Pérégrinations

À la découverte de Shanghai (2/55)

Le vol de Flavien, à destination de Shanghai, est en approche finale. Le tarmac est en vue. Les onze heures de trajet laissent tout le loisir de se mettre à l’aise. « Avant d’atterrir, je me rends compte, en voulant me rechausser, que mes pieds ont gonflé. » Puis, le moment est venu, sans mauvais jeu de mots, de poser le pied sur le continent asiatique pour la toute première fois. Sauf qu’il n’est pas accordé à tout un chacun de rentrer en République Populaire de Chine (RPC). La durée de l’escale donne la possibilité de visiter la cité, une partie d’un monde.

À l’instar de Mehran Karimi Nasseri, dit Sir Alfred Mehran — qui vécut dans le terminal 1 puis 2 de l’aéroport de Roissy — une autorisation est nécessaire pour sortir. La vie de cet iranien inspira le film « Le Terminal » avec comme rôle principal Tom Hanks. « À la douane je remplis un formulaire pour pouvoir sortir sans visa dans la ville. » Il juste 7 h 30 quand Flavien aperçoit la mégapole encore endormie, enveloppée par le brouillard. « J’ai 17 h d’escale avant mon prochain vol, allons visiter Shanghai », claque-t-il.

Autorisé à entrer en Chine

« Avant de sortir de l’aéroport, je m’assure que ma valise n’a pas été descendue. Et qu’elle sera bien dans le prochain vol, en espérant qu’elle ne soit pas restée à Paris», se réconforte l’aventurier. Le marcheur invétéré décide, pour une fois, de prendre les transports en commun pour se rendre au cœur de la ville. La distance abonde son choix.

« Désormais, je dois réussir à acheter un billet de métro pour rallier le centre-ville, à 30 km de là, s’encourage Flavien. C’est dire la taille de cette mégalopole. ». Sans maîtrise du langage, les échanges verbaux sont difficiles, découvre immédiatement Flavien. En effet, le nombre d’idéogrammes utilisés est compris entre 40 000 et 60 000. L’alphabet chinois phonétique est le pinyin. En toute logique, la langue chinoise ne peut être comparée au français et à notre alphabet latin.

« Je veux prendre le Maglev, le train le plus rapide au monde… mais le prix m’en dissuade. » Mais avant toute chose, il faut retirer de l’argent. Mais en RPC, toutes les cartes bancaires ne fonctionnent pas. Les distributeurs de billets de métro ne prennent pas sa carte.

Flavien en observation

Flavien recherche d’un bureau de change, pour échanger une partie des 50 € retirés hier. « En échange de 10 €, on me donne 37 yuans. J’ai la nette impression de me faire avoir. Mais ne parlant pas chinois, je ne suis pas en position de force. » Bien entendu, dès la sortie des terminaux les traductions sont quasi inexistantes. « Sans le Wi-Fi, auquel j’essaye de me connecter depuis de très longues minutes, impossible de déchiffrer cette langue qui m’est complètement étrangère. »

Flavien rusé, laisse passer les locaux et observe. Sa patience et technique semble être la bonne méthode « car quelques minutes plus tard je repars avec mon ticket de métro ». Dans cette première sortie, c’est la totale improvisation. « Je n’ai pas préparé cette escale. » (Crédits : De gauche à droite, Shanghai world financial center, Jin Mao tower et la tour Shanghai/Flavien Saboureau)

Un petit truc en plus le laisse pantois. « Avant d’entrer dans le métro, je passe mon petit sac de voyage dans un scanner à rayon X. C’est la première fois que je vois ça pour prendre le métro. C’est rassurant », se réjouit-il. Le voici dans une des rames de la ligne 2, en direction des gratte-ciels du centre-ville. « Il faut déchiffrer le nom des arrêts. Quarante-cinq minutes plus tard me voilà au pied de certains des plus hauts gratte-ciels du monde, la démesure… », s’émerveille le baroudeur.

L’impressionnante tranquillité de la mégapole

Les préjugés ont la vie dure. Combien de fois nos certitudes nous jouent des tours ! Nous nous perdons dans des envolées lyriques, des pensées gargantuesques et dans des suppositions inutiles sans avoir effectué le moindre pas dans un lieu. La ville de Shanghai compte plus de deux fois et demie la population de la municipalité de Paris avec 10, 94 millions. La perle de l’Orient affiche, quant à elle 29, 87 millions d’habitants.

