
Un charme irrésistible (21/55)
Sur les sentiers boisés d’Ulva Island comme dans les ruelles silencieuses de la méridionale Invercargill, Flavien poursuit son voyage au bout de la planète Terre. Entre émerveillement ornithologique, rencontres inattendues et douce nostalgie, l’aventurier du bout du monde explore et expérimente. Une journée suspendue entre nature préservée, amitiés éphémères et départs à l’aube d’un nouveau chapitre. C’est aussi un jeu de rendez-vous, de découverte et de stupéfaction sur l’urbanisme à la sauce américaine.
Ce matin du 4 janvier 2025, le réveil sonne à 8 h 15. Le ciel est clair, l’air encore frais. Une routine rassurante, presque inhabituelle, s’installe : même café que la veille, même petit-déjeuner, et le sandwich du midi glissé dans le sac comme une promesse d’aventure. À 9 h 45 précise, Flavien rejoint Golden Bay, où l’embarcation l’attend pour l’île d’Ulva (Te Wharawhara), perle sauvage, à seulement cinq minutes de traversée. « J’ai réservé le bateau pour l’île d’Ulva à 10 h », ponctue-t-il.
À fond vers l’île d’Ulva
« Cette petite île qui est juxtaposée à Stewart Island, pardon, l’île Stewart, est réputée pour ses nombreuses espèces d’oiseaux en voie de disparition », explique Flavien. À sa grande surprise, le bateau des îles subantarctiques a jeté l’ancre dans la baie. Entre curiosité et effervescence, il avance, arrive sur le ponton et reconnaît plein de visages familiers, comme Mat et Phil. « Mat, leader de l’expédition, est tout aussi étonné », s’amuse l’aventurier. Un échange bu tel un café au comptoir d’un bar, et Flavien repart avec un présent. « Mat m’indique un spot où je peux potentiellement voir le Gorfou du Fjordland », se réjouit-il.

Il prend le minuscule bateau bleu qui fuse tel un ricochet. Le retour est prévu à 15 h à l’embarcadère. « J’ai cinq heures d’exploration. » La toute petite île, Flavien en réalise deux fois le tour. L’île néo-zélandaise Ulva couvre une superficie d’environ 267 hectares, soit 2,67 km². C’est une île sanctuaire, incluse à Rakiura national park, réputée pour sa biodiversité exceptionnelle, notamment en oiseaux endémiques et rares, comme le Créadion de Lesson (Saddleback), le Nestor Superbe (Kaka) ou mieux le discret Kiwi. Celle qui s’en rapproche en métropole est située en Bretagne, l’île de Batz (3,05 km²).
Quand on aime, on ne compte pas, souligne l’adage. « J’en réalise deux fois le tour. La première est celle qui m’offre le plus d’espèces : le Weka, la Perruche à front jaune ou encore le très rare Saddleback. » À peine de retour, Flavien se dirige vers l’endroit indiqué par Mat pour y observer le Gorfou, à 3 km de là. « Je fais chou blanc, mais la balade sous une météo radieuse est agréable. » (Crédits : AlasdairW/Wikipedia)
Des petits traits de personnalité amusent souvent ceux qui les possèdent. « Il me reste 3,40 $ en monnaie, alors j’achète une boîte de biscuits pour 3,39 $. Je ne sais pas pourquoi, mais j’adore faire ça… » De retour au camping, avec ses biscuits et un cents néo-zélandais en poche, il fonce sous la douche et tente de se raser. « Je dis que je tente de me raser, car je n’ai pas de tondeuse. Alors pour tailler ma moustache… j’utilise mon coupe-ongles… » Apprêté, il file en ville pour espérer y voir Ela, qui lui a envoyé un message cet après-midi. « Je ne la trouve pas, donc je me rends chez elle. » Elle n’avait pas remarqué sa réponse.
Quelques minutes plus tard, le duo se retrouve autour d’un billard au South Sea Hôtel. « Je crois que la dernière fois que j’ai joué, c’était à Amsterdam », songe l’aventurier du bout du monde.
Le pub d’ordinaire blindé est quasiment désert. L’instant est suspendu, comme sorti d’un écran de cinéma. « Jouer au billard, à l’autre bout du monde, dans un minuscule pub, avec quelqu’un rencontré quelques jours plus tôt », semble rêver Flavien. Après plusieurs verres, elle l’invite à déguster des huîtres avec sa famille. « Je ne veux pas taper l’incruste, alors nous mangeons une pizza au pub. » Chose importante, depuis le début de l’après-midi, la conversation se déroule en anglais. « Je suis content de mes progrès. Je commence à pouvoir vraiment discuter sans forcément réfléchir, chercher mes mots. » La première partie de soirée touche à sa fin, quand ils se disent « au revoir » pour de bon. « Elle souhaite voyager en Europe un jour, je l’invite à me contacter si elle vient en France. » (Crédits : Flavien Saboureau)

