
Un inconnu désormais célèbre (20/55)
Après plus de quatre-vingts kilomètres avalés en quatre journées par Flavien, comme pour le Tour de France, le nycthémère de repos est le bienvenu. Une grasse matinée en perspective, et tels les super-héros, il met sa cape de super-touriste. L’effervescence n’est pas celle des plages de nos côtes françaises en pleine saison estivale, mais le monde est souvent petit. Il part à la découverte de la ville d’Oban (Pā nui o Hau), et du manchot pygmée, le plus petit représentant de l’espèce… Quand l’impensable se produit.
« Ce matin c’est grasse matinée… Enfin une grasse matinée de voyage », explique Flavien qui sort de sa tente à 8 h 15. Il semble que le kiwi s’amuse de sa rencontre passée avec le baroudeur. « Cette nuit, vers trois heures, un kiwi m’extirpe de mon sommeil. » Le kiwi se trouve près de la tente, quand il produit un cri incroyablement fort dans la quiétude nocturne.
Flavien, connu comme le kiwi
C’est en touriste, peu efficient, que Flavien déambule dans les rues d’Oban. Il s’offre une journée de repos après avoir crapahuté durant quatre-vingt-seize heures. « Je marche vers l’un des deux cafés du village pour déguster un petit déjeuner. » L’estomac de Flavien ne tient plus en place face à de telles promesses. « Ça fait quelque temps que je n’en ai pas pris », ajoute-t-il. L’estomac repu, l’aventurier du bout du monde traîne ses guêtres.

Il zigzague entre les quelques boutiques pour y trouver cartes postales et souvenirs. « J’en profite pour acheter des timbres à la poste », ponctue-t-il.
Comme l’écrivain, du silence lui est nécessaire. « Je reviens à l’auberge pour écrire mes cartes postales. » Pas un seul endroit ne l’a convaincue. Il commence à pleuvoir, je suis bien à l’abri, souffle-t-il.
Les heures défilent quand, monsieur l’estomac, se rappelle à son bon souvenir. « J’achète un sandwich frais, à l’unique supérette du village, avant de terminer l’écriture. » Les dix cartes postales finies, le gourmand refait surface. « Je les dépose à la Poste, et je m’offre une glace pour fêter le retour du soleil… » (Crédits : Rakiura Museum)
À 15 h, Flavien visite le musée de l’île : Rakiura Museum (Te Puka o Te Waka). Le musée Rakiura ouvre ses portes le 25 septembre 1960. Depuis, il abrite une vaste collection d’objets historiques, de photographies et de documents d’archives liés à l’histoire de l’île. L’occasion d’en connaître un peu, et de mieux appréhender cette île. Des histoires sur les premiers établissements, l’île des poissons de Codfish, The Neck, l’île d’Ulva, l’île de Ruapuke et la baie de Halfmoon vous sont contées. Car, explique le musée, Rakiura était un lieu de rencontre pour les premiers peuples polynésiens, maoris, britanniques, européens et américains.
Des frites, des frites, des frites…
Après s’être rempli la tête durant une heure, qui est le temps d’observation minimal recommandé (45 à 60 minutes) place à la mission du soir : tenter de voir le manchot pygmée. Mais avant toute chose, il faut emmagasiner des calories, pour affronter la recherche nocturne. « Je dévore un tacos au foodtruck du village, mais il n’y a pas grand-chose à manger dedans, se désole Flavien avant de recouvrer le sourire. Je file au pub où je sais que pour 10 $ il y a un grand bol de frite… Meilleur rapport quantité prix… »
Flavien s’habille en conséquence pour la mission. Le Manchot pygmée (Eudyptula minor) est le plus petit des dix-neuf espèces de manchots. Sa robe est d’un bleu indigo ou bleu argenté au niveau de la tête, le dos, la queue et les ailes. Seul le ventre se pare d’un plumage blanc.
Originaire de Nouvelle-Zélande, il est communément connu sous le nom de pingouin de fées ou pingouin bleu, mais aussi sous son nom de Koror.
« C’est le seul aux mœurs exclusivement nocturnes à terre », ajoute le naturaliste. Sur les conseils de personnes rencontrées, Flavien se rend à Ackers Point, à trois ou quatre kilomètres du village. « Je suis censé y voir la seule colonie de puffins fuligineux, appelés Tītī ici, à la tombée de la nuit. »
(Crédits : Flavien Saboureau)

Il est tout juste 20 h, quand Flavien part. Affublé de ses gants, son bonnet et sa frontale à lumière rouge pour ne pas déranger les manchots. « J’ai à peine marché cinq cents mètres que mon prénom résonne », s’étonne Flavien. Qui pour m’appeler ici ? Je ne connais personne, pense-t-il à voix haute. « C’est Ela, une des True Young Explorers de l’Heritage Adventurer. » Ela habite sur l’île Stewart, mais n’est pas censée être présente durant la venue de Flavien. « Elle m’a repéré avec ma veste bleue — que je ne quitte plus depuis des années maintenant. On échange 10 min, avant de se donner rendez-vous au pub demain soir. » (Crédits : Flavien Saboureau)
Voir Oban et le fameux Tītī
Heureux de cette rencontre inattendue, l’aventurier du bout du monde poursuit son chemin. Il arrive devant un tout petit phare. L’endroit accueille déjà une toute petite dizaine de personnes, en attente du coucher de soleil. « Le moment est magique ! Le coucher de soleil se reflète sur les quelques albatros timides qui traînent. » L’heure s’égraine jusqu’au crépuscule, quand les premiers Tītī se découvrent pour retrouver leurs terriers.

« Pour une fois il n’y a pas un nuage », contemple Flavien. L’île est d’ailleurs réputée pour son ciel pur. Un tel ciel le replonge immanquablement dans des souvenirs pas si éloignés que ça. « Ça, me remémore l’incroyable ciel étoilé d’Amsterdam. Me voilà à essayer de retrouver les constellations que je connais… Orion, Croix du sud, Nuages de Magellan… »
Des étoiles, oui, mais pas une seule trace du manchot pygmée, ou blue penguin. Flavien admiratif devant un couple mieux équipé que lui. « Ils ont carrément une torche rouge, un avantage non négligeable pour trouver le manchot sur le trajet du retour », songe-t-il.
Flavien suit son intuition et le couple sur le retour. « Grâce à leur torche, je réussis à prendre quelques photos de nuit. » (Crédits : Flavien Saboureau)
Le trio se sépare avant l’entrée du village. « Je les remercie, et continue avec ma pauvre frontale », s’amuse-t-il. Il en trouve même avec cette faible luminosité. Il est l’heure de rentrer à l’auberge. C’est à ce moment où une chouette de Nouvelle-Zélande se laisse entendre, mais ne se laisse pas voir. « Déjà qu’il n’y a pas grand monde habituellement, souffle tout bas Flavien… Il n’y a pas un chat qui traîne à cette heure. » Il est minuit passé de quarante-cinq minutes quand « je retourne dans ma tente où j’y passe, mais sixième nuit consécutive ». À suivre…
Ping : Une idée pas si saugrenue (25/55) - Libre Expression