Pérégrinations

À la conquête des sommets argentins (Épis. 38/46)

Sur les conseils d’un botaniste, le duo prend la direction de Cerro Challhuaco. Une ascension de plus de deux mille mètres. Depuis tant de temps, Flavien procède à l’un, voire le dernier pliage de tente du voyage sur le continent sud-américain. Il transporte avec lui un souvenir sur sa peau. Les coups de soleil s’affichent sur ses mollets, et lui rappellent sans cesse de se protéger de l’astre solaire. Mais le confort de posséder un véhicule de location fait vite oublier l’essentiel dans le coffre de la voiture, mais pas les anecdotes engrangées durant ce périple.

Un botaniste a récemment vu fleurir une plante rare. « Nous nous dirigeons vers le Cerro Challhuaco à 2131 m exactement. » Sauf que pour s’y rendre, il faut emprunter une piste avec le véhicule. Parfois, il ne peut passer. Le duo s’arme alors de courage pour affronter un long dénivelé, heureusement ils sont habitués. Cette pente est particulièrement compliquée sans 4×4. « Les voitures non équipées ne sont pas censées y aller. Comment voulez-vous, il vous mette ça sur le chemin quand vous avez déjà fait la moitié de la piste », râle Flavien en bon Français.

Une rencontre au sommet

Arrivés à 1300 m grâce à la voiture, ils ne leur restent plus que 800 m à gravir. « L’ascension, dont la forêt laisse très vite place aux éboulis, est très intéressante botanique parlant », raconte Flavien. La température est idéale également. Mais pas de short aujourd’hui encore, le soleil tape toujours aussi fort, et ses mollets souffrent toujours des coups de soleil. Aux alentours des 1950 mètres d’altitude, la rencontre s’effectue avec Chaetanthera villosa. « La fameuse espèce que nous sommes, enfin que je suis, venu chercher, rectifie Flavien. Ravis nous montons au sommet où il reste une fleur à découvrir : Oxalis erythrosora ! »

« Là-haut le paysage ne peut être plus minéral. Les conditions doivent être ardues l’hiver venu, quand on observe le peu d’espèces qui poussent à cette altitude », comment l’aventurier.

À 15 h, ils entament la descente. « Nous voulons être au Chili ce soir. Il faut passer par les douanes qui se situent à trois petites heures de route. » Le plein de carburant réalisé, ils filent à bonne allure. La vue du ruban noir est longue et monotone, ponctuée heureusement par d’agréables paysages. Le poste-frontière argentin vite expédié, le convoi effectue les 40 minutes pour relier le second. « Toutes les forêts qui les séparent semblent mortes. Aujourd’hui encore, je n’ai pas trouvé d’explication », explique Flavien. Peu avant 20 h, ils arrivent à la douane chilienne. Heureusement pour eux, car après cette heure, ils dormaient sur place jusqu’au lendemain matin. (Crédits : Flavien Saboureau)

La nuit est tombée quand la fouille de la voiture commence. Peu de personnes suivent le duo, si bien qu’à bientôt 22 h, la quête d’un spot pour passer la nuit s’avère périlleuse. « Je monte ma tente pour ce qui est sûrement la dernière fois de ce voyage, quand deux renards nous rendent visitent. » C’est grâce à leurs prunelles ardentes qu’ils sont repérés par Flavien et David. La journée se finit par la dégustation des deux ultimes paquets lyophilisés présents dans le sac du baroudeur.

Un dernier pliage de tente

Le réveil est agréable, la température est douce, pas de trace des renards autour de la tente. « Je déjeune rapidement et je plie ma tente pour la dernière fois du voyage, enfin normalement. » L’objectif est le volcan du Puyehue à 2250 m. Cela passe par le sentier y conduisant, avec une petite surprise à l’entrée. « Après deux minutes, nous sommes au commencement du sentier, mais le propriétaire du terrain nous demande 10 € par personne… Nous pensions que c’était dans le Parc national et donc gratuit, mais il faut traverser un terrain privé pour y accéder », grommelle Flavien.

