Il y a cent ans… se terminait la conférence de Gênes
Du 9 avril au 19 mai 1922, les anciens belligérants, trente-quatre nations, se retrouvaient pour rétablir l’ordre monétaire planétaire, qui fut désorganisé par la Première Guerre mondiale. Cette réunion s’est clôturée sous une avalanche de fleurs en rhétorique, par soixante-quinze discours de neuf heures à une heure de l’après-midi. Lloyd Georges la comparait à une bouée de sauvetage lancée du rivage, ajoutant qu’aucun naufragé ne s’y était accroché.
Cette conférence se déroulait alors que les brûlots de la Première Guerre mondiale fumaient encore. Les rancœurs, dettes, désillusions seront un terreau fertile au nationalisme exacerbé, qu’il soit Russe, Italien, Espagnol ou Allemand. D’autant que la Grande Guerre sonna le glas des empires allemand, austro-hongrois, russe et ottoman et créa une multitude de nouveaux États aux frontières « arbitraires ». Le traité de paix de Saint-Germain-en-Laye disloque la République d’Autriche Allemande, et interdit à l’Autriche tout rattachement à l’Allemagne. La disparition de l’Empire austro-hongrois entraîne une restructuration du monde danubo-balkanique. Des Autrichiens manifestèrent alors leur mécontentement en brûlant l’ambassade de France à Vienne, le 23 mai 1919.
Les accords Sykes-Picot furent le travail de deux hommes qui donnèrent leurs noms à ce traité, Sir Mark Sykes et François Georges-Picot. Ils furent signés secrètement en 1916 par la France et la Grande-Bretagne. Les changements géopolitiques, ainsi que le choix de la Turquie de se ranger aux côtés de l’Allemagne à la fin de l’année 1914, sont à l’origine de ceux-ci. La fin des possessions ottomanes de Syrie, Palestine et Arabie prévue au traité de Sèvres (1920) est confirmée, et les frontières de la Turquie sont revues (Armistice de Moudros, 1918, le traité de Lausanne, 1923). De nouveaux États apparaissent, tandis que la France et la Grande-Bretagne obtiennent des mandats en Syrie, au Liban et en Palestine. Les vainqueurs proposaient même la création d’États nationaux pour les Arméniens et les Kurdes.
La conférence économique internationale de Gênes
Les individus en haut de forme se congratulaient des six semaines écoulées où la montagne accouchait encore d’une souris. D’ailleurs, les puissances en présence acceptaient la prorogation de la conférence de Gênes, à La Haye le 15 juin 1922. Puis vint les discours où chaque convive se félicitait de l’avance historique, ne convainquant qu’eux-mêmes. Ainsi durant cinq heures, soixante-quinze allocutions s’enchaînaient « L’Europe n’est pas pour nous une simple expression géographique, une vague et mystique surpatrie, c’est une grande tradition du passé et une grande espérance d’avenir. L’Europe est traditionnellement fondée sur les traités. Attenter aux traités, c’est attenter à la vie de l’Europe », annonçait Maurice Colrat pour la France.
L’histoire n’est qu’un éternel recommencement. Car après l’acceptation du pacte de non-agression, chaque pays à travers le chef de délégation prit la parole. La Nouvelle-Zélande déclara qu’elle n’avait pas l’intention d’attaquer la Russie, le Canada, l’Afrique du Sud, les Indes, l’Australie emboîtèrent le pas sans difficulté, tout comme l’Islande, l’Albanie, le Portugal, l’Espagne… des traités étaient signés en coulisse. Ce découpage mit en couveuse les conflits de la mer Baltique au golfe Persique. Les vainqueurs européens — la France, l’Italie et la Grande-Bretagne — étaient financièrement et politiquement épuisés, le krach boursier de 1929, américain puis international terminait de tuer dans l’œuf les espoirs de paix pérenne.
La France ne put pas empêcher le pacte qui se nouait le 16 avril 1922 à Rapallo, un faubourg de Gênes. Il était signé par l’Allemagne et la République soviétique fédérative socialiste de Russie (RSFSR), qui donnera naissance à l’URSS le 30 décembre 1922. Il entérine deux accords principaux. Le premier est l’abandon des réparations de guerre. « L’Empire allemand et la R. S. F. S. R. renoncent réciproquement aux indemnités pour leurs dépenses de guerre ainsi qu’aux indemnités pour les dommages de guerre, c’est-à-dire pour les dommages résultant pour eux ou leurs ressortissants dans les zones de guerre de mesures militaires, y compris toutes réquisitions effectuées en territoire ennemi. Les deux Parties renoncent également aux indemnités pour dommages civils ayant été causés aux ressortissants d’une des Parties par les lois dites lois exceptionnelles de guerre ou par des mesures d’autorité prises par les organismes d’État de l’autre Partie », cite l’article 1er.
Le second stipule que « les relations économiques entre les deux nations devaient être normalisées et les citoyens de l’un ou l’autre des États résidant sur le territoire de l’autre devaient se voir accorder la reconnaissance et certains droits ». Mais celui qui n’apparaît pas, car non enregistré est sans aucun doute le plus important historiquement. Une clause secrète, qui n’a pas été publiée, a établi une coopération militaire entre les deux États, jusqu’en 1933.
Dettes et démocratie ne font pas bon ménage
Au printemps 1922, la conférence internationale de Gênes rétablit la convertibilité des devises, en prenant le dollar ou la livre sterling comme monnaie de référence. Les années d’après-guerre extrêmement difficiles, surtout pour les belligérants d’Europe qui sortent du conflit affaibli et endettés, vis-à-vis des États-Unis. Le versement des réparations allemandes est fixé en 1920 à 132 milliards de marks-or, dont 52 % pour la France. Le ministre français des Finances, Louis-Lucien Klotz, avait déclaré le 3 septembre 1918 : « Il faut que l’Allemagne paie le coût de la guerre ».
Le démantèlement et découpage des empires allemand, austro-hongrois, russe et ottoman refondent le continent européen, pour le meilleur et le pire. L’histoire dépeint le futur, car la démocratie est rapidement menacée en Italie ou en Allemagne, dans les années 1920. Les régimes autoritaires se multipliaient. Le totalitarisme apparaît comme des contestations violentes du système démocratique.
Le 1er décembre 1936, l’URSS se dote d’une nouvelle constitution à première vue démocratique, mais en réalité, Staline grâce au parti unique, le parti communiste, concentre les pouvoirs. Comme en République populaire de Chine. Mussolini, après sa marche sur Rome, obtient, lui aussi les pleins pouvoirs, le 25 novembre 1922. L’Italie plonge irrémédiablement dans un système totalitaire avec l’adoption des lois fascistissimes. Fortement affaiblie, l’économie allemande est touchée de plein fouet par la crise économique des années 1930. Usant de propagande et de la violence de rue qui tétanise ses adversaires politiques tout en brouillant le jeu démocratique, Hitler connaît une irrésistible ascension à partir de 1932. Le président Hindenburg le nommera à la chancellerie, le 29 janvier 1933.
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