Flavien vogue vers Puerto Williams (épis. 17/46)
Ce matin du 27 décembre 2023, Flavien se lève aux aurores. C’est à cinq heures et demi que l’aventurier ouvre les yeux. Il prend son bus dans moins de quatre-vingts minutes. L’autobus est prévu à 7 h, direction Punta Arenas. Et demain c’est le retour de l’apprenti marin. Il monte à bord du ferry pour un périple de 32 h. Il se dirige vers la ville la plus méridionale qui soit, Puerto Williams. Mais comme à chaque étape de son voyage, un lot de surprises attend le jeune naturaliste.
« Ce matin, je me lève à 5 h 30. Mon bus est à 7h00, mais il faut que j’y sois 30 min avant, la nuit aura été courte », souffle-t-il les yeux encore mi-clos. Première surprise dans le bus. Il se situe à une place de choix, près des toilettes et à côté d’une personne qui parle toute seule. Mais il réussit à faire abstraction, enfin en partie. « Le voyage aura été long et bien moins agréable que la dernière fois… »
Le soleil se couche, quand Flavien patiente toujours. « Il est 21 h 21. Cela fait 6 h que l’on attend que le détroit de Magellan rouvre. » Il faut dire que le vent souffle fort, voire très fort. D’ailleurs sur le trajet, le bus vacille jusqu’ici observe l’aventurier. Vu les conditions, le ferry ne peut faire l’aller-retour entre la Terre de Feu et le continent.
Toujours avec l’appareil photo en bandoulière, il prend des clichés des plantes qui traînent au bord du détroit de Magellan. « J’ai anticipé les potentiels dauphins et je n’ai que mon téléobjectif, pas l’idéal pour photographier des plantes » note-t-il très justement.
« Je suis le seul zinzin à me promener en plein vent, qui dépasse allègrement 100 km/h. Enfin pas vraiment, il y un autre français qui déambule près du bus. » (Crédits : Luis Alberto Bustos Quezada/Pixabay)
Les deux se posent à l’abri d’un mur face au canal de Magellan. Ils entament une conversation sur la photo. Puis, petit à petit, ils abordent les TAAF. « Il me dit connaître quelqu’un qui a été botaniste sur Amsterdam. Les TAAF étant une petite famille je vois le truc venir. » Pas manqué, il parle de Damien, le Normand, avec qui Flavien a passé quatre mois sur Amsterdam et qu’il a revu juste avant son départ en voyage.
Une histoire de famille
Ils sont cousins éloignés… Depuis qu’il traîne ses guêtres avec cette veste des TAAF, il n’existe pas un lieu où il ne croise pas quelqu’un avec qui il a une connaissance en commun. La famille des TAAF est connue sur les cinq continents. « Mais là, c’est quand même particulier. À l’autre bout du monde, sur un canal avec une météo que la plupart des explorateurs ont décrit, improbable ! »
Le temps semble être sur pause. Rien d’attendu ne se passe correctement. « Je n’ai pas prévu de nourriture pour ce soir ni réservé d’auberge pour cette nuit. » Généralement, si on arrive avant minuit, tout est possible, à condition de traverser le canal.
Si on le traverse un jour, pense-t-il, il reste encore 2 ou 3 h de route. Autant dire que d’arriver avant minuit paraît utopiste. Où va-t-il dormir. « J’espère que ça va prendre plus de temps, et que la nuit se passe dedans le bus », après déjà 15 heures de voyage.