À peine retournés au Chili, nous craquons déjà… 1900 m de dénivelé positif et plus de 20 km de marche les attendent avant de revenir à la voiture. « C’est la dernière grosse randonnée du voyage, mais ce matin je ne suis pas très motivé. » Comme l’été sur la plage, Flavien s’enduit de crème solaire.

Les premières centaines de mètres sont dures à avaler. Cerise sur le gâteau, pas une seule nouveauté de faune et de flore. À midi, après deux heures de marche, ils dépassent la cime des arbres en se trouvant approximativement à 1400 m d’altitude. Un Chilien venu pour le même objectif qu’eux se repose auprès d’une cabane.

« Le soleil tape très fort, ce qui réveille mes coups de soleil des précédents jours. » Le Chilien nous suivra sur la montée, mais semble être véritablement exténué. « Les pourcentages sont impressionnants, parfois supérieurs à 40 % », explique Flavien. (Crédits : Flavien Saboureau)

Les gourdes sont désormais vides, l’attente est emplie de suspens pour les remplir. « Notre crainte est fondée. La fonte des névés passe sous le substrat volcanique, peu ou pas de ruisseaux sur ses pentes. Nous les laissons de nombreuses minutes sous les gouttes pour pouvoir les remplir. »

Deux pas en avant, un en arrière

« Dans les scories la marche est épuisante. Nous avançons de deux pas et reculons d’un. » Les pourcentages ne faiblissent pas jusqu’au sommet. Les plantes vasculaires se réduisent à deux espèces de Nassauvia à cette altitude. Ce parcours, des Français rencontrés à Puerto Williams, lui ont fortement recommandé. Avant d’atteindre la crête la déception, comme les coups de soleil ne quittent pas Flavien… jusqu’au sommet où il change littéralement d’avis.

La vue panoramique sur les autres volcans est incroyable. « La caldeira enneigée de 2 km de diamètre que le sommet surplombe m’impressionne le plus. » Bien plus encore que le volcan de la Réunion ajoute Flavien.

Les conditions à cette altitude sont très agréables, mais la sensation sur la peau des UV indique leurs puissances. Les empanadas acquises hier à la douane se dégustent sur place. Puis vingt minutes s’égrainent quand « nous redescendons le soleil dans le dos ».

Chaussures hermétiquement fermées au maximum, afin d’éviter qu’elles se remplissent de scories. « Les genoux bloqués, nous nous laissons emporter par le glissement du substrat. Je n’ai pas pensé à prendre mes guêtres restées dans le coffre, dommage. »

(Crédits : Flavien Saboureau)

Il suffit de trois quarts d’heure, contre les deux heures d’ascension, pour rejoindre la cabane où ils profitent une grande interruption. Après une pause bien méritée, la descente s’effectue de plus belle. « Nous poursuivons la descente dans la forêt, là encore au pas de course, car les pentes sont si fortes que les appuis de marche nous font glisser et chuter. »

La descente technique est tout aussi physique que la montée, même plus. Ils affichent un plaisir non dissimulé lorsqu’ils retrouvent la voiture à 17 h. Après s’être abreuvé et restauré « nous prenons maintenant la direction de Puerto Varas, visitée il y a un peu moins d’une semaine, à quelques kilomètres de Puerto Montt où nous devons rendre la voiture demain. »

Sur la route, le duo procède à un arrêt nécessaire pour deux raisons. La première pour trouver du réseau pour tenter de réserver une auberge.

« Nous nous renseignons trop tard. Comme d’habitude ai-je envie de dire, plus une seule petite place. »

La seconde est pour déguster une glace. (Crédits : Flavien Saboureau)

Après moult discussions, et deux heures de route, pleine de travaux, « nous arrivons à Puerto Montt. » L’hôtel précédent est tout aussi complet. Un établissement les loge à quelques encablures. « Il n’est pas très accueillant, mais nous voulons simplement dormir. Avant, nous irons manger un excellent burger au coin de la rue. La seule bonne surprise de la soirée », raconte Flavien désabusé. Sur le retour, ils réservent les billets de bus du lendemain. À suivre…

Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

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