Pérégrinations

Un bain de foule (23/55)

Les étapes de montagne concentrent énormément de monde. Comme lors du Tour de France cycliste, le point de vue est peu ordinaire. C’est ainsi que Flavien se retrouve à prendre un bain de foule. Tous sont venus observer le glacier Mueller, le lac Hooker et le mont Cook (Aoraki). Ce triptyque est tout simplement magnifique. Mais d’autres surprises l’attendent. Entre le Kea, le brouillard dans les névés et une température proche de zéro et le coucher de soleil somptueux qui illumine le mont Cook, à 3724 mètres d’altitude.

« Ce matin, je ne me presse pas. Je me suis endormi tard… Et il ne fait pas beau », se justifie Flavien. Il est plus de huit heures, lorsqu’il passe la tête à l’extérieur. Sa seconde nuit sur le siège passager de la voiture de location s’est écoulée sans encombre. « Comme d’habitude, la voiture est tout embuée. » Après avoir changé de place, il parcourt la distance le séparant du village, nommé Aoraki. Il sert de camp de base pour toutes randonnées autour du mont Cook, sommet de la Nouvelle-Zélande.

À l’assaut du mont Cook

Sur l’heure de route, les essuie-glaces marquent le tempo d’une musique entêtante. Rythmé par ce ballet incessant, le chant des gouttes tourne en boucle. « La matinée est pluvieuse. Je profite pour téléphoner une heure durant. » Flavien, prends la direction du lac Hooker dans lequel se jette un glacier. « C’est une randonnée accessible, je m’attends à voir des marcheurs… Je ne suis pas déçu. » Des centaines et des centaines de personnes parcourent les cinq kilomètres les séparant. « Un torrent de visages, commente Flavien. Ça me rappelle celle d’El Chalten, en Argentine, qui était noire de monde. »

D’ailleurs les paysages se ressemblent beaucoup, c’est assez marquant, réfléchit l’aventurier à voix haute. La météo n’est pas aussi catastrophique qu’annoncé. « La couche nuageuse nous permet de voir l’entièreté du lac et le glacier… Et les quelques icebergs dérivant sur le lac. » La moraine glaciaire est impressionnante.

« Deux heures et trente minutes, c’est mon temps pour effectuer ces 10 km. Le chemin est très roulant, et le dénivelé n’est que de 200 mètres », conclut-il. De retour à la voiture, les choses sérieuses commencent. « Je prépare mon sac pour poser ma tente plus haut. » Flavien ne passe qu’une nuit en hauteur et allège son sac en conséquence. La couverture nuageuse se situe aux alentours des 1500 m. Durant les 700 premiers mètres, le paysage est superbe, et les végétations magnifiques. Prenant de l’altitude, « j’ajoute des couches. Je passe en mode waterproof. À cette altitude, l’ambiance est très humide et fraîche. » (Crédits : Flavien Saboureau)

Chemin faisant, l’air de rien, le naturaliste découvre une beauté de la nature. « Je tombe sur mes premiers Hectorella caespitosa. Une espèce que je souhaitais à tout prix observer, car c’est l’unique cousine de Lyallia kerguelensis », explique l’aventurier du bout du monde. La floraison n’est pas des plus originales, mais elle débute à peine. « J’ai de la chance, sourit-il. Des cinq espèces que je voulais absolument voir en Nouvelle-Zélande, il ne m’en reste donc plus qu’une. »

Un froid glacial

« Plus loin, talonnant un névé, une incroyable renoncule me surprend. Je ne sais pas ce que c’est », avoue-t-il. Le chemin se poursuit, dans une purée de pois à couper au couteau, sur les névés encore présents. L’ambiance et la visibilité sont telles que Flavien ne voit le refuge qu’au dernier moment, il est 18 h 15. « Je me presse de monter ma tente, car le brouillard se transforme en pluie fine », grelotte-t-il.

« Je passe les quarante-cinq minutes suivantes à l’intérieur à attendre que l’averse cesse. J’essaie aussi de me réchauffer, il ne fait que 3 °C. »

L’endroit est véritablement minéral. « Je croise les doigts pour ne pas avoir effectué cet effort que pour deux espèces, bien quelles ne soient pas des moindres. » Le rituel semble fonctionner.

Les nuages s’étiolent, tandis que la pluie cesse. « Je profite de cette accalmie pour manger au chaud dans la Hut. » Le repas terminé, Flavien sort. C’est alors qu’il découvre, avec bonheur et humilité, les paysages montagneux, entrecoupés de nuages. Quelques Keas – seul perroquet alpin du monde – s’amusent près de la dizaine de personnes que nous sommes à admirer le panorama. « L’un s’approche à moins d’un mètre de moi… Mon objectif macro suffit à immortaliser l’instant ! » (Crédits : Flavien Saboureau)

La journée tire à sa fin, quand la cime du mont Cook se couvre d’or. « J’en ai connu des crépuscules et des couchers de soleil… Mais celui-ci fait partie du top 5 ! » Après avoir fait bouillir de l’eau au refuge pour la rendre potable, il clôture cette journée bien au chaud dans son sac de couchage. « Je ne pensais pas faire ce genre de bivouac en Nouvelle-Zélande, je suis ravi de mon choix d’hier soir de prendre le risque de monter ici malgré la météo très instable. » À suivre…

Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

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