
Une course contre la montre… (26/55)
Après une journée à conduire d’est en ouest, Flavien aspire à une nuit réparatrice. Jusqu’ici tout va bien… C’est sans compter cette nouvelle expérience nocturne, dont il se serait bien passé. Durant la nuit, petit à petit son matelas se dégonfle, se dégonfle… pour ne devenir qu’une fine couche de tissu. Un mal de dos, un lumbago, une lombalgie… bref. Puis, l’aventurier, pour éviter les tracas d’horaires, prend toujours une marge supplémentaire de temps à chaque rendez-vous. Ce qui est efficace quand vous êtes seul…
« Ce matin, je ne me réveille pas sous les meilleurs auspices », grommelle Flavien en se tenant le dos telle une personne âgée. La moue des mauvais jours, barbu, ronchon… ce n’est pas un ours qui sort de son hibernation, non ! C’est juste son matelas qui s’est percé, et produit une douleur sourde et pénétrante : le fameux et célèbre « tour de reins ». La même douleur ressentie lorsque vous avez cinq à six lattes de cassées durant la nuit. « Aussi étonnant que cela puisse paraître, c’est la première fois que cela m’arrive en bivouac sauvage », relativise-t-il.
Sur terre comme en mer, au cœur du Milford Sound
Faute de temps, il recherchera l’origine de ce dégonflage ultérieurement. L’heure est au départ vers Milford Sound à 45 minutes de là, enfin plus ou moins le quart d’heure poitevin. Fixé la veille au soir, l’embarquement dans la voiture est prévu à huit heures avec auto-stoppeur de nationalité allemande. « Je me gare près de son hamac… mais il n’est pas prêt. » C’est donc après dix petites minutes que le duo décolle. « Mon GPS hors ligne m’indique une arrivée dans quarante-cinq minutes au Milford Sound », se réjouit Flavien. Le bateau lève l’ancre à 9 h 30, il est nécessaire d’y être un quart d’heure avant, murmure le naturaliste.

En réalité, le trajet durera bien plus des trois quarts d’heure prévus. La route est magnifique, longue d’une centaine de kilomètres, « c’est sûrement la plus longue des impasses que j’ai empruntées ». Comme prévu — le temps perdu ne se rattrape pas —, nous arrivons vers 9 h 15, angoisse-t-il. « Je suis stressé, avoue-t-il. Il reste encore dix minutes de marche pour rejoindre le terminal. »
Pressée par le temps, la recherche de place gratuite (Deepwater Basin Parking) s’écourte. Ce petit parking est situé à 1,6 km de l’embarcadère. « Je paye 20 NZD pour deux heures, une machine à fric… », peste l’aventurier. Dans la précipitation, le duo franco-allemand se sépare en quatrième vitesse. Le terminal ultra touristique ressemble à un aéroport, au milieu de nulle part c’est assez ahurissant, remarque tout de même Flavien. (Crédits : Flavien Saboureau)
« Tout le monde m’avait dit de faire ce tour en bateau malgré les 120 NZD qu’il coûte (60 €). » La croisière est un espace-temps de deux heures dans l’un des plus grands fjords au monde. Le bateau navigue des chutes de Bowen à celles de Striling, avec la vue sur les sommets Kimberly, Pembroke et Peak. « Je ne peux pas dire que je suis déçu… Mais je m’attendais à plus de découvertes », souffle Flavien, contrarié.
Entre croisière décevante et randonnée grandiose, l’aventure continue
De retour à quai, « je m’empresse de déplacer ma voiture vers un parking gratuit, pour éviter l’amende ». Bien entendu, grogne-t-il dans sa moustache, il est bien plus loin… Je dois marcher 15 minutes pour acheter de quoi à manger à l’unique café du Milford. « Je prends un hot-dog, le premier depuis des années… » Rien à voir avec son cousin chilien le Completo mangé à Santiago, juste avant son retour en France, il y a plus d’un an.
En début d’après-midi, le baroudeur rejoint le départ d’une rando qui s’annonce grandiose avec cette météo. Pour un pays où il pleut régulièrement, le soleil est au beau fixe.
« Je prends la direction de Gertrude Saddle, un col entre 1400 et 1500 mètres d’altitude, réputé pour la botanique. » La randonnée est aussi courte qu’elle affiche son dénivelé positif. Affichant 8,6 km aller et retour, elle débute à 785 m pour culminer à 1441 m. « Ça grimpe dur », confirme-t-il.
Avec la pluviométrie habituelle, les roches sont érodées, ce qui en fait un paysage étonnant, confit entre deux respirations, le naturaliste. « Pour autant, le rocher accroche bien et je monte vite… Enfin, quand je ne m’arrête pas pour photographier les beaux Aciphylla qui jalonnent la rando », sourit enfin Flavien.
« Arrivé au col, la vue sur le Milford Sound, 1500m plus bas, est époustouflante. J’ai rarement vu des paysages aussi grandioses. » D’autant que de belles espèces telles que Raoulia buchananii (ci-contre), ou Myosotis pulvinaris complètent le tableau. « Je monte un peu plus à la recherche d’autres espèces. » De retour dans la vallée, Flavien affiche une mine réjouie. « Malgré l’effort physique, j’ai préféré cette randonnée à la croisière du matin. »
Après le bateau, la marche, place à la voiture. « Je conduis en direction de Te Anau, la plus grande ville du Fjordland peuplée de 2000 âmes. J’espère pouvoir commander une pizza. Je n’ai plus rien à me mettre sous la dent. » Il est vingt heures passées quand il arrive à bon port. Et il y a encore de l’agitation, c’est étonnant, s’amuse-t-il. (Crédits : Flavien Saboureau)

La pizza engloutie, c’est encore une heure trente minutes de voiture au crépuscule. Le but affiché : rejoindre une zone de camping non loin de Blackmount, encore plus au sud. « Demain, je conduis la voiture au Bordland Saddle, à 950 m d’altitude, pour une rando très loin des habituels sentiers touristiques. » C’est encore une journée bien chargée qui se clôture. Une nuit plus reposante, espérons, sur le siège passager, car « je n’ai pas eu le temps de regarder à mon matelas ». À suivre…
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