International

L’avenir des Femmes en pointillé ?

Une proposition de loi en Irak pourrait légitimer le mariage d’enfants. Tout est lié à la jurisprudence chiite et à l’âge de la puberté. Le Code en vigueur est scindé en deux parties. Il régit les dispositions relatives au statut personnel selon la « jurisprudence chiite Jaafari » (statut personnel) et l’autre la « jurisprudence sunnite ». Tant et si bien, qu’un garçon pourrait être marié dès l’âge de 15 ans, tandis qu’une fille dès l’âge de 9 ans. Mais que penser des 35 articles de loi qui restreignent encore les Afghanes et leurs droits à l’existence, à la vie ?

La différence de compréhension des us et coutumes est fonction du Code sur lequel se base chaque pays. En France, le Code civil est le reflet de la société française. Depuis 1804, il organise l’essentiel de la vie quotidienne (nationalité, filiation, mariage, successions, responsabilité civile…). Puisqu’il s’agit des droits des femmes dont il est question que ce soit en Afghanistan, en Irak, en Iran, au Maroc, au Koweït… qu’en est-il en France ?

L’évolution des droits des femmes en France

Lors d’un entretien sur le discours, pour le droit à l’IVG, prononcé par Simone Veil en novembre 1974 à l’Assemblée nationale, Claudine Monteil s’écria « Simone, nous avons gagné ! » Ce à quoi Simone de Beauvoir répondit : « Certes, Claudine, nous avons gagné, mais temporairement. Il suffira d’une crise politique, économique et religieuse, pour que les droits des femmes, nos droits, soient remis en question. » L’évolution des droits des femmes en France s’écrit en plusieurs dates. La première est Olympe de Gouges qui publie en 1791 la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne.

S’en suivent le 29 avril 1945, avec le vote aux élections municipales ; le 27 octobre 1946, « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à deux des hommes. » ; Germaine Poinso-Chapuis est en novembre 1947 la première femme ministre, il faut attendre 1974 pour voir Simone Veil à la tête d’un ministère ; dès le 13 juillet 1965 « les femmes peuvent gérer leurs biens propres et exercer une activité professionnelle sans le consentement de leur mari. » Autorisées à disposer de l’argent sur leur compte bancaire, sans avoir à demander à leurs maris.

Le 4 juin 1970 autorité parentale conjointe ; 22 décembre 1972, la loi pose le principe d’égalité de rémunération ; 6 mars 1980, Marguerite Yourcenar devient « immortelle » en entrant à l’Académie française.

(Crédits : Christina Morillo/Pexels)

Le 17 janvier 1975, la Loi n° 75-17 autorisant l’IVG, dite « loi Veil » est adoptée pour 5 ans. Elle est définitive par la loi du 31 décembre 1979. Le 23 décembre 1980, la Loi n° 80-1041 donne une définition précise du viol et le reconnaît comme un crime ; 17 juillet 1984, la Cour de Cassation reconnaît pour la toute première fois le viol entre époux en instance de divorce. Le viol entre époux est reconnu par un arrêt de la Cour de Cassation le 5 septembre 1990. Le 4 mars 2024, dernière évolution, l’IVG est inscrite dans la Constitution française. « Votre vie durant, vous devrez demeurer vigilante », concluait Simone de Beauvoir.

Le Code civil, pierre angulaire de la société

Le Code civil dit « Code Napoléon » est composé de trois livres. Le Livre I dit « des personnes », le Livre II « des biens et des différentes modifications de la propriété » et le Livre III « des différentes façons dont on acquiert la propriété ». Puisque la proposition de loi en Afghanistan sacralise l’âge minimal du mariage, qu’en est-il en France ?

L’article 144 du Code civil dispose que « le mariage ne peut être contracté avant dix-huit ans révolus. » Cependant l’article 145 ajoute que « néanmoins, il est loisible au procureur de la République du lieu de célébration du mariage d’accorder des dispenses d’âge pour des motifs graves. »

En 1905, la loi du 9 décembre sur la séparation des Églises et de l’État assure la liberté de conscience de culte. Chacun est donc libre de pratiquer la religion de son choix comme de ne pratiquer aucune religion.

