Pérégrinations

Au cœur de la cabine n° 303 (9/55)

Flavien est en route vers le confort ; bien que de passage, il reste somme toute agréable. Pendant une grosse semaine, les petits plats vont être mis dans les grands. Depuis la prise en charge à l’hôtel, Flavien profite. Profitant d’une bourse, il embarque à bord de la « Grande Dame de l’exploration polaire », l’Heritage Adventurer. Plus important qu’un terrain de football, il culmine à la hauteur d’un immeuble de six étages. Partir en croisière expédition, c’est partir à l’aventure et ne retrouver le « monde civilisé » que quelques jours plus tard ! En bref, vous disparaissez loin de tout…

« Ce matin, le réveil sonne vers 7 h 30. Les collègues ont déserté la chambre, mais comme nous avons jusqu’à 9 h pour déjeuner, il n’y a pas le feu au lac. » Le petit déjeuner avalé, Flavien récupère toutes ses affaires dans deux sacs. Le plus léger pour la journée, comme le voyage en bus ; l’autre, le sac à dos, part devant moi. Il sera dans la chambre 303 à son arrivée dans le bateau. À 10 h, le check-out de l’hôtel est réalisé. « Nous avons 1 h 30 de temps libre jusqu’au lunch. J’envoie quelques derniers messages avant ces dix jours coupés du monde. »

Une impression de déjà-vu

À 11 h, Sophia et Ela lui proposent de retourner, à la hâte, dans le centre-ville de Queenstown. Du lèche-vitrine réalisé à plusieurs milliers de kilomètres de la France. De retour à temps pour le déjeuner. « Le buffet est d’une incroyable diversité, ça me change de la dizaine de jours passés », se réjouit-il. Après une attente de près de deux heures, ils grimpent dans le bus vers 13 h 15. Direction Bluff, le port le plus au sud du pays. Un voyage de plus de trois heures avec une courte pause à Lumsden, village de 405 habitants.

Au port, le bateau attend patiemment. « Comme une impression de déjà-vu ! Il y a trois ans, quand le bus nous dépose au pied du Marion Dufresne, sur l’île de la Réunion », se remémore Flavien. Le bateau long de 124 mètres n’est pas très haut (18 m), ajoute-t-il. Pour les puristes, Heritage Adventurer possède un tirant d’eau de 4,97 m et peut atteindre la vitesse maximale de 15 nœuds (27 km/h), là où le porte-avions vogue jusqu’à 27 nœuds (50 km/h).

Avant d’emprunter la passerelle à bâbord, il faut montrer pattes blanches, ou plus simplement les passeports. Après les avoir laissés aux autorités néo-zélandaises, « nous prenons la direction de la chambre n° 303 qui nous a été attribuée, au pont numéro 3 ».

Je partage ma chambre avec Fergus et Gabriel, ceux avec qui j’étais déjà à l’hôtel. Par la suite, l’ensemble des personnes ayant embarqué a rendez-vous au pont n° 5 pour une présentation du chef d’expédition. (Crédits : Flavien Saboureau)

« Nous sommes dix jeunes ayant obtenu la bourse, se réjouit Flavien. Car les 110 autres passagers affichent une moyenne d’âge sûrement supérieure à 70 ans, d’ailleurs certains arrivent à peine à tenir debout avec le peu de houle actuelle. » Flavien se questionne sur la suite. « Comment ces personnes vont-elles descendre sur les îles qui sont physiquement très demandeuses ? »

À bord de la « Grande Dame de l’exploration polaire »

« Puis vient le premier repas à bord, très luxueux », remarque-t-il un peu gêné. Car Flavien ne se sent pas à sa place. Ce sentiment nécessite une explication. Ce bateau, construit en 1991, répond à la demande croissante de croisière de luxe « cinq étoiles ». Ce navire est pensé et réalisé en ce sens. La capacité initiale était de 184 passagers avec un équipage de 125 personnes. La voilure est désormais à 140 convives. Les espaces publics comprennent un restaurant, plusieurs salons, mais également un théâtre.

Le navire transporte d’ailleurs 14 bateaux gonflables de marque Zodiac pour transporter les passagers à terre. Les cabines se situent du pont 3 au 6, du moins onéreux au plus, impair à tribord, pair à bâbord. Toutes affichent une superficie de 22 m² ; seules les suites Heritage possèdent 44 m². La cabine de Flavien est donc située à tribord. Elle se compose de trois lits simples, dont un superposé qui se rabat contre le mur. Comme dans le film « Titanic », il peut regarder à travers deux hublots ce qui se passe en mer, près de la surface.

Le confort offre à ce prix un salon, un bureau, des rangements, une télévision, une salle de bains privée avec douche. « Je prends le petit lit, bien que mes pieds dépassent, je suis un peu excentré dans la chambre, parfait pour pouvoir étaler mes affaires », détaille Flavien. (Crédits : Hautes latitudes)

Les ponts 7 et 8 sont particulièrement propices à l’observation. Le dernier est totalement à l’air libre : rien de tel pour sentir sur sa peau les embruns et l’air iodé. Le système de coque et de propulsion du navire est renforcé pour la navigation dans les eaux recouvertes de glace.

Flavien, passager VIP

« Nous devons porter une carte accrochée à un tour de cou. Notre prénom est inscrit, mais aussi la mention VIP, ça me gêne, se désole Flavien. D’où est-ce que nous sommes plus importants que d’autres personnes, je n’aime pas ça… » L’explication tient en quelques mots. Flavien a obtenu la bourse pour accéder à ce voyage. Sinon, le prix par personne au sein du pont n° 3 en Main Deck Triple est de 10 050 €, jusqu’à 23 000 € en Heritage Suite.

Vite compris et assimilé. Flavien profite du moment tant attendu de liberté. « Nous montons sur le pont pour faire nos premières photographies d’oiseaux, puis admirer l’île Stewart où je dois aller au retour de cette croisière. » Le pétrel de Cook et le puffin fuligineux sont identifiés.

Quant à l’île, elle est énorme ! L’ambiance mystique qui y règne est incroyable. La majeure partie des observateurs se réfugie dans le bateau, quand brusquement le vent forcit. Sophia, la Néerlandaise installée en Nouvelle-Zélande, reste. « Nous discutons quelques instants, avant qu’elle n’abdique. »

« Me voilà seul à l’avant du bateau, quel pied ! Le coucher de soleil s’annonce incroyable. Je reste là, à contempler l’océan austral que je retrouve, j’ai tellement l’impression qu’il m’est familier », se confie-t-il. (Crédits : Kyle Roxas/Pexels)

Le soleil se couche sur des teintes rosées, je n’arrive pas à retourner en cabine malgré un vent à décorner un bœuf, raconte-t-il. Vingt-deux heures sonnent, les lueurs s’estompent, la nuit s’installe. « Il est temps de retrouver ma cabine. » Ses deux compagnons de cabine dorment déjà. « Demain, nous arrivons vers 5 h 30 aux îles Snares. Je ne pouvais pas rater l’incroyable moment que je viens de passer, tant pis pour mon sommeil. » À suivre…

Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

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