Pérégrinations

Entre nature sauvage et plaisirs gourmands (Épis. 37/46)

Ce vendredi 16 février 2024, c’est le 88e jour du périple sud-américain de Flavien. La connaissance acquise par l’aventurier du bout du monde ne cesse de grandir. Pourtant, un sage dit que l’expérience des autres est comme un peigne pour un chauve, elle ne sert à rien. Le changement de latitude, même de quelques poussières, modifie la météo. Entre le frais de la Patagonie à Valdivia et ici en Argentine, le soleil fait une apparition brûlante. Il peut être douloureux pour un randonneur qui ressent l’astre dans son dos.

La température chute durant la nuit, la fraîcheur est bien présente ce matin encore. Lorsque l’air est froid et sec, un phénomène naît. Un brouillard d’évaporation peut parfois être observé à la surface des lacs, on dit alors que le lac « fume ». « Ce matin il fait bien frais, le lac est fumant », constate Flavien lorsque David le rejoint. Il vient de marcher une heure vers un petit lac adjacent. Il faisait trop froid pour qu’il continue de dormir à l’intérieur de la voiture, explique-t-il. « On prend tranquillement le petit déjeuner sur la plage du lac sans se douter de ce qui nous attend », ponctue Flavien.

Un dessert volcanique

Tandis que le duo roule serein en direction de la douane, un bouchon se dessine peu à peu. « C’est donc pour ça que les voitures roulaient très tôt ce matin, chacun voulait éviter le bouchon », saisit-il. Ils patientent plus d’une heure avant d’atteindre le premier poste-frontière, heureusement que la vue sur le Lanin et les Araucarias est agréable, pense à voix haute l’aventurier. Après de nombreuses heures d’attente, « nous arrivons en Argentine. Nous avons la désagréable surprise de rouler sur une piste caillouteuse durant plus de 45 km… » Après avoir retrouvé le ruban noir, le duo se dirige vers Saint Martin de Los Andes.

« Nous sommes surpris par cette ville qui, bien que touristique, semble agréable à vivre. La plupart des bâtiments sont du style d’un chalet suisse. C’est l’une des premières villes où nous avons le sentiment qu’un PLU est en place… »

Avides de randonnées et de découvertes, la culture gastronomique fait partie de leurs plaisirs. « Une pizzeria nous étonne par son très très bon dessert », explique Flavien la bouche pleine. Il faut dire que ce volcan au chocolat coulant avec sa boule de glace se déguste sans fin. La digestion s’effectue sur la plage de bord de lac qui semble être la principale attraction de la ville. « Le vent y est fort, les frêles embarcations ne sont pas maîtres de leur destin. » C’est à Saint Martin de Los Andes que débute le circuit « Sieste Lagos ». Elle rejoint San Carlos de Bariloche, destination du jour. (Crédits : Flavien Saboureau)

De magnifiques paysages les accompagnent, mais la route nationale 40 est indubitablement fréquentée, car mythique. « Avant Bariloche, surnommée la Suisse Argentine grâce à son chocolat, nous nous arrêtons à Villa Angostura pour observer l’énorme lac Nahuel Huapi. » Arrivé, le duo visite trois auberges avant d’enfin trouver de la place.

Quand te reverrai-je, pays merveilleux…

Après un excellent moment au restaurant hier soir, ils remplissent leurs sacs de vivres dans une supérette de bord de route. Partis de bon matin vers un objectif fameux : le massif du Cerro Catedral. « C’est un spot bien connu des botanistes locaux pour ses nombreuses espèces alto-andines, raconte Flavien. Par contre, il se peut que ce soit tard pour la plupart d’entre elles. »

La renommée argentine de San Carlos de Bariloche est en partie due à sa station de ski. Comme l’est le passage du film des « Les Bronzés font du Ski » de Patrice Leconte, où le regretté Michel Blanc entonne « Quand te reverrai-je, pays merveilleux ? »

Cette station de ski possède l’énorme avantage d’un parking situé à 1100 m d’altitude, amenant à 2000 m. Le téléphérique facilite la tâche, mais les 27 000 pesos demandés dissuadent très vite Flavien et David. « Tant pis, on va se taper 900 m de dénivelé positif en montant par les pistes. Nous serons les seuls, ce qui ne nous étonne pas trop… »

Loin d’être agréable, l’ascension au milieu de montagnes défoncées, à l’avantage d’être très rapide. Sur les ravins qui bordent les pistes, les Alstroemeria fleuris tapissent d’impressionnantes zones orangées.

« Dès 1700 m d’altitude, la flore devient très intéressante… Je n’avance plus… », claque Flavien. David quant à lui, prend les devants. Il possède désormais un œil aiguisé, et repère des espèces sympas.

Le duo avance jusqu’à 2000 m d’altitude, « c’est là que je repère quelques Ranunculus semiverticillatus, en fruits malheureusement, une des alto-andines les plus emblématiques. »

(Crédits : Flavien Saboureau/Lys des Incas)

« Je rejoins David dans les éboulis à 2100 m. Il indique en avoir vu en fleurs. Je lui promets alors une bière s’ils les retrouvent dans les énormes éboulis, et il réussira. Incroyable cette plante ! » La chance de découvrir ces quelques individus au pied d’un névé est due à un retard en rapport à l’ensemble.

J’ai attrapé un coup de soleil…

L’ascension effectuée sans se préoccuper du soleil est souvent radicale. Ils continuent le chemin sur un sentier escarpé. « Nous prenons notre repas à l’abri du soleil qui tape très très fort. D’ailleurs, mes mollets qui n’étaient plus habitués à voir le soleil me le font entendre… Le mal est fait, il est trop tard pour mettre de la crème solaire. » Je me balade toute l’après-midi avec mon pull accroché sur le mollet, j’ai l’air malin, s’amuse Flavien de la situation.

Les Viola sacculus fanés sont légion. Le but du duo, trouver un spécimen en fleur, « c’est loin d’être gagné ».

En milieu d’après-midi, alors que les condors tournent au-dessus de nos têtes, un névé nous attire. On a eu le nez fin ! « Un seul et unique individu est en pleine fleur, le pied ! »

Remotivés, ils reprennent leur chemin. Ils contournent un lac, descendent dans une sorte de cirque glaciaire où l’on devine un refuge typiquement Européen en fond de vallée. « Comme l’impression d’être dans les Pyrénées. » Arrivés au refuge il y a un monde fou. Ne s’arrêtant qu’un instant, ils empruntent une longue, très longue descente. Elle offre peu de découvertes, si ce n’est les, toujours aussi incroyables, sous-bois d’Alstroemeria aurea. (Crédits : Flavien Saboureau)

L’arrivée à la voiture se coordonne à la tombée du soleil derrière les montagnes. Un en-cas avalé, ils filent vers un moment de bien-être mérité. « Poussiéreux, on prendra douche qui pour ma part est piquante », souffre Flavien. Le ventre cri famine. Alors, Flavien et David descendent en ville pour se faire cette fameuse fondue dont ils parlent depuis des semaines ! « Elle tombe à pic après une telle journée. » Entre deux coups de fourchette, ils discutent, mais n’arrive pas à se décider pour le futur proche. « On verra ça demain », claque Flavien. À suivre…

Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

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