
Le bonheur des trajets (22/55)
Comme escompté, rien de folichon à voyager en bus. C’est un trajet qui dépend souvent de la personne qui est assise juste à côté de vous. Après dix heures de périple, dont la moitié au côté d’un individu sous l’empire alcoolique, un autre trajet s’enchaîne pour récupérer la voiture de location. Un retour dans une auberge déjà visitée, une pizza à l’espace guinguette, et l’accès au Wi-Fi pour préparer les deux semaines à venir, tout ça en une journée de plus de treize heures.
« Levé à 7 h 45, mon bus m’attend en bas de l’auberge », bâille Flavien. À 8 h 30, il s’envole pour dix heures de trajet en autobus, le rêve. « Un parcours, avec une heure de correspondance à Dunedin, que je connais bien désormais. » Après la pause casse-croûte de 12 h 15, le trajet de l’après-midi s’annonce fastidieux. « Un mec bourré, imprégné d’une odeur de cannabis, s’assoit à côté de moi. Il s’enfile plusieurs canettes, et parle espagnol… tout seul. » Enfin, Flavien arrive à Christchurch à 19 h 25, dans une auberge où il passe deux nuits, trois semaines en arrière.
En route pour de nouvelles aventures
Ce matin du mardi 7 janvier 2025, Flavien monte à nouveau dans un bus. « Je rejoins l’agence de location où une Toyota Camry, louée pour 61 NZD par jour, est à récupérer pour midi. » La chance sourit aux audacieux, comprend Flavien. Il se présente dès potron-minet, à 9 h 30. « C’est une bonne idée, elle est disponible », se réjouit-il.

« J’hésite à me rendre au mont Cook ou à faire un arrêt au mont Hutt. » Ce dernier est réputé comme spot pour la botanique, et accessible via une station de ski. La météo est radieuse, Flavien effectue ce petit crochet. « J’emprunte la piste qui mène à la station de ski à 1650 m d’altitude. » C’est sans savoir que, dans les deux semaines à venir, des pistes comme celle-ci, il va en pratiquer tous les deux jours.
Elle est longue, près de quatorze kilomètres, mais acceptable. « Je monte jusqu’à 1400 m où une barrière me stoppe. »
Flavien nous décrit le panorama qui s’offre à ses yeux. « Dénudée, la vue sur la côte est impressionnante. Les paysages agricoles tracés au carré, en contrebas, tranchent avec la montagne minérale et indomptée. Un fleuve traverse ce paysage, le contraste est saisissant. Il est temps de prendre la marche en direction du mont Hutt à plus de 2100 m. »
(Crédits : Flavien Saboureau)
Le « Rakaia » est le fleuve des plaines de Canterbury où se trouve Flavien. Il est l’un des plus grands cours d’eau tressés de Nouvelle-Zélande. Le sommet qu’il souhaite rejoindre culmine exactement à 2185 mètres. Le soleil en montagne n’a pas la même incidence qu’en plaine. « Le soleil tape fort, très fort. Je me badigeonne de crème solaire, c’est assez rare pour le dire ». En Amérique du Sud, il avait oublié de se protéger, et avait dû marcher avec un pull sur ses mollets cramoisis…
Le cousin Weta
La montée est épuisante, mais elle récompense l’aventurier. « Je trouve mon premier Weta. » Il est le spécimen emblématique des insectes géants de Nouvelle-Zélande. « Au sommet, une jeune Néo-Zélandaise arrive au même instant que Flavien. Elle ne pensait pas rencontrer quelqu’un ici, à vrai dire moi non plus, explique Flavien. Il n’y a aucun tracé sur les cartes pour arriver jusque là… » À cette altitude, le naturaliste s’étonne de la profusion de petits insectes et de coccinelles. Pas une seule plante, seuls des cailloux tapissent le sol.
« Avant la croupe sommitale, je trouve une véronique arbustive et une épilobe qui semblent s’être perdues dans cet environnement minéral. » Pas un nuage dans le ciel. « Je prends ma dose d’UV, mais quel pied ! » Sur le retour, Flavien rencontre des plantes aux environs des 2000 m. Mais aussi une denrée rare et essentielle à toute vie : de l’eau, qui sort de nulle part. De retour à la station de ski Mt Hutt, « je croise un Néo-Zélandais d’origine australienne, il est monté jusqu’ici en VTT, frappé… »
Subjugué par cette prouesse sportive, Flavien entame la discussion. « Il me confie que des Européens, les Français, lui semblent les plus aventureux. » Un conseil distillé pour un autre chemin permet au naturaliste de trouver deux plantes incroyables : Haastia sinclairii et Hastia recurva. La descente est longue, seule la nature l’accompagne. « De retour à la voiture pour 18 h, je fais un ultime arrêt pour observer de magnifiques coussins de Raoulia eximia. »
(Crédits : Flavien Saboureau)

Peu visible au sommet du mont Hutt, Flavien se dirige vers le mont Cook, à plus de quatre heures de route. « La météo se dégrade. Les essuie-glaces donnent le tempo. Les phares s’allument. Je vais conduire de nuit pour la première fois », souligne l’aventurier du bout du monde. Au bout de trois heures et demies de conduite, « je m’arrête sur une aire de camping, normalement réservée aux vans. Mais qui va me dire quelque chose à cette heure-là… » Le siège passager sera son meilleur allié pour cette première nuit avec la voiture. À suivre…
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