
Hana et Naoya, ou la bougie dans le vent
La bougie est souvent liée à l’imaginaire collectif. En Orient, comme en Occident, elle se réfère à de nombreuses croyances. Elle est symbole de spiritualité dans de nombreuses cultures. Elle représente souvent la vie ou l’âme humaine une fois allumée. Plongée dans un livre, Capucine est absorbée par les lignes qui défilent sous ses yeux amoureux. La jeune femme, en week-end à Berd’huis, est installée dans la bibliothèque de ses grands-parents, lové dans son crapaud. Elle rêve depuis longtemps à travers la plume des auteurs et autrices.
Capucine est assise, enfin installée dans le crapaud rouge carmin. Les jambes pointent vers le haut, la tête est légèrement dans le vide. Elle porte son pilou-pilou gris souris, celui avec les oreilles de chat. Délicatement posée sur le vieux tabouret de bois, une tisane fumante, et sa bougie, fleur de cerisier. Elle embaume le salon. Dans ses mains, un livre. Celui de la légende japonaise : Hana et Naoya. « Elle adopte des positions pour lire qui me surprennent toujours. Je ne sais pas comment elle fait », souffle Sépa. « Oui. Cette fois, c’est véritablement original », répond Séki.
À travers la flamme d’une bougie
Il était une fois, au sein du hameau paisible Shirakawa-go, bordé par les montagnes et baigné par les brumes légendaires du matin, un conte que l’on murmurait au coin du feu, au cours de l’hiver. Il faut dire que, durant cette saison, le paysage se couvre d’un blanc manteau épais et cotonneux. Désormais réputé pour ses maisons traditionnelles, au toit de chaume, appelées gasshō-zukuri, et inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Comme partout au Japon, contes et légendes y naissent.

C’est l’histoire de deux âmes sœurs, liées par un amour profond et vulnérable, comme la lumière vacillante d’une bougie dans la brise printanière. Au sein des alpes japonaises, le temps qui dure est rude. Une vie de labeur, où les différences de rangs sociaux sont marqués. Mais revenons quelques temps en arrière.
Elle porte le prénom d’Hana, une jeune femme à la beauté douce et à l’esprit libre. Ses cheveux soyeux et son teint impeccable attirent tous les regards. Lui, Naoya, était un artiste dont les toiles captent d’ores et déjà l’essence même de la nature : la fragilité des fleurs, la danse des feuilles sous le vent, la perfection des fleurs de cerisier. Leurs regards se croisent un soir d’automne, alors qu’une fête est donnée pour célébrer la récolte du riz.
(Crédits : Petra/Pixabay)
Ce soir-là, le vent souffle fort, et les bougies, dispersées çà et là, luttent pour leur survie. Hana et Naoya, au détour d’un regard, se virent dans la lueur tremblotante. Leurs mains se frôlent, un instant, une étincelle illumine le ciel étoilé. Mais leur amour est comme la bougie, aussi fragile que le vent lui-même. « La vie est une bougie dans le vent », chuchotait le vieux sage ayant capté cet instant bref et subtil. Hana et Naoya le comprirent.
Le fragile destin
Leur amour naît dans la douce lumière d’une bougie, mais tout autour d’eux, le vent souffle, menaçant d’éteindre ce fragile éclat. Ils ne sont pas du même rang social. Comme la flamme danse, leur relation est fragile. Ils se retrouvent la nuit, sous le ciel auréolé d’étoiles, et leur innocence est à l’image de leurs conversations, pleines de promesses que l’aube efface. Leurs échanges, tel le crépitement de la cire fondue, sont vivants et audacieux. Hana rêvait de voyager au-delà des montagnes, et Naoya voulait peindre l’immensité de la mer, telle La Grande Vague de Kanagawa.
Mais un souffle plus prégnant amène avec brutalité le retour à la réalité de leurs rangs. Aucun des deux ne peut fuir cette réalité. Le vent incessant produit par leurs familles ignore l’amour naissant, qui hante et brouille leurs rêves.
Ce vent, ce souffle inconstant, semble incarner la fatalité de leurs simples existences. Comme un amour d’adolescents, un soir d’été. Les jours passent. Les nuits s’éternisent. Chaque rencontre entre Hana et Naoya semble être la dernière. La bougie, leur bougie, toujours allumée, brûle la cire de leur amour, l’use, laissant place à l’ombre de leurs familles. Malgré tout, chaque instant, chaque battement d’ailes, chaque bruissement de feuille, chaque seconde de ce temps passé ensemble semblait précieux. Brûlant et plus vivant que tout ce qu’ils avaient vécu auparavant. (Crédits : Đức Thắng Hồ/Pexels)

Un jour, une tempête violente s’abat sur le village. Le vent souffle si fort que toutes les bougies s’éteignent. Les flammes vacillèrent un dernier instant, et puis… Hana et Naoya se retrouvent dans le noir, séparés par la distance, par la vie, par le destin cruel de la lourdeur des protocoles. Si vous voyez des ombres perdues, tels des souvenirs effacés par la bourrasque de vent sur le sable, faisant bruisser les feuilles des arbres, chanter les oiseaux, asseoir le silence assourdissant d’un coucher de soleil, alors vous aurez eu la chance d’apercevoir Hana et Naoya. La flamme qu’ils avaient allumée possède l’éclat fragile qu’aucun vent, ni tempête ne pourrait vraiment éteindre. Quelle histoire souhaitez-vous vivre en allumant cette bougie posée sur votre table ?