
Sous le ciel ensoleillé d’Akaroa (33/55)
Sur la péninsule de Banks, les collines plongent dans la grande bleu azur où s’ébattent les dauphins d’Hector, le plus petit au monde. En cette aurore radieuse, Flavien embarque pour une ultime traversée : celle d’un voyage en Nouvelle-Zélande où nature, histoire et humanité se répondent. D’un front de mer à un sommet battu par le vent, entre Fish and chips et forêts d’Hinawai, il capture chaque instant d’une aventure à la fois intime et universelle — celle du lien fragile entre l’homme et le vivant.
« Ce matin, personne n’a frappé à la vitre de la voiture, alors je pousse le réveil jusqu’à 9 h. » Une nuit agréable, une nouvelle fois, sur le siège passager. Le petit déjeuner est frugal. « Je termine le gâteau à la cannelle et à la pomme », tandis qu’il se dirige vers la jetée. Il reste de la place pour partir sur la prochaine sortie en bateau dans la baie. « Bonne nouvelle ! », se réjouit-il. Le ticket n’est pas donné, mais pour 120 NZD, il aspire à observer le dauphin d’Hector, le plus rare et le plus petit de tous. « Je n’ai pas beaucoup vu de cétacés pendant ce voyage, j’espère bien me rattraper ce matin. »
Du pain, du fromage et une banane
Avant d’embarquer pour une croisière de deux heures à 10 h 45, « je prends un chocolat chaud au café d’en face ». La première heure n’est pas très réconfortante, s’inquiète l’aventurier : chou blanc. Mais, il se rassure, car « je pense avoir tiré le portrait d’un manchot pygmée à aileron blanc, endémique de la péninsule. »

C’est alors que la magie opère. « Comme dans les films… Un, puis deux, puis trois… puis une vingtaine de dauphins entourent le bateau. » Il ne lâche pas son appareil photo ni le téléobjectif fixé dessus. Rusé, il anticipe la navigation pour se positionner du bon côté pour la lumière. « Je pense à ma sœur, Ophélie, qui est fan de dauphins… Enfin, dans son enfance, c’est une certitude », sourit-il. Plusieurs espèces déjà observées par le baroudeur, mais rarement d’aussi près, assure la naturaliste.
Le trajet continue en direction d’une petite colonie d’otaries. « Décidément ! C’est la septième fois du voyage que je contemple ces otaries endémiques de Nouvelle-Zélande. » Chemin faisant, l’heure du retour au port sonne. « Deux heures sous une météo radieuse et une mer presque d’huile. » (Crédits : Flavien Saboureau)
La Capitaine leur confie que c’est la plus belle journée de la saison. Après être descendu, « je prends un Fish and chips. » La suite, Flavien n’y a pas réfléchi, alors il traîne dans la ville, profitant de la douceur et de la chaleur des rayons du soleil néo-zélandais. Après avoir fait quelques courses, il se rend à 16 heures à l’Akaroa Museum qui raconte l’histoire de cette ville, la plus française d’entre toutes, souffle Flavien. « Ici, on voit des drapeaux français accrochés aux demeures, c’est assez déconcertant. »
En aparté : C’est en 1838 que Jean François Langlois, capitaine français d’un baleinier – Le Chachalot — négocie plusieurs milliers d’hectares de terres aux Maoris, pour fonder une colonie française. Sa résidence, la maison Langlois-Éteveneaux, se trouve aujourd’hui là où elle a été bâtie, dans sa forme originelle. Historiquement, elle est l’unique survivante construite par les colons français au début des années 1840.
Langlois convainc le roi Louis-Philippe de financer la colonie. Le capitaine crée la compagnie Nanto-Bordelaise et rassemble des émigrants. À son retour, l’Angleterre venait de signer le traité de Waitangi avec les chefs maoris, et le drapeau anglais flottait.
« Le musée fermant trente minutes plus tard, je prends la direction de la réserve d’Hinawai, l’un des seuls lieux à peu près préservés et boisés de la péninsule. » (Crédits : Flavien Saboureau)

Flavien tente vainement d’y voir un gecko. L’ambiance y est sympathique, ajoute-t-il. « Il y a une petite cabane où l’on peut dormir gratuitement. Le propriétaire semble être une brave personne, que je n’ai pas le plaisir de rencontrer. » Il profite de la liberté octroyée par la voiture. La montée vers le sommet est raide, le chemin peu marqué. « Ça veut dire que je ne serai pas dérangé par la foule là-haut », se réjouit-il par avance. J’arriverai à 806 m d’altitude à 19 h 40.