« Et dire que 32 h de bateau m’attendent dès demain soir… » La tempête se calme. Enfin assez pour que le bateau puisse faire la navette, il est 22 h 20. Une fois à bord, Flavien descend du bus et monte sur le pont. « J’espère voir les dauphins, mais il fait presque nuit. La force du vent et le tangage du bateau m’accaparent. » Il se met à rêver, d’une période bien lointaine. « J’imagine l’expédition de Magellan sous ces vents de plus de 60 nœuds, mais dans leur barcasse en bois… ». (Crédits : Flavien Saboureau)
Il profite du retour sur la route, pour se plonger dans un récit du voyage de Magellan. Il est 1 h tout juste quand le bus débarque à Punta Arenas. « Je suis le cousin de Morel car on l’attend dans une auberge ». Ils auront peut-être un lit pour Flavien. Une Française qui a réservé dans cette auberge nous rejoint. Vingt minutes de marche, sous un froid revigorant, le trio arrive. Le gérant est extrêmement sympa, « je partagerai une chambre de 4 lits avec les 2 autres français. Ouf, j’aurai un toit pour ce soir. Il est 2 h et il est temps de se coucher, après cette journée commencée à 5 h 30… »
Une courte nuit de plus
Le réveil sonne à 9 h. Une nuit pas autant réparatrice que souhaité. « mais c’est mieux que rien », claque Flavien. Après le petit déjeuner, le trio se dirige à la ScotyaBank pour retirer de l’argent local. Il récupère 300 000 pesos chilien (environ 312 euros) pour les prochaines semaines. Après s’être ouvert l’appétit, ils se posent dans un restaurant conseillé par l’aubergiste.
La richesse se ressent, du moins dans cette ville par rapport aux contrées traversées précédemment. Le trio s’éternise. Il est 14 h 30 lorsqu’ils sortent du restaurant.
« Je laisse le groupe pour aller faire quelques courses car il paraît que c’est bien plus cher à Puerto Williams, où je vais. »
Il est 15 h 30 quand l’aventurier revient à l’auberge, où son sac l’attend. L’embarquement au port est prévu entre 16 et 17 h, il ne faut pas que je traîne pense-t-il.
Le temps s’accélère cette fois-ci. « Je n’ai pas le temps de marcher ou de chercher un taxi (car je n’ai pas de SIM) alors je réserve un Uber ». Pas le temps de réfléchir ou de se laisser à vagabonder, le transport est là en en moins de 2 min. « Impressionnant ! »
(Crédits : Pedro Herrera/Pixabay)
Au sens propre comme au figuré, c’est sur les chapeaux de roues qu’il dit au revoir aux acolytes. Il arrive au port 10 à 15 min plus tard. « J’embarque pratiquement aussitôt dans ce ferry qui paraît frêle par rapport aux mers que l’on va traverser… », se rassure-t-il. Les véhicules sont rangés sur la gauche, la partie passager des est sur la droite. « C’est un simple couloir sur 2 étages avec des sièges inclinables, pas de lits pendant les 32 h qui m’attendent. »
Une traversée de 32 h… sans lit
Les repas se prennent au 1er étage. Finalement, c’est deux heures plus tard que « nous prenons la mer ». Le temps se joue encore de Flavien. « Nous mettons beaucoup de temps à naviguer face à Punta Arenas, le bateau ne va vraiment pas vite. » Ce n’est pas plus mal car ce bateau est à fond plat. Il n’est pas conçu pour la haute mer. « Il prend très facilement les vagues de face qui s’éclatent sur la coque et recouvrent d’embruns les personnes qui comme moi sont sur le pont. »
Blotti sous ses quatre couches de vêtements, il guette les oiseaux et mammifères marins. Le vent glacial en décourage plus d’un. Mais quelques Chiliens et Français bravent tout de même les éléments.
C’est l’occasion de faire une rencontre de plus. Une Française spécialiste des glaciers Himalayens, accompagnée de son mari. « Encore une fois elle connaît très bien les TAAF car son laboratoire, à Grenoble, envoie régulièrement de jeunes scientifiques. »
En discutant, des connaissances en commun s’affichent. Alice l’ancienne médecin du Marion Dufresne ou encore Joël, un glaciologue avec qui j’ai partagé mon dernier mois et le retour d’Amsterdam, raconte Flavien. Plus rien ne l’étonne dans ces rencontres… Une bonne partie de la soirée se passe sur le pont tribord à parler et à chercher quelques dauphins de Peals qui se montreront à deux reprises. (Crédits : Flavien Saboureau)
Muni de son téléobjectif, quelques oiseaux, tels les pétrels plongeurs se laissent observer. « Je n’avais plus revu depuis le mouillage près de l’île de la Possession en août 2021. » Même bien emmailloté, il redescend se réchauffer en cabine. « Malgré mes vêtements les plus chauds, ça pèle », grelotte-t-il d’une vois tremblante. Il remonte une fois, lorsque, à la nuit tombée, nous passons devant le fameux Mont Tarn, dont Darwin raconte l’ascension dans son récit. À suivre…
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