Le saviez-vous ?

La Révolution des Œillets

Il y a tout juste 50 ans que le Portugal s’est révolté. Le pays s’embrase le 25 avril 1974 à 5 h : « les chars ont pris position à Lisbonne ». Le coup d’État militaire renverse la dictature salazariste. Il est l’œuvre de jeunes capitaines comme Otelo Saraiva de Carvalho ou Ramalho Eanes. La télévision française annonce au journal de 13 h le renversement du pouvoir autoritaire. António de Oliveira Salazar abandonne le pouvoir en 1968. Marcelo Caetano désigné successeur ne sortira pas de ce bourbier.

Dans un contexte européen tendu des années 1970, le Portugal se distingue par le régime de l’Estado Novo. La répression de la liberté d’expression, l’engagement militaire dans des guerres coloniales impopulaires sont un terreau fertile. L’ensemble nourrit un mécontentement croissant au sein de la population et des forces armées. Menée par le général Spínola, la junte militaire prend le pouvoir. La dictature est renversée par la Révolution des Œillets. Après près d’un demi-siècle d’un régime autoritaire, le pays aspire à l’ouverture.

Un tournant démocratique

Avant la révolution, le Portugal, sous l’Estado Novo de Salazar, subit une dictature rigide. Les libertés sont restreintes, le pays est dans un isolement économique. Les politiques de Salazar, marquées par une forte censure et un contrôle autoritaire, sont de plus en plus contestées face aux défis économiques et aux guerres coloniales coûteuses. À la fin des années 1950, le Portugal se voit contester sa souveraineté sur les derniers vestiges de son empire colonial, en Afrique et en Asie. « L’analyse du cas de Goa, première colonie réclamée au Portugal en février 1950 par l’Inde, demeure ainsi révélatrice des tensions du nouveau système international et du soutien dont a pu bénéficier jusqu’à la fin des années 1950 un petit pays colonialiste aux dépens d’une nation décolonisée. » 1

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La perte de Goa entraîne celle des autres colonies portugaises d’Afrique (Mozambique, Angola, Cap Vert, Guinée-Bissau, Saint Tomé et Prince) et d’Asie (Macao et Timor) en encourageant leurs mouvements nationalistes.2

En 1961, les indigènes en Angola entament leur combat pour l’indépendance. D’autres soulèvements apparaissent en Guinée et au Mozambique. De plus en plus de soldats sont envoyés pour réprimer la révolte.

Pour le Portugal, peuplé de neuf millions d’habitants, le « maintien de l’ordre » en Afrique est une charge de plus en plus pesante. Elle représente plus d’un tiers du budget national, jusqu’à 35 %.

(Crédits : Monika/Pixabay)


Le service militaire dure quatre années. Beaucoup de jeunes hommes émigrent clandestinement en vue d’échapper au service militaire et d’obtenir à l’étranger, en France surtout, de meilleures conditions de vie. « L’opinion portugaise réclame une solution politique à la guerre. 280 000 pères, maris ou fils sont engagés dans le conflit. Les étudiants contestataires sont envoyés en Guinée, là où les combats sont les plus durs. »

Une prise de pouvoir dans le calme

Le 25 avril 1974, le Mouvement des Forces Armées (MFA) orchestre un coup d’État militaire. Il renverse le gouvernement de Marcelo Caetano. Préparé dans le plus grand secret, il bénéficie du soutien quasi immédiat de la population. Son nom la « Révolution des Œillets » est issu des fleurs arborées aux fusils de militaires. Elle met fin à la plus longue dictature en Europe,

« Grândola, vila morena, Terra da Fraternidade, O povo é quem mais ordena Dentro de ti, ó cidade… »

C’est un extrait de la chanson de José « Zeca » Afonso diffusée à minuit par la station catholique Rádio Renascença. Cette dernière est le signal choisi par les militaires du MFA pour lancer le putsch contre l’Estado Novo de Caetano.

Il est environ 4 h 30 quand le poste de commandement du MFA demande à la population de rester chez elle. Le général Spínola reçoit la reddition de Marcelo Caetano. Il ne faut que quelques heures pour que la dictature soit enfin renversée. Après s’être réfugié à la caserne du Carmo, Caetano est escorté par des militaires du MFA vers l’aéroport, d’où il s’envole pour Madère. (Crédits : Philipp Weber/Pixabay)


À Lisbonne, la foule est en liesse. Le putsch militaire devient révolution populaire. Les prisonniers politiques sont libérés. Le Portugal se couvre de rouge. Œillets à la main, les Lisboètes fêtent la liberté recouvrée.

Une transition vers une démocratie

Comme après toute bataille et libération, l’euphorie laisse la place à la reconstruction. Le général Spínola, « l’homme au monocle » est choisi pour exercer la charge de président de la République. Le 30 septembre 1974, le général Spínola démissionne. Il laisse la place à Francisco da Costa Gomes. Après une léthargie de 48 ans vient le temps de la reconstruction. Une année se passe quand se déroulent les premières élections libres de l’histoire portugaise, celle des députés. Ils sont chargés de rédiger la constitution. La participation flirte avec les 92 %. Le parti socialiste sort grand vainqueur avec près de 38 % des voix.

Sauf que le MFA se considère comme le garant de la révolution. Il prend le pouvoir. Leur tour prend fin le 25 novembre 1975.

Des unités parachutistes passent à l’action. Ce coup de force improvisé se brise aussitôt. Sous la direction du colonel Ramalho Eanes, l’état d’urgence, puis l’état de siège sont décrétés.

Ce pétard mouillé clôt une révolution de dix-huit mois. Le MFA disparaît. Les politiques prennent les choses en main. Le 25 avril 1976, le PS est confirmé lors des élections législatives. Ils sont la première force politique.

C’est au terme de deux élections législatives et une élection présidentielle que le pays s’apaise.

(Crédits : Guilherme Ferreira/Pixabay)


La dernière et première élection se déroule le 27 juin 1976. Elle est la première marche d’une toute jeune démocratie. Ramalho Eanes, le général modéré est élu président de la République dès le premier tour avec environ 62 % des voix. Depuis le 25 avril est jour férié, il est célébré comme « O dia da libertade ». L’avenue des Champs-Élysées qu’est l’avenue de la Liberté à Lisbonne se remplit de Portugais arborant un œillet rouge à la boutonnière.

  1. (Bègue, Sandrine. « “Orgueilleusement seuls” ? : la résistance coloniale portugaise à Goa (1955-1961) ») ↩︎
  2. (Bègue, Sandrine. « “Orgueilleusement seuls” ? : la résistance coloniale portugaise à Goa (1955-1961) ») ↩︎

Fidel Plume

Équilibriste des mots, j'aime à penser qu'il existe un trésor au pied de chaque arc-en-ciel. Un sourire éclaire la journée de la personne qui le reçoit. Elizabeth Goudge disait : « La gratitude va de pair avec l'humilité comme la santé avec l'équilibre. »

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