« J’ai du temps à tuer. C’est l’occasion de faire une sieste et de faire le point sur ces incroyables et intenses quinze jours qui viennent de passer. » Au menu, un énième coucher de soleil, avec de quoi casser la croûte : du pain, du fromage et une banane. « La vue sur la baie so Frenchie est incroyable. Quelques nuages semblent vouloir taper l’incruste en vain. Alors, ils nappent les crêtes d’un duvet blanc… »
L’astre de feu passe derrière l’horizon, Flavien redescend et croise les doigts. Il espère dénicher quelques bestioles nocturnes.
La frontale éclaire au maximum et à quelques centaines de mètres de la voiture, « J’illumine le dessous d’un Raukaua simplex et là surprise ! Plusieurs Wetas sortent de leur cachette. Je suis étonné, c’est beaucoup plus facile qu’hier. » Plus loin une autre espèce, avec des antennes de plus de 30 cm. « Whouhaou ! Les monstres… », sourit-il. (Crédits : Flavien Saboureau)
Durant plus d’une heure, il évolue d’arbre en arbre, tel un orpailleur à la recherche d’un trésor. Il est 23 h 30 à sa tocante. « Il est temps de rentrer. Bien qu’interdit, je souhaite poser ma tente près de la voiture, mais l’humidité et la flemme l’en dissuadent. » Comme pour un au revoir, il profite une ultime fois du siège passager. Mais avant de partir… L’aventurier tourne autour de gros rochers non loin de la voiture pour y dénicher une nouvelle espèce de Weta terrestre : « Décidément c’est une orgie ce soir ! Une dernière journée pleine de découvertes. »
De retour à Christchurch
C’est la dernière nuit du baroudeur sur le siège passager de la voiture de location. Ce matin, il souhaite contempler la naissance du jour, ce moment suspendu de l’éveil de la nature. « J’ai calé le réveil à six heures pour voir le lever de soleil. Raison pour laquelle je me suis stationnée de ce côté de la montagne. Mais, un bref coup d’œil, et je me rendors aussitôt. » À 7 h 30, Flavien jouit de la présence du soleil pour ranger la voiture et mettre toutes ses affaires dans son sac.
Pour le retour à Christchurch, le naturaliste conduit sur la route d’altitude de la péninsule. « J’en profite ce matin, car on y trouve beaucoup moins de circulation et les lumières sont top. »
C’est aux alentours de dix heures qu’il parvient à une station de lavage repérée la veille. « Oui, les stations en libre-service sont rares, car, comme en Patagonie, il faut payer des gens pour nettoyer sa voiture. »
Pour la modique somme de 19 NZD (9,5 €), il passe et repasse l’aspirateur. Après l’habitacle, c’est l’extérieur que Flavien doit bichonner. « Je m’y reprends à plusieurs fois pour laver la carrosserie. Elle est dans un sale état après toutes ces pistes empruntées dont la poussière s’est incrustée partout. »
(Crédits : Darcy Lawrey/Pexels)

Une fois que la voiture recouvre son aspect d’origine, et après trente minutes à traverser la ville, « j’arrive près de l’agence de location. Mais avant de restituer la voiture, je fais le plein et achète quelques lingettes pour nettoyer le tableau de bord et les portes. » Ensuite c’est un moment de suspense peu agréable. Puis, « À l’agence, je croise les doigts pour qu’ils me rendent ma caution sans problème… Ce qui est le cas », souffle avec grand soulagement Flavien. Car même si le ménage est réalisé, il existe toujours un risque de passer à côté de quelque chose sans le voir.

La navette le prend et le dépose à l’arrêt de bus de l’aéroport. Un gros quart d’heure s’écoule quand Flavien aperçoit arriver l’autobus de la ligne 8. « Je grimpe dedans et vingt-cinq minutes plus tard, je suis au pied de mon auberge habituelle. » Une fois de plus ils ont une place pour lui. Il est 13 h. L’aventurier change de casquette pour une toque de chef. « Je cuisine des pâtes pour terminer mon pesto. En début d’après-midi, une douche bien agréable, avec la sempiternelle lessive à la main. Ce que je n’ai pas fait depuis un moment, mais comme je reste à l’auberge plus longtemps, ça devrait pouvoir sécher. »
Après deux semaines de grand air, « je passe dans le lit le reste de l’après-midi. Comme un besoin de couper. » Il ne s’extirpe que pour aller manger un burger en soirée. Ce temps lui permet de régler quelques trucs comme sa déclaration auprès de l’URSAAF. (Crédits : Lgh_9/Pexels)
C’est le moment idéal pour identifier quelques plantes et donner des nouvelles à ses proches. « En fin de soirée, je partage mes expériences de voyages, et réciproquement, avec les trois Françaises présentes dans le dortoir. L’une se prénomme Johanna, elle vient de Cherbourg. Une autre est dijonnaise, et a fait GPN, s’étonne Flavine. C’est la première Française que je croise qui s’y connaît un peu en naturalisme… Avant de me coucher, je réserve mon bus et mon auberge de demain. » À suivre…