
La naupathie canadienne (11/55)
À trois petits jours de Noël, Flavien s’offre une grasse matinée. Pas de réveil, pas de pression, alors, Morphée le garde jusqu’à 8 h 45. « Dormir ou déjeuner, il faut choisir », pourrait être un slogan. Cerise sur le gâteau, l’oreille interne s’est habituée, donc plus de signes du mal de mer. Ce qui lui permet de déambuler comme bon lui semble. D’autant que cette journée est entièrement consacrée à la navigation en pleine mer. La chance de l’aventurier est que l’Heritage Adventurer possède une bibliothèque. Il pose un regard sur les livres pour préparer sa visite de l’île de Macquarie, l’autre sur la vue imprenable du pont numéro 7.
« Aujourd’hui, je déambule dans le bateau », s’amuse le marin. Il apprécie, et pour cause : « Mon oreille est désormais habituée à cet incessant roulis, je peux profiter des jours de mer comme je les aime. » Quand il ne photographie pas les belles des prés à quatre pattes, il écoule son temps dans les livres. « Entre différentes lectures sur l’histoire des îles, les lions de mer de Nouvelle-Zélande, réalisés par les guides, je passe une grande partie de la journée à la bibliothèque au pont n° 7 », relate l’aventurier du bout du monde.
Préparation en bibliothèque pour l’île Macquarie
La vue sur l’immensité bleue est limitée. « L’ambiance est brumeuse, mais j’adore. » Toujours avoir un coup d’avance, murmure-t-il en cherchant de la documentation sur l’île Macquarie, où ils débarquent demain. « Je découvre un guide sur les insectes, c’est parfait. » Il souhaite trouver quelques diptères brachyptères pour compléter ma collection. Une collection de photos d’insectes aptères prises sur les autres îles subantarctiques (Paractora moseleyi, Tipula kuescheli, Brachypteragrotis patricei). « J’ai repéré quatre insectes, trois diptères et un hyménoptère, qui ont évolué dans les laisses de mer. »

« En dehors de ces objectifs, quelques plantes endémiques comme Azorella macquariensis ou Puccinellia macquariensis s’ajoutent. » Pour autant, Flavien n’est pas seul. « Ça s’annonce corsé, je n’aurai pas beaucoup de temps pour farfouiller dans algues et espérer trouver quelques imagos, tout ça au milieu des milliers de manchots qui risquent de m’accaparer », souffle-t-il.
En début d’après-midi, tous passent par la case biosécurité. « Je questionne les guides sur ces potentielles plantes et insectes endémiques… Hormis l’un d’entre eux, ils ne semblent connaître que les oiseaux, étonnant », souligne Flavien. Demain, ce sera donc au talent, se conditionne-t-il. « Quelle joie si je trouve l’un de ces organismes ! »
Se faire confiance
Il alterne entre la bibliothèque, le pont n° 5 à écouter les lectures, et l’air libre envoûtant de la pleine mer. « Les oiseaux n’étant pas très nombreux, je profite pour ne rien faire et admirer cet océan qui m’est désormais familier. C’est la quatrième année que je navigue à sa surface. » Avant de se questionner sur le futur.
« Parfois, je réfléchis au sens que je vais donner à ma vie après ce voyage… puis je me focalise sur l’instant présent, ne pouvant guère apporter de réponse à cette question pour le moment. »
Il est 22 h 38 à sa montre, quand Flavien observe être seul à la bibliothèque, avec un semblant d’horizon comme point de fuite. La mer est plutôt calme, compare-t-il aux jours précédents. Habitué à marcher dans la nature, la température extérieure tourne autour de 8/9 °C, ce qui est très plaisant. « Il fait très, trop chaud dans le bateau. » (Crédits : Puccinellia macquariensis/Flavien Saboureau)
Soixante-douze heures de navigation, Flavien tiraillé, se confesse à travers une tirade. « Dans un sens, être dans un bateau luxueux, où l’opulence est agréable quand j’imagine la suite de mon périple, qui devrait être plus “roots“. Mais dans un autre, ce n’est pas agréable de se sentir surmaterné. Je connais bien le bateau maintenant, ce qui me permet de m’extraire de cette frénésie humaine en trouvant quelques coins calmes. Instants précieux pour me rendre compte des incroyables latitudes et territoires dans lesquels je me trouve. Ces moments intemporels, même s’ils me remémorent d’incroyables souvenirs, resteront gravés eux aussi. » L’heure défile, il est arrivé l’heure de retrouver la chambre. « J’y suis moins, car le Canadien souffre de naupathie. Il n’arrête pas de vomir, l’odeur s’imprègne dans l’entièreté de la cabine. Demain, il faut y remédier, mais je ne sais pas comment nous allons faire », se questionne le dormeur. À suivre…
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