sécher sa tente et son duvet après cette nuit plus qu’humide : « Quelle idée de mettre son bivouac près d’un marais ! » Une fois prêt, l’aventurier reprend sa route en direction du sommet en finissant la boucle du Pouākai Circuit.

Le ciel est au beau fixe, le soleil omniprésent fait équipe avec le sommet. « Ils repoussent les quelques nuages qui veulent taper l’incruste. » La montée régulière au début est agréable. « Je profite du temps disponible pour faire de la photo. Les rafales ne se lèvent pas, que l’idée de m’être ravisé hier fût bonne… » C’est aussi salutaire au vu des conditions annoncées au sommet.

(Crédits : Flavien Saboureau)

Arrivé à 1500 mètres d‘altitude, proche d’un lodge privé, là où les arbustes disparaissent au profit de la caillasse, « je m’arrête pour terminer mon pain et mon fromage ». Le baroudeur doit ménager son eau. « Il faut que j’économise mes deux litres d’eau que j’emporte si je veux manger mon sachet lyophilisé ou mes pâtes ce soir », indique-t-il. Midi passé de trente minutes s’affiche quand Flavien attaque l’ascension dans les scories. L’arrivée est prévue pour 16 h 30.

« Je suis en forme. Les quadriceps sont durs comme de la pierre, alors j’avale les premiers mètres de dénivelé sans me poser de question. » Peu de personnes avancent dans le même sens que le naturaliste, bien au contraire. « La montée est harassante, j’avance de deux pas et recul d’un », souffre-t-il. Les nuages ont gagné une bataille, ils enveloppent le sommet.

À 2000 mètres d’altitude, il se retrouve dans une purée de pois… mais les nombreux poteaux évitent à tout un chacun de se perdre, d‘autant qu’avec les traces, il est impossible de s’égarer.

La montée devient plus simple, les rochers stables arrivent. « Je croise pas mal de francophones, dont des Suisses et deux Français très peu équipés qui sont au bout de leur vie. » (Crédits : Flavien Saboureau)

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Pour me rassurer, je leur demande si le vent est présent au sommet, et si des tentes sont d‘ores et déjà positionnées. « Les places sont chères sur la petite croupe sommitale », paraît-il. L’ensemble des réponses ravit Flavien : « Tous les feux sont au vert ». Vers 2450 mètres, il ressent un plaisir coupable. « Je sens le soleil me réchauffer la couenne. Le bleu du ciel apparaît : quelle bonne nouvelle ! »

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C’est alors que Flavien emprunte le cratère où les dernières neiges éternelles du volcan n’en ont guère pour très longtemps… Au sommet, « je domine une mer de nuage et le monde… ou presque tout s’est évaporé. »

L‘Américain d’hier, retrouve Flavien pour une discussion au sommet. « Il est 14 h 30, l’ascension n’en aura finalement duré que deux heures… Soit je suis en très grande forme, soit le marquage est adapté pour tout public… »

Il y a deux emplacements pour poser la tente. « Je choisis la meilleure vue. » Mais, Flavien ne veut pas revivre le cauchemar des Dientes de Navarino. « J’installe ma tente aussi bien que possible, je n’ai pas envie de me retrouver dans la situation où elle avait cédé face au vent. » (Crédits : Flavien Saboureau)

L‘expérience acquise lui fait tendre les cordes de sa tente si fort qu’il pourrait jouer de la musique. « Je ne peux pas faire mieux. Je vais me sentir en sécurité cette nuit malgré les centaines de mètres de vide qui m’entourent. » L’heure de passer à table sonne. « Il me reste 1,3 litre pour cuisiner et revenir demain. Ce n’est pas Byzance, mais ça devrait me suffire. Le repas devrait être moins sec qu’au sommet des karsts du Mount Arthur », se souvient-il.

Gelé juste qu’au bout des doigts

À 15 h, il est fin prêt. « Il ne me reste plus qu’à admirer le paysage en espérant que la mer de nuage s’évapore, pour le coucher de soleil. » Après avoir tout aménagé, « je fais une petite sieste. » Au sortir de la tente, les nuages ont pris la poudre d‘’’escampette : « Quel paysage grandiose ! »

À 17 h 45, un bruit réconfortant l‘interpelle. « J’entends un écoulement d’eau. Je m’équipe de ma gourde et file en direction du petit glacier en contrebas. »

À sa rencontre, il présente sa gourde qui accueille un litre glacé. « L’eau non minéralisée n’est pas forcément bonne, mais, de temps en temps, ça n’a pas d’importance. » Le plein est fait, de quoi cuire des pâtes en plus du sachet lyophilisé, affirme le gourmand.

C’est d’ailleurs le moment de se restaurer pendant que le soleil prodigue sa chaleur. « Le lyophilisé que j’ai acheté ce matin – du lapin au riz, au miel et aux petits légumes – est excellent. » En dessert, quelques cacahuètes et carrés de chocolat. En prévision de la nuit, il passe ses vêtements techniques en plus des autres. « Je suis prêt pour le coucher de soleil… et la nuit qui s’annonce bien fraîche. »

(Crédits : Flavien Saboureau)

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Bien au chaud, dans sa tente, les yeux mi-ouverts « j’entends arriver quelqu’un. Il est 19 h 30, je suis surpris », s’étonne Flavien. Mathias, un Brestois, vient admirer le coucher pour la quatrième fois en trois semaines. Il compte revenir à la frontale. « Moi qui pensais être seul sur ce volcan pour la coucher de soleil, c’est loupé ! »

Taranaki, volcan, soleil

Petit détail qui a toute son importance, il souhaite faire voler son drone. « Habituellement, je n’aime pas ces trucs-là. Ils produisent du bruit et cassent la simplicité du moment… mais quand je vois le résultat, je change d’avis. »

Après un échange de coordonnées, le moment tant attendu pointe le bout de son nez : « le coucher de soleil est fabuleux. » Encore plus impressionnant, c‘’’est la projection du volcan à la forme parfaitement conique sur des dizaines, et dizaines de kilomètres… quelques minutes avant qu’il ne passe l’horizon. Au loin, les quelques nuages font durer le spectacle par les couleurs reflétées. « À 21, h, Mathias redescend, car il commence à faire bien froid, son portable connecté à internet annonce -1°C », grelotte l’aventurier du bout du monde.

(Crédits : Flavien Saboureau)

Préoccupé, Flavien se renseigne sur les prévisions pour demain matin : nuageuses. « Je programme un réveil à 4 heures pour admirer les étoiles, et deux plus tard, pour le lever de soleil. J‘ai les doigts gelés dans la tente, les pieds aussi. En guise de bouillotte j’ai fait chauffer de l’eau que j’ai placée dans ma gourde, au fond du sac de couchage, après ça, je m’endors directement… » À suivre…

Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

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