Du pub au salon de l’auberge, il passe le reste de la soirée à planifier le lendemain. « C’est décidé, je repars pour de nouvelles aventures, après une semaine sur cette île au charme incroyable, voire irrésistible. » Mais avant de disparaître, s’il pouvait revoir une fois le kiwi. Il s’équipe de sa lampe frontale, puis, autour d’une heure, sort. « Je marche dans le village et les forêts autour pour essayer de l’apercevoir… » Mais 45 minutes s’écoulent en vain. « J’abandonne ! Il n’y a pas un bruit qui puisse le trahir. »
D’Oban à Invercargill
Ce matin, aucune urgence à l’horizon. « Je prends mon bateau à 12 h 15. » Cela lui permet de ranger son sac avec l’ensemble des affaires sèches. « C’est rare », acquiesce-t-il. Il est le moment de faire les ultimes emplettes, et de déposer les dernières lettres et faire tamponner quelques cartes. Il faut parfois tourner sept fois sa langue dans sa bouche, dit le sage, cela donne du temps à la réflexion. « La postière n’est toujours pas aimable… J’ai envie de lui faire une réflexion, mais je souhaite qu’elles arrivent à destination… », s’assagit Flavien.

Il partage un sentiment tel qu’Eddy Mitchell lors de l’ultime émission « La Dernière Séance ». « Je prends un dernier chocolat chaud au pub. La vue sur la baie est baignée de ce soleil qui est là toute la journée. » Il effectue ses ultimes pas sur l’île et rejoint l’embarcadère. Flavien croise, pour la quatrième fois, un couple de jeunes Anglais. Ils possèdent une voiture à l’arrivée, mais c’est un van avec seulement deux places… « Je vais donc faire du stop pour parcourir les 30 km qui séparent Bluff d’Invercargill, où j’ai réservé une auberge pour ce soir. » Le temps est radieux. Flavien remarque le sommet de l’île depuis le large, celui même qu’il a grimpé. Mais, dû aux nuages, ou par pure timidité, il ne se découvre qu’au départ de Flavien.
Coup de chance
Le débarquement se déroule une heure plus tard. Flavien a ouï du français. La discussion s’engage. Ils vont à Invercargill et lui proposent de l’emmener. Magnifique, sourit-il en silence. « Je jette mon sac dans le pick-up pour ces 20 min de route. » Lui est néo-zélandais, elle française, et sont parents d’un adorable garçon. « Ils vivent désormais près d’Aubenas, en Ardèche, sacré contraste ! »
Ils le déposent juste devant l’auberge, une économie de temps réalisée. Le choc lors de la découverte de la ville d’Invercargill (Waihōpai) est atténué. « Solène m’avait prévenu ! La ville tracée au cordeau n’a pas de charme », jette Flavien. Pourtant, il passe l’après-midi à se faire un avis. « Hormis un très beau parc et quelques monuments, comme un étonnant château d’eau, il n’y a pas grand-chose. » Une ambiance américaine y règne. Les rues dessinent des carrés parfaits, de grosses voitures américaines ponctuent les maisons de plain-pied. (Crédits : Flavien Saboureau)
Les locations de voiture dans le sud sont vraiment trop chères pour sa bourse. Donc, c’est en bus qu’il s’en retourne à Christchurch, où il louera une voiture pour les quinze prochains jours. Le repas de pâtes englouti, il poursuit ses recherches pour déterminer les meilleurs endroits pour un botaniste. Flavien partage la chambrée avec quatre nouvelles personnes : deux Anglaises, un Autrichien et une autre jeune femme qui garde le silence, comme le secret de son pays d’origine. « Avec toutes ces recherches et réservations, je me couche bien tard », bâille-t-il. À suivre…
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