Navigation dans les chenaux (Épis. 32/46)
Enfin à bord, en ce mardi 6 février 2024, après deux journées d’attente où l’énigme du temps qui s’écoule restera un mystère. Ils sont en partance pour les glaciers Patagoniens. À bord, sans compter l’équipage, cent personnes voguent. La route entre les chenaux permet l’observation de la faune et de la flore. La première partie de voyage est calme, jusqu’à l’arrivée du golf de Penas. Les creux des vagues, le vent font bouger le navire de 150 mètres de long comme une coquille de noix.
Ils sont parmi les cent passagers. Le vaisseau a quitté le port depuis quarante-cinq minutes quand Flavien se dirige vers la salle de restauration. « Je ne tarde pas à aller au petit-déj, car le service ferme à 9 h. » Le bien-être des couchettes du bateau est vérifié et validé. « J’ai bien dormi, les lits sont confortables », explique Flavien ravit. Son étonnement est complet au retour du petit déjeuner. « Nos lits ont été refaits, quel luxe ! »
Mer calme à l’horizon
À l’heure du goûter des écoliers, l’ensemble des passagers est convié dans la salle de restauration. Pas une seule viennoiserie, mais la diffusion d’informations générales et de sécurité. Une fois les consignes distillées, tout un chacun retourne vaquer à ses occupations. Pour Flavien, les diverses pauses sont absorbées à admirer le paysage. « D’ailleurs, il est similaire à celui rencontré sur le précédent bâtiment lors du voyage vers Puerto Williams », remarque-t-il.
Si les panoramas sont semblables, le bateau est-il différent ? « Celui-ci est beaucoup plus gros, 150 m de long. Il ne bouge donc pratiquement pas, surtout avec la mer d’huile que l’on a », commente Flavien.
Pour autant, le commandant n’est sûrement pas un novice. « Ce matin, nous naviguons par la passe, Angostura White, la moins large du voyage. Le bateau n’a que 15 m à tribord et bâbord pour manœuvrer, impressionnant ! »
Pour sortir de la baie de Puerto Natales, il se fraye un chemin entre le dédale d’îles, c’est l’occasion d’observer de nombreuses otaries et oiseaux qui trouvent de bonnes conditions dans ces canaux protégés de l’océan Pacifique.
(Crédits : Flavien Saboureau)
Quand vient l’heure du repas, l’humeur de Flavien est mitigée. Ce sera des lasagnes pour ce midi. Le Grenoblois rencontré il y a deux jours arrive pour taper la causette au moment du dessert. Les discussions s’enchaînent, quand 14 h sonne aux tocantes. C’est l’heure où le capitaine a prévu de faire son speech sur la vie à bord.
Le discours du capitaine
Une heure plus tard, après avoir essayé les gilets de sauvetage, la capitaine reprend la parole. Il évoque la navigation dans les chenaux Patagoniens. Puis vient l’heure de la ronflette. « Moi qui apprécie tant les siestes en mer, je suis déçu. Le bateau est tellement stable que ça ne bouge pas d’un pouce. » Pour l’instant…
Après un nouveau point sur la beauté des paysages, Flavien note que la météo se dégrade petit à petit. Il est temps de quitter le pont pour la cafétéria. Bien à l’abri et au chaud, ils jouent au UNO acheté hier. Les parties défilent jusqu’à 19 h. Après le repas, le trio pense profite de l’extérieur.
« C’est alors que j’aperçois des anglais montrant des photos de Viola cotyledon à leurs amis. » Ni une, ni deux, Flavien prend ses jambes à son cou et file taper la causette.
Il questionne les Britanniques. Cette espèce est l’un des objectifs du voyage. « Ils disent l’avoir vue, il y a trois ou quatre semaines sur le volcan Villarrica », ça tombe bien, c’est dans ce coin que j’espère aller à sa rencontre se réjouit Flavien.
(Crédits : Flavien Saboureau)
La journée se poursuit. « Je finis la soirée à la cafétéria à écrire quelques lignes. » Flavien semble avoir pris goût aux transports maritimes. Cela dit, il est stupéfait de cette stabilité qui le renvoie à l’impression de marcher sur terre.
Voir Puerto Eden et vivre…
Le réveille-matin sonne à 6 h 45. L’arrivée est prévue à Puerto Edén pour 7 h 30. Un quart d’heure après l’éveil, Flavien constate que « nous en sommes encore loin et je retourne donc me coucher, la météo étant pluvieuse. » Quelques minutes passent, quand il se lève. Après s’être restauré avec un bon petit déjeuner, le navire se rapproche enfin « de ce village qui me fait tant rêver ».
Il est extrêmement isolé. Quarante habitants vivent à Puerto Eden. Petite précision, il est l’un des lieux les plus arrosés au monde avec 5000 mm d’eau par an. C’est là que les derniers Kawesquars ont été déplacés par l’état chilien, au siècle passé. « Je devais y rester deux jours, mais le bateau qui s’y arrête était plein lorsque j’ai voulu réserver, il y a quelques semaines. »
Les nuages se dégagent, le ciel se dévoile et les rayons de soleil se dessinent à leur arrivée. « Nous ne sommes pas autorisés à descendre. Il jette l’ancre à plusieurs centaines de mètres du rivage. Quelques habitants viennent en hors-bord récupérer quelques colis avant de repartir.
Après une petite heure d’escale, nous reprenons notre route plein nord et le temps se couvre. (Crédits : Flavien Saboureau)
Pour terminer la matinée, « nous observerons une statue de vierge ». Elle est censée porter bonheur aux marins, confie Flavien. Puis c’est au tour de l’épave d’un bateau, le “Capitán Leonidas“. Il fait naufrage le 7 avril 1968, dans le canal Messier. L’une des hôtesses nous raconte son histoire. Après le déjeuner, alors la météo se dégrade fortement, ils se greffent à une visite de la passerelle de commandement.
« Puis avec David nous passons la majeure partie de l’après-midi à jouer aux cartes à la cafétéria. » C’est en fin de journée que le royaume de Neptune s’agite. Le navire quitte les chenaux Patagoniens pour entrer dans le golfe de Penas.
La mer commence à se former et le bateau bouge enfin, se réjouit-il. « À 18 h nous n’avons théoriquement plus le droit de sortir, mais nous allons quand même prendre le grand air à l’avant. »
« C’est impressionnant, je n’ai pas vu de tels creux depuis le Marion Dufresne. Additionné au vent, il est difficile de tenir debout. » Une ou deux personnes glissent. L’équipage les sermonne. « Il est tant de rentrer à l’abri après avoir observé les derniers rayons de soleil. »
(Crédits : Flavien Saboureau)
Dans la cafétéria les sièges glissent d’un bout à l’autre de la pièce. Nous commençons tous à imaginer la nuit qui nous attend, elle risque d’être longue. « Allongé dans mon lit, et glissant sur celui-ci, je ne réussis pas à me concentrer et je remets donc l’écriture de ces lignes au lendemain. Je mets du temps à m’endormir, mais le reste de la nuit aurait pu être plus désagréable. » À suivre…
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