Société

Fraude à l’élection présidentielle française

Quel serait votre état d’esprit, si au lendemain de la proclamation de la personne élue au poste de président de la République française, celle-ci était entachée d’une fraude avérée ? Qui plus est lorsqu’elle est fortement suspectée en fonction du ressenti de chaque électeur. Oui, l’être humain fonctionne à l’émotion plus qu’à l’information. Existe-t-il un précédent ? Est-ce possible en France ? Puisque toute rumeur distillée par « radio moquette » est susceptible de voir le jour, quelles sont les conduites à tenir ? Que disposent les lois du Code électoral en ce sens ?

La fraude dite électorale désigne toutes irrégularités pouvant se dérouler pendant un scrutin. Elle peut concerner les opérations électorales elles-mêmes, des manœuvres constatées pendant la durée de la campagne, et même après les résultats officiels. Alors que plus de 30 % des collectivités locales ont subi une infection par codes malveillants de type ransomware, que risque l’élection présidentielle française ? En ce qui concerne les machines à voter, 63 communes françaises de plus de 3 500 habitants en sont équipées, représentant 1,3 million d’électeurs. « Un seul modèle de machine à voter est utilisé en France, le modèle ESF1 de la société néerlandaise NEDAP commercialisé par la société France Élections qui n’a aucun lien avec la société Dominion », affirment les services du ministre de l’intérieur Gérald Darmanin. Pour autant trois arrêtés, selon les sources dudit ministère de l’intérieur semblent indiquer le contraire :

L’article L118-3 dispose trois cas où l’élu de la République peut être destitué, comme le fut Al Capone pour fraude fiscale. « Lorsqu’il relève une volonté de fraude ou un manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le juge de l’élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques », alors peut être déclaré inéligible :

  • Le candidat qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l’article L. 52-12
  • Le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales
  • Le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit

L’inéligibilité est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s’applique à tous les scrutins. Toutes sauf sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision. « Si le juge de l’élection a prononcé l’inéligibilité d’un candidat ou des membres d’un binôme proclamé élu, il annule son élection ou, si l’élection n’a pas été contestée, déclare le candidat ou les membres du binôme démissionnaires d’office. » Le Conseil constitutionnel est saisi, pour les présidentielles, par les préfets, par les candidats ou par lui-même, notamment après une réclamation des électeurs portée sur le procès-verbal de dépouillement établi à l’issue du décompte des voix dans chaque bureau de vote.

Le scandale Cambrige Analytica

Facebook avait estimé à environ 87 millions le nombre de ses utilisateurs « piégés » au Royaume-Uni pour favoriser le Brexit, mais aussi aux États-Unis afin de faciliter l’accession de Donald Trump à la Maison-Blanche en 2016. « De nouveaux documents révèlent que la Malaisie, le Kenya, le Brésil et plus de 60 autres pays pourraient être également concernés par les manipulations de l’entreprise britannique », écrivait La Croix. Cambridge Analytica est une société spécialisée dans l’analyse comportementale. L’objectif est de récolter des informations sur les individus pour connaître leurs biais d’influence. La firme met ses bases de données au service de ceux qui veulent optimiser l’efficacité de campagnes de communication.

Ce n’est pas illégal, amoral selon vos convictions, mais pas illégal. Cette méthode permet numériquement de faire apparaître plus souvent dans votre champ de vision le sujet.
Un film sorti en 2015 illustre ces propos, « Focus » avec Will Smith et Margot Robbie.

Un meilleur ciblage de l’audience se targue Cambridge Analytica : « Le big data a révolutionné la façon dont les organisations identifient et localisent leurs meilleurs prospects. […] Cambridge Analytica construit un avenir […] en montrant aux organisations non seulement où se trouvent les gens, mais aussi ce qui les intéresse vraiment et ce qui motive leur comportement. […] nous utilisons la modélisation des données et le profilage psychographique pour développer les audiences, identifier les influenceurs clés et entrer en contact avec les gens de manière à les inciter à agir. »

La guerre de la communication

Vol de données, prise de contrôle d’un site Web, intrusion dans la sphère numérique d’un candidat, désinformation… tous les moyens sont bons. Aux États-Unis en 2016 des milliers de mails d’Hillary Clinton sont publiées. En 2017, environ 70 663 mails et documents, soit 15 Go, sont divulgués. En 2020, des hackers ont ciblé les équipes de campagne du président républicain Donald Trump et du candidat démocrate Joe Biden. En septembre 2021, lors des dernières élections législatives, la Commission électorale russe a dénoncé trois cyberattaques d’origine étrangère visant son site internet. Les actions effectuées par des opérateurs peuvent être le fait des propres partis en lice, comme leurs adversaires ou encore des États qui auraient plus de conciliation et d’intérêts financiers avec un prétendant plus qu’un autre.

La Croix titre « Covid, guerre en Ukraine : le poids de l’émotion pèse sur la campagne électorale ». Car « la foule ne régit pas à la raison, mais à l’émotion. » écrivait la journaliste canadienne Naomi Klein, en 2007 dans son essai « The Shock Doctrine: The Rise of Disaster Capitalism ». (Crédits : DR)

Concernant le ouï-dire qu’il soit prononcé le coude sur le zinc, en terrasse, entre deux bouchées des ortolans farcis tant attendus… il suffit de prendre quelques minutes de votre vie pour vérifier avec un minimum de trois sources différentes. Quant à savoir si cela est possible en France, « impossible n’est pas Français » dit l’adage. D’autant que si truquer directement l’élection proprement dite s’avère difficile, influencer les 47 947 555 inscrits sur les listes au 24 mai 2021 (Source : INSEE) est plus simple, et déjà effectuée dans de nombreux pays. C’est en ce sens que le ministre Alexandre de Moraes, du STF (Cour suprême brésilienne), a décidé que l’application de messagerie Telegram serait bloquée au Brésil, outil favori de propagande du président Jair Bolsonaro. Avant de révoquer sa décision, deux jours plus tard. Il existe pléthores façons d’influencer une élection. « Selon nos analyses, les cibles principales sont les partis politiques et les candidats » , confie Gérôme Billois, Expert en cybersécurité au cabinet de conseil Wavestone.

Le jour de l’élection, les scores de chaque candidat seront transmis par les mairies aux préfectures, puis ces dernières les feront remonter jusqu’au ministère de l’Intérieur, en utilisant les réseaux informatiques dudit ministère. (Crédits : Alexa Fotos/Pixabay)

« Il y a une vraie problématique, car chaque équipe de campagne doit assurer elle-même sa propre protection informatique, et en période d’élection, leur activité se démultiplie », constate-t-il. Une armée de bénévoles viennent renforcer les rangs, usant d’adresses mail privées (non chiffrées) et téléphones personnels pour échanger rapidement, une véritable caverne d’Ali-Baba pour des individus malintentionnés. Dans ce contexte, les attaques peuvent être multiples et variées. « Le piratage informatique pourrait agir comme le fioul jeté sur le feu de la désinformation ». Il peut s’agir de vol de données, d’une intrusion dans la boîte mail d’un candidat ou dans celles de l’équipe de campagne, d’une paralysie ou d’une perturbation de leur système informatique, ou encore d’une prise de contrôle du site internet du parti.

Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

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