Concernant le mariage, jusqu’à la Révolution (1789) le droit canonique s’applique. Donc l’âge nubile et majorité matrimoniale est de 12 ans pour les filles et 14 pour les garçons. La loi du 21 septembre 1792 dispose du mariage dès 13 ans pour les filles de 15 pour les garçons. Sous couvert du consentement des parents jusqu’à l’âge de 21 ans.

Cet âge nubile atteint 18 ans pour les garçons dès l’instauration du Code civil en 1804. Celui des filles est de 15 ans. Il faudra attendre la Loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 pour que l’article 144 assure l’âge de 18 ans pour toutes et tous.

Puis, le Parlement adopte le 23 avril 2013, la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Elle est promulguée le 17 mai 2013. (Crédits : BnF/Gallica)

Tout cela semble être normal au regard de la « génération Z » (ne pas confondre avec la GEN-Z) et celle en devenir, « Alpha ». Parfois les désobéissances chamboulent et permettent l’évolution des droits. Le manifeste des 343 est un parfait exemple. Piqûre de rappel aux générations Z et Alpha, le simple fait de savoir que porter un pantalon est légalement autorisé pour les femmes seulement depuis le 31 janvier 2013, change la vision du monde.

L’impact sur la vie des femmes en Irak

Dans de nombreux pays au Moyen-Orient comme en Afrique, il existe un code de statut personnel (SP). En 1959, l’Irak se dote du Code de Statut personnel, ce après de nombreux pays tels la Syrie (1953), la Tunisie (1956), le Maroc (1958). Le Code du Statut personnel date du 30 décembre 1959 en Irak (Loi n° 188 du 30-12-1959). Il fera l’objet de neuf amendements (1963, 1978, 1980, 1981, 1985, 1986, 1987, 1994, 1999).

Le général Abdel Karim Kassem arrive au pouvoir (1958-1963), et la question de codifier le Statut personnel est à nouveau posée. Issu d’un processus commencé en 1947, le Code (Qânûn) du Statut personnel irakien est créé douze ans plus tard.

La volonté de modification ne date pas d’hier. Le projet de loi fondé sur les jurisprudences de l’école Jaafari, par l’imam chiite Jaafar al-Sadiq, est adopté par le conseil des ministres le 25 février 2014. Dix ans plus tard, il est à nouveau d’actualité. La proposition de réforme est celle du député Raëd al-Maliki.

Ce qui sacralise les tensions le mariage. Si la doctrine classique de toutes les écoles s’appuie sur le verset 3 de la quatrième sourate du Coran, la vie moderne impose quasiment partout la monogamie.

C’est plus particulièrement l’âge minimum qui pousse les mères à manifester. Selon le Code le mariage est autorisé à partir de 18 ans. À une exception près. La loi irakienne dispose qu’une fille de 15 ans peut être mariée à condition d’obtenir l’autorisation d’un juge et de la famille (Loi de 1959, Art. 7.). Comprendre ici que la famille est le Wali, soit le père ou tuteur légal.

La volonté de modification du statut personnel impacte la vie des femmes. « Les principales critiques du projet portaient sur la légalisation des mariages d’enfants, la privation des droits fondamentaux des femmes et la confessionnalisation des affaires personnelles », écrit1 Sardar Aziz docteur en administration publique.

Les premières modifications du SP sont intervenues après la guerre du golf en 1991. « Cet amendement permet le mariage des mineurs, autorise les mariages contractés en dehors des tribunaux, accorde des pouvoirs aux dotations chiites et sunnites ainsi qu’à d’autres entités ! Il prive les femmes de leurs droits à l’héritage et divise encore plus l’Irak en fonction des branches religieuses, mettant fin à l’État civil. » (Crédits : capture d’écran/X/Ala Talabani)

L’UNICEF rapporte que 28 % des filles sont mariées avant 18 ans. La Mission d’assistance des Nations Unies quant à elle relate que 22 % des mariages non enregistrés impliquent des filles de moins de 14 ans. Ce dixième amendement aurait des effets incommensurables sur les droits des femmes et des filles, alors garantis par le droit international. S’il est appliqué, il autoriserait le mariage de fillettes âgées de neuf ans, les exposant à un risque accru de violence sexuelle et physique, sans oublier les conséquences sur leur santé physique et mentale, ainsi que la privation d’éducation et d’emploi.

