Soixante-dix ans d’existence pour la… TVA
Un anniversaire bien calme pour celle qui s’attache à tous. Riche et pauvre, célibataire comme mariée, femme et homme, tous égaux. « Salut ! TVA bien ! » chantaient Les Inconnus. C’est le seul impôt que chaque citoyen sur le territoire français paye. La taxe sur la valeur ajoutée est partout. Elle affiche ses taux en France et en Europe. Elle diffère selon l’endroit, selon le produit. Elle rapporte gros, deux cent deux milliards en 2023, soit sept milliards de plus qu’en 2022.
Une rumeur indique que le « Made in France » ne s’exporte pas. Il existe des choses inventées en France et adoptées partout sur terre ou presque. La taxe sur la valeur ajoutée est imaginée en France. Le premier impôt en France reste l’objet de débats agités sur son caractère inégalitaire. Maurice Lauré est prisonnier en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale. « Revenu de captivité, il devient numéro deux de la Direction des impôts et écrit en 1952 son livre fondateur : La Taxe sur valeur ajoutée », racontait Denys Brunel, l’un de ses anciens collaborateurs au journal La Croix. La TVA voit le jour le 10 avril 1954.
D’inspecteur des finances à banquier
Elle représente plus d’un tiers des recettes fiscales. Elle oscille entre 2,1 et 20 %. Maurice Lauré, polytechnicien devenu inspecteur des finances est le « papa » de la TVA. Son constat dans les années 50 est que de plus en plus d’activités économiques donnent lieu à des échanges, et son livre. « Il faut généraliser l’impôt sur le chiffre d’affaires et sur les salaires », explique Jean-Marc Daniel dans les lignes de Le Point. Maurice Lauré sera aussi directeur de la Société Générale.
L’histoire de France sert toujours. En 1639 Louis XIII est en guerre. Il veut récolter d’avantage de revenus. Les producteurs normands de sel apprennent qu’ils vont payer la gabelle. C’est la révolte des « va nu-pieds ».
Cette envie travers les étages de la gouvernance française. Mais le polytechnicien change son fusil d’épaule. Il décide d’un trait de génie de taxer la valeur ajoutée produite par une entreprise.
C’est l’apothéose financière. Elle représente 37,5 % quand les impôts sur le revenu sont à 24,1 %, et 18,4 % pour les sociétés. Mais l’accouchement s’effectue dans la douleur, car la contestation existe.
Pierre Poujade donne son nom au mouvement qui défend artisans et commerçants : « Les Poujadistes ». (Crédits : Marek/Pixabay)
Une nouvelle mise en œuvre d’impôt touchait 1 000 000 de commerçants, 700 000 artisans et un million et demi d’agriculteurs qui ne payent rien à l’époque. La France compte en 1954, 42,88 millions d’individus. Le ministre de l’Économie et des Finances qui porte ce projet deviendra Président de la République deux décennies plus tard : Valéry Giscard d’Estaing.
Un taux équivalent en Europe
Un tel engouement est à noter. Chaque pays comprend la manne financière engendrée et adopte la TVA. Elle oscille entre 17 % au Luxembourg pour atteindre 27 % en Hongrie. Les taux réduits sont sensiblement égaux, hormis la Hongrie qui affiche 18 %.
Ce qui est intéressant est que les jeux de cartes comme la pornographie se trouvent taxés à 33 % jusqu’en 1992. 20 ans plus tard, François Hollande assure ne pas être opposé à la création d’une TVA à 33 % sur les produits de luxe.
Le taux dit majoré atteint 33 % entre 1970 et 1992, il concerne les produits dits « immoraux ». La réglementation européenne fixe par directive la possibilité d’avoir trois taux différents par État membre de l’Union européenne (UE).
Mais les gouvernements trouvent une parade à cette disparition, les droits d’accises. Ces taxes indirectes sont accouchées en 1993, à l’ouverture du marché unique. Un taux minimum est décidé, l’État peut choisir de rester à ce taux, ou d’augmenter ses recettes fiscales (Crédits : Alexa_Fotos/Pixabay).
Je vous le donne en mille, il existe trois types de marchandises ou les États membres de l’UE : l’alcool, le tabac et l’énergie. Dans la législation s’ajoutent une définition des catégories de produits couverts et les modalités d’application de la taxe. Puis les taux minimaux à appliquer consultables. Une possibilité d’interaction avec le champ d’application des éventuelles exonérations. Enfin les règles générales concernant la production, le stockage et la circulation de ces produits dans l’UE.
Le « retour » de la TVA sociale
L’actuel ministre des Finances Bruno Le Maire est l’un des partisans de ladite TVA sociale. Le Point relate que l’homme d’État défens ce projet dans son libre « La Voie française » (éditions Flammarion, 2024). Elle pourrait permettre de diminuer les cotisations sociales et patronales en augmentant (en contrepartie) le taux de la TVA. « Est-ce normal que celui qui travaille paye systématiquement pour tout et pour tout le monde ? Je l’affirme : nous ne pouvons plus continuer à financer notre protection sociale uniquement sur ceux qui travaillent », répond Bruno Le Maire à une interview de Sud-Ouest.
Aux prémices des années 70, les gouvernants français songent à varier le taux de TVA pour remédier à une crise des finances publiques. La dévaluation de la monnaie semble inéluctable. Le général de Gaulle s’y oppose sous le conseil de Raymond Barre. La TVA sociale est née. Elle se substitue à la dévaluation de la monnaie qui aura cours en 1969 quand même.
Les années 90 voient l’apparition de deux nouvelles taxes. La contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) impactent les revenus. La première s’applique dès 1991, elle rapporte plus de 100 milliards chaque année. La CRDS créée par l’ordonnance du 24 janvier 1996 devait s’éteindre 13 ans et un mois plus tard.
(Crédits : Alexa_Fotos/Pixabay)
L’impact est moindre quand « c’est pour votre bien et votre sécurité ». Existe-t-il un parallèle entre la CSG, CRDS et la vidéosurveillance algorithmique prônée en Auvergne-Rhône-Alpes sous couvert de Jeux olympiques. C’est ce que dénonce la quadrature du net sur la surveillance biométrique, comme dénonçait Pierre Poujade avec la « Gestapo Fiscale ». Une fois les mesures installées, il n’existe pas de retour en arrière, l’histoire le démontre.