« La ville est calme, la circulation est faible, les quelques voitures ne klaxonnent pas… ce serait presque agréable de se promener au milieu du béton », s’étonne Flavien. L’effervescence que ressent l’aventurier est en contradiction complète avec la quiétude vécue. Il faut rappeler qu’il redoute les grandes villes. « Je pensais pouvoir traverser le fleuve — dont j’ignore toujours le nom — qui traverse la ville, via un pont, mais ce dernier semble absent. » Ce fameux cours d’eau est « Le Huangpu ». Cela veut littéralement dire le « fleuve de la rive jaune ».

La pluie s’invite

Tel un habitué, Flavien achète un nouveau billet de métro pour 3 yuans afin de traverser le fleuve en souterrain. Il arrive à Nanjing road. Elle est l’une des principales rues marchandes du centre historique. Sa réputation est connue partout en Chine.

« Tout est démesuré, la taille des immeubles, les écrans géants et j’en passe. Je prends la direction du Bund, cette promenade qui longe le fleuve et qui permet de réaliser la photo carte postale de Shanghai avec son gratte-ciel le plus emblématique, la Perle de l’Orient. »

La météo n’est pas de cet avis. La pluie fine modifie l’ambiance, les têtes des gratte-ciels se retrouvent dans les nuages. « Des dizaines, voire des centaines, de bateaux et barges asiatiques croisent sur le fleuve. Les coups d’accélérateur et les kilos de CO2 relâchés par ces monstres finissent de parfaire l’image que je m’étais faite de cette Chine démesurée. »

La pluie s’intensifie, la température baisse, Flavien avait par intuition anticipé. Chaudement vêtu, il marche en direction de People Square, le cœur de la ville.

(Crédits : Edward Eyer/Pexels)

L’ambiance y est bien différente. Il y a plus de petits magasins avec les rabatteurs qui vous accostent, mais aussi des voitures de luxe et des bâtiments aux devantures très soignées. « Je suis proche de la mairie, du théâtre et de nombreux musées. Je ne traîne pas, car la pluie devient plus forte et présente. Fatigué, et n’ayant pas dormi depuis bientôt 24 h, je décide de reprendre le métro en direction de l’aéroport, non pas content d’avoir tout de même pu voir un aperçu de cette culture. »

Une gourmandise avant de partir

Flavien ne serait pas Flavien sans une gourmandise à déguster. Il ne peut décemment partir de cette petite incursion en Chine, sans croquer une spécialité locale, à défaut de manger une glace. Juste avant de reprendre le métro, « j’hésite longuement avec un produit “frais”. Pour ne pas me retrouver avec la tourista, je dépense mes 10 derniers yuans dans une viennoiserie apéritive », assure-t-il.

Voiture, luxe, Shanghai

Il est près de 15 h, quand il réapparaît à l’aéroport Shanghai Pudong. « Quelques heures à tuer avant mon vol prévu à 0 h 10. » Il parcourt, en long, en large et en travers le terminal. « Je trouve enfin des sièges sans accoudoir pour pouvoir m’allonger, quel bonheur ! »

À 20 h pile, sa tocante l’alerte : l’enregistrement ouvre. « Je me rends au comptoir, sans bagage et sans me couper, s’amuse-t-il en repensant à son malaise vagal… pour récupérer mon billet. Je questionne le personnel concernant mon bagage. Ils ne semblent pas en savoir plus que moi, ce qui ne me rassure pas. »

Le passage par la sécurité est sans encombre. Flavien prend un train interne à l’aéroport pour rejoindre sa porte d’embarquement : la G122. « Je profite de ce temps mort pour accrocher la Wi-Fi que je ne réussis pas à avoir depuis ce matin. »

(Crédits : Flavien Saboureau)

Comme par magie, celle-ci fonctionne l’espace de trente minutes, mais uniquement pour WhatsApp, tout ce qui est relié de près ou de loin à Google semble être géré par l’état chinois, pense-t-il tout bas… « Je donne des nouvelles à la famille, réponds à quelques messages. Deux heures plus tard, la porte ouvre et j’embarque sans encombre dans l’avion où il fait bien meilleur que dans le terminal où je commençais à bien me cailler », grelotte-t-il. À suivre…

Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

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