Pérégrinations

Une véritable purée de pois (31/55)

La consolidation de fortune faite de pierres pour asseoir la tente au sol a tenu fort heureusement. Face au vent, Flavien a su en tirer une leçon supplémentaire. Le point météo de la veille indique que le temps est censé se dégrader dans la journée. Le nycthémère appartient à ceux qui se lèvent tôt, explique l’adage. C’est dans ces conditions que l’aventurier décide de profiter dès potron-minet de la journée de ce dix-huit janvier 2025. Le voile de la nuit se déchire à 6 h 11, heure locale, mais Flavien jouis du samedi, début du week-end, pour dormir jusqu’à six heures quarante-cinq.

« Je me réveille assez tôt », bâille-t-il en s’extirpant de son sac de couchage. À l’instant de l’aube avancée, le soleil commence à lécher la tente : « J’étends mes affaires sur les rochers en espérant que ça sèche. » Si la nuit a été venteuse, elle fut tout aussi humide. L’extérieur de son sac de couchage est trempé, constate-t-il. Mais bousculé par l’apparition des nuages, le botaniste presse le pas. « À 7 h 30, je prends la direction du parking… à 9 km de là. » Rien de tel qu’une petite marche matinale, pour vous mettre en forme pour la journée. Il suit la crête qu’il n’a pas osé emprunter hier.

Un repas comme à la maison

La première partie est magnifique : « La crête surplombe une mer de nuages comme je n’en ai pas vu depuis un moment. » Une autre surprise enchante Flavien : les crêtes sont recouvertes d’innombrables coussins de Haastia pulvinaris et Raoulia bryoides, parfois R. eximia. La densité impressionne le naturaliste, bien qu’il ait déjà voyagé sur plusieurs continents.

Trek, vue, camping

Ce qui devait arriver arriva. « Je n’arrête pas d’en prendre des photos et je ne progresse pas d’un pouce. » Petit à petit, un tapis de coton semble boucher un à un les coins dénudés du ciel. Conscient de ce changement de temps, Flavien s’efforce tant bien que mal d’avancer dans ces énormes pierriers. « Mais il y a toujours une plante qui m’interrompt », sourit-il.

Au bout d’un moment les nuages enveloppent toute la montagne. « Je ne vois plus rien. Les photographies ne rendent rien, donc je n’ai d’autre choix que de progresser dans cette brume. »

Le vent, partenaire de jeu, s’immisce dans la partie. L’ambiance demeure alors très humide. Ce qui n’est pas l’idéal pour son reflex, qu’il range aussitôt dans le sac. « J’enfile ma veste et ma capuche, car les minuscules perles d’eau s’accrochent de partout… en particulier à mes sourcils et ma barbe qui se mettent à goutter. » (Crédits : Flavien Saboureau)

Son vêtement est conçu pour être imperméable, évitant que tout randonneur ne soit trempé, jusqu’à un certain point bien sûr. Autre avantage, elle laisse s’échapper la transpiration. Équipé, il accélère le pas. « Le sentier se métamorphose. Il est plus roulant et j’enclenche la seconde avant que le temps ne se dégrade encore plus. »

Parvenu à l’étage forestier, Flavien observe une ambiance brumeuse. L’endroit revêt tout de suite un costume plus mystique. « Les forêts de Nothofagus ne m’ont jamais autant remémoré la Patagonie. » Le cortège floristique est plus intéressant et l’appareil photo sort de son fourreau.

C’est donc après six heures de trajet, vers 13 h 30, qu’il arrive à la voiture. Ses affaires de bivouac n’étant pas tout à fait sèches, il les étale dans l’habitacle.

« Je prends la direction d’Hanmer Springs, si proche à vol d’oiseau, mais à plus de trois heures de route », explique -t-il. L’itinéraire n’offre rien de particulier. Si ce n’est que « je passe par le Lewis Pass, un des derniers cols alpins que je n’ai pas encore emprunté. »

(Crédits : Flavien Saboureau)

Viande, pâte, repas

Arrivé à Hanmer Springs en fin d’après-midi, il cherche en vain une auberge. Seul le camping propose de l’accueillir. « Il y a du monde. Je ne pensais pas que cette région était si prisée », s’étonne-t-il. Qui dit touristique, dit envolé des prix. « La place dans le camping n’est pas donnée (35 NZD, 17,5 €), souligne Flavien. Mais il y a un barbecue. » Après avoir apprécié de prendre une douche, il faut récompenser l’estomac. Il file à la supérette pour acheter de la viande et des chips, entre autres. « Je me fais plaisir. J’ai l’impression d’être en été en France. » Profitant du confort offert par la prestation, il passe sa soirée dans une espèce de salon à téléphoner aux amis et à la famille jusqu’à près de deux heures, le lendemain matin. À suivre…

Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

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