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Un dernier verre avant le départ d’Ushuaïa (épis. 14)

Un mois de découvertes, de voyages, de photographies. Ce 21 décembre 2023, Flavien sort de sa torpeur. Il est 10 h lorsqu’il arrive à ranger l’intégralité de son sac. La beauté des paysages et l’ambiance ralentissent sa progression, il s’est attaché à Ushuaïa. Vu le reportage de TF1 hier soir (8 avril 2024), tout un chacun comprendra. Mais le réveil va être torride, il faut traverser la rivière glacée. Un plaisir qu’apprécie particulièrement l’aventurier.

C’est donc le sac sur le dos, chargé comme un mulet, chaussé de tongs que Flavien part jusqu’à la berge. Une surprise l’attend de l’autre côté. Caché par un bosquet, il observe une tente sur l’autre rive. « Je n’étais alors pas seul à dormir dans le coin cette nuit, quel étonnement. » C’est une Anglaise qui se réveille juste. Elle est arrivée hier soir. Elle ne prend pas le risque de traverser le cours d’eau, il est déjà tard.

Une bière entre Français au « Dublin »

La température est basse ce matin, alors la neige n’a pas fondu cette nuit. L’avantage est que le cours d’eau est moins haut et moins puissant. Flavien passe aisément. Une fois ses pieds séchés et chaussés, « je prends la direction du Lago Superior ». Quelques centaines de mètres le séparent du sommet. Arrivé, il rebrousse chemin, et attaque la descente dans une nouvelle vallée. Il s’étonne de croiser autant de personnes. Tous marchent en direction du tunnel de glace. La seule question : « ¿ Cuánta nieve queda en el paso ? »

Dans la forêt de lengas, Flavien enjambe de nombreuses rivières et ruisseaux. Des passerelles de fortune sont aménagées. Il s’offre le luxe d’observer son premier ouvrage de castor.

« Ces animaux introduits ici pour leur fourrure au siècle dernier font des ravages. Ils déciment des hectares de forêts pour créer leurs barrages qui inondent des vallées entières, impressionnant. »

Sur des kilomètres, l’aventurier traverse les massifs forestiers sans grosses surprises. Sur la fin du chemin de rando, il longe de magnifiques tourbières à sphaignes.

« Leur planéité et leur couleur d’un rouge éclatant m’ont longtemps fait rêver depuis la métropole. J’espère y voir Lepidothamnus fonkii, le plus austral des conifères. »

(Crédits : La turbera/Flavien Saboureau)

Bredouille est-il ? Oui, mais il est tout aussi content de trouver Tetroncium magellanicum, une plante emblématique de ces milieux. Remis en marche, « je croise Pierre, le français du Mans avec qui j’avais partagé ma chambre de l’auberge de jeunesse à Rio Gallegos. » Les deux voyageurs discutent durant une quinzaine de minutes, puis Pierre se rend bivouaquer où Flavien était hier soir.

Une promesse avant de partir

« On se salue en se promettant d’aller boire une bière avant notre départ d’Ushuaïa. » Après ses retrouvailles, la monotonie s’installe. Il doit rallier le centre-ville d’Ushuaïa, par la route. Huit kilomètres d’un ennui peu croyable. Le pas qui résonne sur la route lui rappelle une douleur apparue au pied gauche, il y a quelques heures.

Elle est semblable à celle eu sur le GR20 lorsque ses chaussures étaient trempées. « La peau fripée se coude en quelques sortes. Je n’ai pas dû les laisser assez longtemps près du feu hier soir », se lamente Flavien.

Avant de laisser place à l’asphalte, la route était faite de gravillons calcaires. Ces derniers partent en poussière dès qu’un véhicule passe. « Je vois alors passer une citerne d’eau qui arrose la route pour éviter aux maisons adjacentes de finir sous des centimètres de poussières, bien que ce soit déjà plus ou moins le cas… », s’étonne-t-il.

La cène est inimaginable en France. La ressource en eau n’est pas un problème quand on voit le nombre de torrents issus de glaciers autour de la ville, observe-t-il.

(Crédits : Bruant chingolo [Zonotrichia capensis]/Flavien Saboureau)

Un repos en vue attend le baroudeur. « Je prends une nuit dans la même auberge, mais le prix est passé de 18 000 à 22 000 pesos en 2 jours. » De 19 à 22 € est pour la peine, il a un dortoir de six lits pour lui tout seul cette nuit là. Après avoir identifié quelques plantes qui me posent problème, direction la cuisine. C’est l’occasion de rencontrer à nouveau une Française qui vient d’arriver à l’auberge. « Aujourd’hui ça fait un mois que je suis parti de la maison… »

Une journée de repos entre deux treks

C’est la journée de repos entre les deux treks Ushuaiens. « Ça tombe bien, il pleut », se réjouit-il. Annoncé, Flavien s’organise en conséquence. La matinée il séjourne dans l’auberge. Il répond à des messages, des mails et effectue des recherches sur ses prochaines destinations. L’après-midi est réservée pour les courses. « Je passe un peu de temps sur les monuments en l’honneur de la guerre des Malouines, c’est la première fois qu’une guerre me passionne… »

Dans la soirée j’envoie un SMS aux Français croisés jusqu’ici à Ushuaïa pour leur proposer de boire un verre dans un bar. Finalement nous serons sept Français, au bout du Monde… autour d’une table au Dublin. « Le bar branché de la ville ».

L’occasion de goûter à quelques bières comme la Cap Horn après avoir goûté à la Patatonia à Rio Gallegos. Aujourd’hui 22 décembre 2023, c’est le départ pour le plus gros trek de mon séjour à Ushuaïa. Au programme 50 km dans la Sierra Valdivieso.

Sur le web, cette randonnée est annoncée difficile, très humide et sans vraiment de balisage. Elle est donnée pour trois à quatre jours, mais je prends pour 4 jours de nourriture avec moi.

(Crédits : Contreforts de la cordillère de Darwin./Flavien Saboureau)

Pour s’y rendre, il réserve un bus qui se rend à la Laguna Esmeralda. C’est l’un des sites les plus touristiques d’Ushuaïa. Le départ de la randonnée n’est pas bien loin de là. J’en profiterais pour faire le touriste quelques heures même si la foule ne m’envoûte pas. Il ne le sait pas encore, il va faire une rencontre hors du commun. À suivre…

Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

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