dimanche, mars 17, 2024
Société

La Guerre, késako ? (dernière partie)

En Europe, et qui plus est en France il n’apparaît y avoir qu’une seule actualité depuis deux mois, hormis l’élection présidentielle et les législatives à venir. L’information est le déroulement de la catastrophique « guerre » qui se tient présentement entre la Russie et l’Ukraine. Les Français comme tous les citoyens européens semblent découvrir, à travers écrans interposés des faits et récits qui divergent selon les intervenants, les lieux de débats et le politiquement correct… les médias nous content ce conflit, mais est-ce l’unique sur Terre ?

Quel que soit le conflit, il est, et sera toujours regrettable de se rendre compte des atrocités que l’Homo Sapiens Sapiens est capable de commettre, ce sur les cinq continents, tant sur les morts, mutilés, tragédies humanitaire, victimes des bassesses de l’être humain. Si la communication est partie entière de la stratégie, que nous rencontrons avec l’affrontement situé sur le sol européen, elle est déjà traitée dans le précédent volet. Savez-vous, ou pouvez-vous imaginer le nombre de conflits qui se déroulent actuellement sur notre belle planète, qui est bleue comme une orange ? Pourquoi parle-t-on plus de celui-ci que des multiples autres ?

Les pays où des affrontements armés impliquant des forces étatiques comme des groupes rebelles sont en cours. (Crédits : Statistica)

Pour saisir la liste non exhaustive des conflits, guerre qui se sont déroulée hier, qui nous préoccupent aujourd’hui et nous terrifierons demain, il est nécessaire de porter un intérêt à la géopolitique. Ce terme qui peut être abscons, barbare est issu du grec gễ signifiant terre et de politikḗ pour politique. Elle est l’étude des rapports qui existent entre les données physiques, en particulier géographiques, et la politique des États. Plus simplement comment « ménager la chèvre et le chou ». C’est une méthode d’analyse de la politique étrangère pour comprendre, expliquer et prédire le comportement politique international à travers les variables dites géographiques. Maintenant, prenez comme paramètres d’ajustement des recherches sur le climat, la topographie, la démographie et les ressources naturelles.

Au jeu d’échecs, les pièces les plus insignifiantes possèdent une importance capitale. Roi et pion contre roi seul est une des finales élémentaires du jeu d’échecs.
« Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage », donne la fable du Lion et du rat de Jean de la Fontaine. (Crédits : Antoine-Louis de Prémonville/Revue Conflits)

La carte ci-dessus est extraite de l’article d’Antoine-Louis de Prémonville, écrit dans la revue Conflits, dont le titre est « La Nouvelle-Calédonie, un atout stratégique méconnu dans le Pacifique ». L’homme est diplômé des facultés de droit, sciences politiques et langues de l’université Jean Moulin-Lyon III. Titulaire d’un doctorat ès lettre, langues, linguistiques et arts. Il est officier de l’armée de terre, issu du 4e bataillon de l’École spéciale militaire de Saint-Cyr.

Ainsi, il est facile de comprendre, ou du moins dans saisir la moelle, que le territoire du bout du monde qu’est la Nouvelle-Calédonie, revêt une importance géopolitique. « Avec l’exacerbation des tensions liées à la rivalité économique sino-américaine et à la question de la souveraineté de Taiwan, le Pacifique est devenu le théâtre de confrontations à fleurets plus ou moins mouchetés entre les puissances. Le déplacement de l’arc des crises potentielles constitue indéniablement un défi pour la France », écrivait-il le 13 décembre 2021.

Des garçons marchent dans la vieille ville de Benghazi, en Libye. (Crédits : Giles Clarke/Unocha)

Les conflits

Si l’en est un qui est devenu si banal aux différents journaux télévisés, c’est bien le conflit armé birman qui commença en 1948, il y a 74 ans. En lisant Aung San Suu Kyi, lauréate du prix Nobel de la paix en 1991, vos souvenirs remontent. Seize années plus tard, c’est en Colombie que la poudre faisait chanter les armes. Les FARC retirées de la liste des organisations terroristes aux États-Unis en 2021, le pays de l’Oncle Sam était le soutien de l’armée colombienne contre les FARC. L’accord de paix de 2016 a mis fin à plus de cinq décennies d’un conflit armé qui a fait plus de 260 000 morts et des millions de déplacés. Il y a 49 ans, commençait la révolte Oromo en Éthiopie.

DébutGuerre-ConflitLieuNombre de victimes estimées
1948Conflit armé birmanBirmanie150 000 à 210 000
1964Conflit armé colombienColombie Venezuela262 197
1973Révolte OromoÉthiopie1500 à 8900
1978Conflit armé afghanAfghanistan1 450 000 et 2 084 468
1991Guerre civile somalienneSomalie Kenya550 000
1996Insurrection de l’ADFRépublique démocratique du Congo
Ouganda
10 000 à 15 000
1998Conflit ethniqueNigeriaplus de 70 000
1999Conflit armé d’itirubiRépublique démocratique du Congo60 000
2002Insurrection au MaghrebAlgérie, Bénin, Burkina Faso, Lybie
Mali, Niger, Tchad, Togo, Tunisie
plus de 25 000
2003Conflit armé irakienIrakplus de 1 000 000
Les estimations comprennent les pertes civiles et militaires, de la même manière que les décès indirects dus à la famine attachée au conflit, maladies et perturbations liées aux conflits, ainsi que les morts violentes. (Crédits : Political economy research institute/University of Massachusetts/ACLED/UN)

L’Afghanistan, magnifique pays, théâtre d’affrontement meurtrier depuis plus de quatre décennies en cinq actes. La première partie oppose, entre 1979 et 1989, les moudjahids, soutenus par les États-Unis, le Royaume-Uni et des pays de majorité musulmane au régime communiste afghan, soutenu par l’URSS. Cette guerre aboutit à la chute du mur de Berlin (1989), de l’URSS (1991) et du régime communiste en 1992. Puis, l’Alliance du Nord, groupe armé musulman afghan, dirigé par le commandant Massoud, échoue face à la prise de pouvoir des taliban en 1996. La guerre se poursuit entre les deux groupes jusqu’au 11 septembre 2001, date à laquelle sont perpétrés les attentats terroristes du World Trade Center.

Jeunes filles et leur famille déplacées par la violence à Kandahar, Afghanistan (Crédits : Charlotte Cans/Unocha)

Pour contrer ce fléau, la guerre reprend, menée par une coalition occidentale et l’Alliance du Nord contre les talibans, mais se solde par un retrait des troupes américaines en août 2021 laissant la capitale, Kaboul, aux mains du régime taliban. Les droits n’existent plus sur cette terre. En juin 2021 « on comptait 5 183 personnes tuées ou blessées depuis le début de l’année parmi la population civile, dont 2 409 femmes et enfants. Plus des deux tiers (68 %) de ces victimes étaient imputables aux talibans et à d’autres acteurs non étatiques et 25 % aux Forces nationales afghanes de défense et de sécurité (FNADS) et aux autres forces pro-gouvernementales », relate le rapport d’Amnesty International.

2003Guerre du DarfourSoudanplus de 300 000
2004Guerre du KivuRépublique démocratique du Congo
Rwanda, Burundi
de 607 000 à 6 000 000
2006Guerre du trafic de drogueMexiquede 230 000 à 350 000
2009Insurrection de Boko HaramNigeria, Cameroun, Tchad, Niger358 000
2011Guerre YéméniteYémen, Arabie Saoudite
Émirats Arabes Unis
377 000
2011Guerre civile syrienneSyriede 350 209 à 606 000
2011Guerre civile Soudan du SudSoudan du Sudplus de 380 000
2012Guerre du MaliMaliplus de15 000
2014Conflit russo-ukrainienRussie, Ukraineplus de 25 000
2017insurrection djihadiste au MozambiqueMozambique, Tanzanie5 000
2020Guerre du TigreÉthiopie, Érythrée, Soudande 300 000 à 500 000
DébutGuerre-ConflitLieuNombre de victimes estimées
Le crime de guerre a été défini pour la première fois en 1945 par le tribunal de Nuremberg chargé de juger les criminels nazis, le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) les détaille dans son article 8. Comme tout crime pour être jugé, il faut des preuves irréfutables. (Crédits : Political economy research institute/University of Massachusetts/ACLED/UN)

Pourquoi ce conflit occupe-t-il autant les médias ?

C’est une excellente question. Il est a supposé qu’il se déroule sur la partie EST du continent européen, et que les habitants de la zone la plus large se sentent plus concernés, car il est à leur porte. De plus, chaque année, peut-on entendre que c’est la plus grande période sans guerre en Europe, de la part des dirigeants. Mais jean de la Fontaine, dans la fable le Corbeau et le Renard, tenait une réponse « Mon bon monsieur, apprenez que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute. Cette leçon vaut bien un fromage sans doute », soufflait le renard au corbeau.

Le nombre de veto utilisés par les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU depuis 1946. La Russie a opposé le sien à une résolution pour condamner « l’agression russe ». Le texte avait été co-rédigé par les États-Unis et l’Albanie, onze pays, dont la France, ont voté en faveur, la Chine, l’Inde et les Émirats arabes unis se sont abstenus. (Crédits : DR)

Mais également, que la mémoire des individus est sélective, et que lorsque l’action se passe à plus de 50 kilomètres, elle est trop loin pour être impacté. Rappelez-vous du conflit basque 1959-2011 (1300 tués), conflit nord-irlandais 1968-1998 (3526 tués), la guerre en ex-Yougoslavie 1991-1999 (103 000 tués)… Aux portes de l’Ukraine, le conflit entre la Roumanie et la Moldavie du 2 mars au 21 juillet 1992 génère plus de 3 500 morts. La guerre en Tchétchénie causa entre 100 000 à 300 000 morts civils sur quasiment dix années de conflits. Comme les prémices du conflit qui nous occupe commencèrent en 2014, durant la révolte du 18 au 23 février. Elle met en opposition des forces pro-européennes et nationalistes ukrainiens, contre le gouvernement ukrainien (jusqu’à a sa chute) et des prorusses. Ce qui engendra l’annexion de la Crimée par la Russie, puis la guerre du Donbass qui fait suite aux cinq jours de février 2014. Le conflit oppose les Ukrainiens prorusses aux forces armées de l’Ukraine.

Dix mois après la prise d’armes par la guérilla des FARC qui a détruit près de 250 maisons et fait 5 morts parmi les policiers et 18 parmi les civils, la population, avec le soutien du gouvernement d’Antioquia, a organisé une marche de briques pour reconstruire son village. Grenade, octobre 2001. (Crédits : Jesús Abad Colorado)

« Maintenant nous avons besoin de décisions du Conseil de sécurité pour la paix en Ukraine. Si vous ne savez pas comment prendre cette décision, vous pouvez faire deux choses. Soit exclure la Russie en tant qu’agresseur et à l’origine de la guerre afin qu’elle ne bloque pas les décisions relatives à sa propre agression. Puis faire tout ce que nous pouvons pour mettre en place la paix. Ou l’autre option est de montrer que nous pouvons nous réformer ou changer (…). S’il n’y a pas d’alternative, la prochaine option serait de carrément vous dissoudre », a soutenu Volodymyr Zelensky. Pour qu’une résolution, quelle qu’elle soit, adopté il est nécessaire d’obtenir l’acceptation des cinq membres permanents de l’ONU, que sont la Chine, la Russie, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France. Ce qui est humainement étrange est de voir des personnes qui soutiennent Volodymyr Zelensky et d’autre Vladimir Poutine, comme chaque spectateur le ferait pour son candidat privilégié d’un télé-crochet, mais que savez-vous de l’histoire de ce pays ?

Il est alors préférable de saisir le contexte géopolitique, l’histoire des pays, de leurs voisins, de leurs constructions, de leurs présidents… mais prendre en considération un fait, que dans un conflit, il n’existe pas de bon ou de méchant comme dans les contes enfantins, mais au minimum deux belligérants.

Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

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