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Le désert blanc et glacé de Patagonie (Épis. 26/46)

Le départ s’effectue peu après 7 h. Aujourd’hui, ils doivent franchir le col situé à 1200 m d’altitude, le point culminant du trek. Dès l’entame, Flavien laisse Camille prendre la tête. Les sentiers forestiers sont plus ou moins roulants. Ce jusqu’à ce que le duo passe au-dessus des arbres. Dès cet instant, ils marchent sur des œufs, plus spécifiquement sur les milieux minéraux et les éboulis. Ce qui remémore à l’aventurier du bout du monde les Pyrénées. Comme un poisson dans l’eau, Flavien retrouve Camille en tête, avant de la dépasser. Ils se donnent rendez-vous au sommet.

Bien que partis parmi les derniers, « on double des dizaines de personnes parties plus d’une heure plus tôt ». Le vent se lève. La pluie quant à elle, se laisse désirer. Cette accalmie météorologique donne à observer un paysage magnifique, comme les nombreux glaciers accrochés aux montagnes qui les entourent. Arrivé au col, il ne fait pas chaud, « j’enfile une couche de plus et attends Camille ». L’affichage d’une telle forme après quasiment deux mois de voyage le ravit.

L’une des plus grandes calottes glaciaires au monde

« Il nous aura fallu 1 h 45 pour gravir les 700 m de dénivelé. » Le col passé, la vue sur le glacier Grey est indescriptible. « C’est sûrement la plus impressionnante des vues qu’il m’ait été donné de découvrir », s’émeut Flavien.

Cette langue glaciaire de plusieurs kilomètres de large se jette dans un lac. Une fois n’est pas coutume, une pause pour des photos et prendre la pose. Contes, mythes et légendes relatent qu’un trésor se planque au pied de l’arc-en-ciel. Cependant il m’est impossible de vous révéler « la nature du trésor que les fées cachent à ses pieds ».

Plus terre-à-terre : « Qui dit arc-en-ciel, dit pluie », on ne traîne pas souffle Flavien. Désormais une descente de 1100 m se profile devant eux, une éternité face à l’horizon. « C’est long, très long… »

Une descente est bien plus technique. Le travail des appuis ménage genoux et quadriceps. Le Glaciar Grey, venant tout droit du Campo Hielo Sur se découvre avec son arc-en-ciel. Il est la troisième calotte glaciaire après l’Antarctique et le Groenland. (Crédits : Flavien Saboureau)

Les deux compagnons de voyage suivent la même trace. « Avec Camille, nous doublons des personnes parties de nuit. » À mi-parcours, un mini refuge demande l’enregistrement de leur passage. « À peine ai-je fais le plein d’eau que je redémarre. Camille me rattrapera plus tard, elle aime bien marcher seule », relate-t-il un poil désabusé.

Traversées suspendues


Heureusement, ni l’un ni l’autre ne sont sujets à l’acrophobie ou au vertige. « Jusqu’au campement de l’après-midi, on traversa trois ponts de singes très longs. Il ne faut pas avoir peur du vide, surtout avec ce vent qui fait vaciller la passerelle au-dessus des vallées glaciaires. »

La randonnée se déroule vivement quand la pluie fait son apparition par intermittence. Le rythme élevé est bien supérieur à la plupart des randonneurs. « On double les premiers partis ce matin. Nous sommes partis avant-derniers du refuge… nous arrivons premiers. » Pour relativiser l’effort, une marche de 5 h 45, avec un dénivelé positif de 800 m et 1200 m de dénivelé négatif. « Je suis sur les rotules », souffle Flavien.

Dans les derniers mètres, une douleur abdominale le saisit. « J’ai dû manger ou boire quelque chose qui n’allait pas. » Il passera le début d’après-midi, tel un roi… aux toilettes. Une sieste, du repos et la douleur s’évanouit. Si bien, qu’à 16 h, il craque. « j’achète un quatre-quarts et un chocolat chaud pour 8000 pesos, une folie ici… »

L’envie, la motivation se reposent. « J’ai du mal à me motiver. La pluie impacte en mesure la toile de tente… Je suis une larve… », se languit-il. (Crédits : Flavien Saboureau)

À 19 h 30 sonne l’heure du repas. « Nous mangeons avec un trio de Français que Camille a rencontré dans son auberge à Ushuaïa. » Flavien vérifie les prévisions météorologiques de vendredi, la journée s’annonce très pluvieuse. Fort heureusement l’étape ne comporte presque pas de dénivelé et la durée estimée est de moins de 4 h.

Une journée pour les oubliettes


L’humeur se lit sur le visage de Flavien. « Aujourd’hui rien de très intéressant », résume-t-il. Au commencement, il patiente jusqu’à l’arrivée de Camille. Ils partent ensemble, puis elle se volatilise après quelques centaines de mètres de marche. « Je ferai le reste de l’étape seul, enfin pas vraiment. »

Il rejoint parcours le W. C’est le sentier le plus fréquenté de Patagonie. « Le nombre de personnes est incroyable, c’est pire que sur le GR20 », apostrophe Flavien. La pluie s’ajoute à la cohorte. « J’ai bien fait d’enfiler toutes mes affaires de pluie dès le départ. » Plus on est de fous, plus on rit !

À la pluie se juxtapose le vent. « Assez fort, mais je commence à bien le connaître et il est de dos », se réjouit l’aventurier.

Les traces de l’incendie, qui détruit 45 000 hectares, en 2012 sont encore présentes. Le parc national Torres del Paine panse ses plaies.

« À l’époque le sentier était forestier, mais tout est brûlé les arbres ont brûlé. » La randonnée se poursuit à découvert. À 13 h, les 12 km sont déjà pliés. Je profite du fait qu’il ne pleuve pas pour monter ma tente sur « un énorme parc à tente plein de bobos. Qu’est-ce que je fous là ? » (Crédits : Flavien Saboureau)

Le vent n’a pas faibli, monter sa tente est loin d’être simple. « Je déguste un chocolat chaud et j’écris quelques cartes postales cette après-midi. Je vois le vent changer sans cesse de sens. » Flavien ne sait pas comment orienter sa tente. « Je me couche en me demandant comment réussir à s’endormir avec ce vent, malgré mes bouchons d’oreille. » À suivre…

Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

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