Les femmes victimes d’être femmes en Afghanistan

L’Afghanistan est depuis 2021, le théâtre inexorable de privation des droits. La presse comme les politiques sont unanimes, la répression envers la population afghane, et particulièrement les femmes suscitent l’effroi. Depuis la prise du pouvoir des talibans, les femmes perdent un peu plus leur identité, leur existence… Pourtant la photo qui suit révèle une partie de l’Afghanistan des années 60 — 70.

Femmes, Afghanistan, liberté

« Il y avait aussi beaucoup de femmes dans les années 1960 et 1970 — même dans les zones urbaines — dont la vie était plutôt régie par le purdah, et qui ne sortait pas pour étudier ne sortaient pas pour travailler », explique Heather Barr, en 2017. Les populations tribales étaient considérablement conservatrices dans le milieu des années 60. Elles représentent environ 90 %.

Une loi composée de 35 articles est annoncée, puis publiée au journal officiel le 31 juillet 2024 par le ministère de la justice taliban. Elle a pour but de « promouvoir la vertu et prévenir le vice ». « Les femmes doivent couvrir leur corps entièrement en présence d’hommes n’appartenant pas à leur famille ». Auquel se rajoute de cacher tout ou partie de leur visage via un masque « par peur de la tentation ». Faut-il échanger les habits pour éviter la tentation ? Faut-il éduquer les hommes à se contenir, s’ils ont peur de céder à la tentation ?

Elles ne doivent pas faire entendre leurs voix en public. Mais l’absurdité ne s’arrête pas là. Les conducteurs de véhicules sont aussi restreints dans leurs libertés : pas de musique, pas de drogue, de transport de femmes non voilées, de femmes en présence d’hommes de leur famille (Mahram). Elles résistent en bravant les interdits pour leurs libertés. (Crédits : Laurence Brun/Gamma-Rapho/Getty-Images)

Mais également, l’adultère, l’homosexualité, les jeux d’argent, les combats d’animaux ou d’hommes (MMA), la création ou le visionnage d’images d’êtres vivants sur un ordinateur ou un téléphone portable, l’absence de barbe ou une barbe trop courte pour les hommes, des coupes de cheveux « contraires à la charia ». L’UNICEF martèle dans le rapport 2023. que « comparées aux filles qui ont uniquement reçu une éducation primaire, les filles qui ont suivi une éducation secondaire sont moins exposées aux risques de mariage d’enfants et de grossesse adolescente. » Quel avenir quand elles n’ont pas accès à l’école, en cette semaine de rentrée scolaire ?

  1. https://www.cfri-irak.com/article/parlement-irakien-confessionnalisation-des-affaires-personnelles-2024-08-16 ↩︎

Elise Dardut

Épicurienne, je reste une jeune femme à l’aise dans son corps et dans sa tête. Je pense par moi-même, j’agis par moi-même, j’entends les conseils et n’écoute que mon intuition. « Le jour où l’homme aura la malice, la finesse et la subtilité de la femme, il sera le roi du monde… mais ce n’est pas pour demain », me chantait mon grand-père. Il m’a appris que « les seuls beaux yeux sont ceux qui vous regardent avec tendresse. » (Coco Chanel) Depuis, je m’évertue, pour qui veut bien entendre et écouter, à distiller des graines ici et là, au gré du vent. Un proverbe indien explique que « si vous enseignez à un homme, vous enseignez à une personne. Si vous enseignez à une femme, vous enseignez à toute la famille » Il est temps d’inverser les rôles et admettre l’équité, non ?

One thought on “L’avenir des Femmes en pointillé ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *