Pérégrinations

Bercé par l’effluve des chaussettes sales (7/55)

En ce 16 décembre 2024, Flavien se réveille sur le siège avant d’une petite citadine. Si le bruit de l’averse sur la toile de tente berce le campeur… ce n’est pas du tout le cas lorsqu’elle sombre sur le toit d’une voiture. C’est pourquoi Flavien au milieu de la nuit change de place, pour bouger le véhicule. La recherche de plantes s’effectue souvent à quatre pattes. Il est plus agréable quand le sol n’est pas détrempé. Si bien que la quantité d’eau tombée durant la nuit n’engage en rien une pensée optimiste pour la journée à venir.

La pluie, bien qu’annoncée, cesse. Le soleil illumine l’habitacle de la voiture pour le plus grand plaisir de l’aventurier. « Finalement la nuit a été plutôt agréable », remarque Flavien avec surprise. Pour une fois c’est acceptable. Cela ne vaut pas un lit, mais il avait disposé au préalable plusieurs vestes sur le siège. Le but étant de le rendre aussi confortable que possible.

Flagrant délit de vol de brownie, un suspect en fuite

« Je me suis réveillé à une heure, pour bouger la voiture, j’étais sous des branches. Les gouttes, de la pluie battante, produisaient un boucan d’enfer », raconte-t-il en s’étirant. Il est presque huit heures à sa montre quand il prend la direction de l’accueil du DOC, sous un grand soleil dominant. Il y règle les 15 NZ $ de la nuit. C’est alors que quatre ou cinq nestors Kea, nommés régulièrement Kea, s’amusent sur les toits aux alentours, sous les yeux encore amusées de l’aventurier.

Brownie, terrasse, chocolat

Il est le seul perroquet alpin du monde. « Je saisis donc mon téléobjectif pour essayer de les photographier, mais les lumières ce matin ne sont pas simples », constate le photographe.

Avant de repartir, Flavien recherche en vain Hymenolaimus malacorhynchos. Le Hyménolaime bleu est danger d’extinction. Il est affiché sur la liste rouge de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature).

« C’est l’un des trois seuls canards au monde à être inféodé aux cours d’eau, un peu à la manière du cincle plongeur », explique Flavien. Il s’arrête légèrement plus loin pour déguster un chocolat chaud et un brownie, tout en espérant se connecter à l’internet. « En plus de la Wi-Fi qui ne fonctionne pas, un Kea vole mon brownie, alors que je prenais une photo, décidément… Je ne sais toujours pas où trouver Hectorella caespitosa. » (Crédits : Flavien Saboureau)

Contre mauvaise fortune, bon cœur, souffle l’adage. « Je me dirige vers le col d’Arthur’s Pass où j’ai repéré la présence de tourbières. » Flavien y décroche le gros lot. « Le nombre d’espèces nouvelles est incroyable. Je passe plus de deux heures à quatre pattes à chercher des plantes plus petites les unes que les autres », sourit-il. Au programme des découvertes : les Donatia novae-zelandiae, Schizaea australis, Drosera arcturii…

Course poursuite contre le temps

Le temps est relatif, mais s’écoule inexorablement, surtout quand votre occupation vous plaît. « Il est 14 h 15. J’ai encore deux heures de route pour restituer la voiture à 17 h pétantes, avec le plein de carburant », constate-t-il. Le soleil se cache, au fur et à mesure de son avancée vers l’Est, derrière des nuages deviennent de plus en plus sombres. « Je m’arrête 20 minutes à Kura tawhiti, un ensemble impressionnant de formations calcaires très érodées. » Son étonnement est à la hauteur de la découverte dans cette partie du pays, quand on connaît son histoire géologique ajoute-t-il.

Annoncée par l’omniprésence de cumulonimbus menaçants, l’averse se joint à Flavien. Avec hâte, il rebrousse chemin jusqu’à son véhicule. Sa réserve de temps est épuisée. C’est tambour battant que Flavien conduit, sous une pluie battante, pour rendre la voiture avant la fermeture du bureau de location. Au moment décisif, impossible de trouver l’ouverture de la trappe à carburant. « Un aller-retour en urgence à l’agence pour qu’ils m’expliquent que c’est sous le siège. Je n’ai jamais vu ça, ça ne s’invente pas… »

À peine arrivé, il vide la Toyota de son attirail, rend les clés, quand il est pris en charge par leur navette direction l’aéroport, sans que la voiture ne soit contrôlée. « Ils le feront demain, ce n’est pas forcément rassurant », avoue-t-il. Arrivée à bon port, il file vers la même auberge que la veille, espérant trouver un lit de libre. « Ce soir, je me repose dans un dortoir pour huit. Cet effluve de chaussette là-dedans… », grimace Flavien. (Crédits : Flavien Saboureau)

Tourbière, nature, eau

Puis Flavien profite d’une douche bien méritée. Il fait l’habituelle lessive à la main, dans un évier minuscule. « J’espère que ça sera un minimum sec demain, pense-t-il en étalant un peu partout dans le dortoir. Ce n’est pas pour arranger l’odeur qui règne ici », remarque-t-il justement. Après l’envoi de photos et de messages, son ventre crie famine. « Ce soir, c’est burger ! Je n’ai pas mangé ce midi, accaparé par ma tourbière, ça me fera un peu de gras. » De retour à l’auberge, il réserve son bus et son lieu de repos de demain. Il tente d’identifier quelques espèces vues ces deux derniers jours… Le temps file si vite que « je me couche tard. À 0 h 30, je suis encore le nez dans mes recherches », bâille-t-il. À suivre…

Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

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