La nature chilienne, de Chiloé à Valdivia (Épis. 36/46)
Un lever en synchronicité avec le soleil. Rien de tel pour commencer une journée. Ce qui rend la situation encore plus magnifique est l’éveil de la nature, sachant qu’il a fait très froid cette nuit de la Saint-Valentin. La brume s’évapore de la rivière et renvoie les rayons du soleil. La simplicité des levers de soleil est un spectacle grandiose à qui sait les apprécier. Habitué à bourlinguer depuis plusieurs mois, dans divers endroits du monde, Flavien s’émerveille toujours.
« Bien que le cadre ne soit pas incroyable, c’est sans aucun doute le plus beau lever de soleil de mon voyage, du moins jusqu’à présent. » Après un petit déjeuner très sommaire à base de céréales, Flavien et David prennent la route en direction de Valdivia. Si la destination est validée de par chacun, le détail qui procure l’envie diffère. « David aimerait y visiter le marché et moi un parc public connu pour ses plantes sauvages habituellement rares. »
Une destination, deux souhaits
La ville n’est pas la plus belle de toutes, mais elle a son charme, explique Flavien. Elle a surtout était reconstruite après l’énorme séisme qu’elle a subi le 22 mai 1960, et ce n’est pas peu dire. Il le plus grand tremblement de terre enregistré avec 9,5 sur l’échelle de Richter, un « monstre tellurique ». Le duo se dirige vers le fameux parc urbain où Flavien trouve assez facilement deux belles : Viola rubella et Lapageria rosea. La dernière est la plante phare et emblématique du Chili.

Juste avant le repas, ils dévorent de l’asphalte. L’équipage prend la route de la région des volcans, plus particulièrement jusqu’à la ville de Pucón, au pied du Volcan et du lac de Villarica. Quelques impressions obligatoires pour la traversée de la frontière, avant de monter dans la voiture. L’ascension effectuée, il se positionner à quelques encablures du Villarica, l’un des plus actifs du Chili.
En guise d’accueil, une grande fumerolle visible à des dizaines de kilomètres. « Nous avons pensé à le gravir, mais il est en alerte rouge, interdiction de progresser au-dessus de 2300 m. » La voiture garée sur le parking de la station de ski, « on grimpe jusqu’à 2000 m dans les scories à la recherche, infructueuse, d’une Viola cotyledon en fleur, les milliers d’individus observés étant fanés », se désole le naturaliste. La descente s’effectue en courant dans ces restes volcaniques. (Crédits : Flavien Saboureau)
« Je ne réussis pas à trouver un spot où installer ma tente. » L’idée germe de dormir à la belle étoile sous l’appentis de la station de ski. « J’attends, patiemment le départ du garde et des aficionados des aurores vespérales, pour gonfler mon matelas et dérouler le sac de couchage. » La voûte étoilée offre une occasion unique de faire des poses longues, d’autant que le volcan échappe des jets de laves. « De nuit, le spectacle est incroyable, j’ai hâte de regarder mes photos. »
Une passagère clandestine, ou presque
L’aube offre des premiers rayons dorés, ce qui éveille Flavien. Il range son campement improvisé, avant un petit déjeuner mérité. « Départ pour le sanctuaire de Cani, à un peu moins d’une heure de route du Volcan. Dans la descente, un garde du parc national nous arrête, on se demande ce qu’il nous veut. » Est-ce à cause de son bivouac ? « Une employée doit se rendre dans la vallée, il lui fait signe de monter dans la voiture. Un genre de stop imposé, étonnant », s’amuse Flavien en le racontant.
Cerise sur le gâteau, elle leur donnera pléthores d’informations sur les « randos » du coin.
Arrivés au sanctuaire, ils s’acquittent de 5 000 pesos, puis grimpent 1 000 m de dénivelé avant de toucher au « Graal » paysager. « La pente est très raide et poussiéreuse. La descente risque d’être longue, elle aussi », acte Flavien. Après avoir traversé des forêts centenaires de Nothofagus, où ils observent leurs premiers pics de Magellan, ils parviennent à la première lagune.
C’est à partir de cet endroit que les premières forêts d’Araucaria apparaissent. « J’en rêve depuis mes débuts en botanique. C’était la dernière chose que je voulais absolument observer avant mon départ du continent sud-américain », s’exclame l’aventurier. (Crédits : Flavien Saboureau)

Dans sa lancée, le duo continue de grimper, mais pour quel objectif ? Le mirador del Cañi situé à 1 550 m d’altitude. « Là-haut la vue est incroyable. Déjà pour y monter il faut traverser des forêts d’Araucaria monospécifiques dont certains d’entre eux sont sûrement millénaires », commente-t-il.
Que dis-je ! C’est un Pic… de Magellan
Puis au sommet le panorama sur le triptyque volcanique, avec le Lanin, le Quetrupillan et le Villarica, saupoudré de quelques Araucarias au premier plan, est à couper le souffle. Puis, Dame nature semble jouée avec l’émerveillement, presque enfantin du jeune homme. « Pour sublimer le tout, deux condors ponctuent le tableau. » Subjugués par le silencieux berceau des murmures du monde, Flavien et David restent tout un moment à contempler les crêtes dignes du jurassique.

Flavien continue d’être enchanté. « Durant la redescente on aperçoit de nombreux pics de Magellan. Celui-là même que je veux tant observer depuis le début du voyage. » Le retour à des hauteurs plus clémentes emprunte une boucle du sentier typique. Elle serpente entre lacs et désespoirs des singes.
L’araucaria du Chili, ou piñonero est surnommé le « désespoir des singes », la raison en est simple. Les singes, ainsi que les autres animaux, se heurtent à la grande difficulté de se nourrir de ses graines. Les piñones (pignons) de l’araucaria sont entourés d’une coque épaisse et dure, qui nécessite un outil puissant pour être cassée. Il en va de sa survie.
La raison est que les premières fructifications se produisent, en moyenne vers l’âge de Flavien. Elles sont abondantes à partir de la quarantaine. De plus les graines possèdent un pouvoir germinatif assez faible, de trois à quatre mois. Ils préservent ainsi toutes ses chances de perdurer. D’ailleurs, le ministère de l’environnement chilien explique dans un article de 2017 que son plus vieil araucaria a 1 021 ans.
« C’est dans ces lacs que je suis heureux de trouver un isoète, ces fameuses fougères aquatiques ancestrales. » Mieux que « Retour vers le futur », c’est un réel retour quelques millions d’années en arrière, précise Flavien. « L’une des plus belles randonnées que j’ai faites. » Deux heures entières à descendre les 1 200 m de dénivelé les séparant du parking où ils sont tout heureux de retrouver quelques victuailles.
(Crédits : Flavien Saboureau)
Ils taillent le ruban noir en direction la frontière argentine, avec deux petites pauses. La première pour acheter quelques empanadas, la seconde pour photographier quelques Mutisia qui grimpent dans les arbres de bord de route. À quelques kilomètres de la frontière, à 1200 m d’altitude, ils tombent sur un lac. C’est le lieu idéal pour passer la nuit. « Après la journée que l’on vient de vivre, on saute dans le lac qui, loin d’être chaud, est quand même agréable. Il fait presque nuit, il faut encore manger et monter la tente. Je trouve un spot parfait pour dormir, sous des Araucarias, avec vu sur le Lanin ! Une très belle journée qui se termine », conclut l’aventurier du bout du monde. À suivre…
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