Pérégrinations

Un véritable parcours de folie pour une bande de Fous (46/55)

Après avoir étudié, après de longues attentes, le Whio, l’aventurier du bout du monde s’installe sur le siège passager de sa voiture de location pour rejoindre Morphée. Mais c’est sans compter le manque de place et un compagnon d’infortune toute la nuit. Pour observer la colonie de Fous austraux, une aventure dans l’aventure se propose. C’est donc encore une expérience où l’humilité est de mise face à Dame nature. Mais, chemin faisant, Flavien conduit vers son camping quand un barrage des forces de Police lui intime de s’arrêter : son souffle est requis…

Ce matin, Flavien programme le réveil à 6 h 30 pour aller observer le canard bleu, une nouvelle fois. Mais c’est un autre invité qui marque de sa présence la nuitée. « Un moustique qui est resté dans la voiture cette nuit m’a dévoré », explique-t-il d’un œil revanchard. Cette rencontre fortuite a éveillé à maintes reprises le naturaliste. En plus, comme attendu, « je n’avais pas la place pour mes jambes comme dans la précédente voiture… »

Seul face au danger

Mais l’envie d’observer à nouveau le Whio, repousse ses désagréments au second plan. « À peine éveillé, je prends le volant pour les trois kilomètres qui me séparent du spot d’hier soir. » Les canards ont depuis la veille changé de place. « Je les retrouve en amont de la rivière. » Ainsi, durant près d’une heure, à une dizaine de mètres, le baroudeur reste, un sourire béa, à les contempler tels des trésors de la nature. Ce moment de béatitude est rompu à l’arrivée d’un pêcheur. L’aventurier lorgne, au loin sur l’asphalte.

Son objectif prochain se trouve à Napier, à 180 km d’ici ; soit à près de deux heures trente de route. « J’aimerais observer la plus grande colonie de Fous Austraux », ajuste Flavien. Mais un léger détail s’ajoute. Pour ce faire, il faut se présenter à marée basse, longer les falaises sur neuf kilomètres. « Aujourd’hui la marée est haute à 13 h 55. Ça ne m’arrange pas… » Arrivé vers 11 h, après avoir traversé les paysages de l’est sous quelques gouttes, il délivre les dernières cartes postales. « Je me rends au New World Green Meadows pour acheter quelques viennoiseries et une pizza pour ce midi. » À l’ombre d’un arbre, Flavien se restaure et se repose, car la journée est loin d’être terminée…

Peu après 13 h, le naturaliste s’engage vers le centre-ville, connu mondialement pour son architecture Art déco. « Je retrouve l’ambiance des villes d’Amérique du Sud. » La cité vit, le 3 février 1931, un séisme de magnitude de 7,8 sur l’échelle ouverte de Richter. Cet épisode marquera à jamais la région.

Face à la nature

Après la demi-heure d’asphalte le séparant du point de départ de randonnée des Fous austraux Cape Kidnappers Track (Te Kauwae-a-Māui), Flavien débute à 15 h. « La marée est encore haute. » L’horaire de marée basse s’affiche à 20 h 7. Un passionné d’origine allemande attend lui aussi. Il patiente une heure avant de s’élancer, souligne Flavien. Des panneaux informent du danger des marées et des chutes de pierres issues des falaises hautes de 60 mètres. « J’y vais ! » Deux kilomètres sans encombre, jusqu’au premier blocage.

« Je peux continuer en quittant mon pantalon… mais c’est la porte ouverte à n’importe quoi », avoue le baroudeur avec humilité. Les 18 km sont donnés pour cinq heures, sans le temps de photographier les oiseaux. « Je suis attendu au camping situé à 30 minutes de route pour 21 h : le timing est serré. » (Crédits : Flavien Saboureau)

Tandis que l’océan Pacifique Sud se retire doucement, il continue sa route. « Je n’étais pas très rassuré sous ces falaises prêtes à s’écrouler. » Elles ressemblent beaucoup à celles d’Étretat, constate l’aventurier du bout du monde. Arrivé à deux kilomètres, un petit cap, où nichent déjà quelques individus, est clos par un mètre d’eau.

Sans pantalon, les pieds dans l’eau

Combien de temps encore dois-je poireauter ? L’aiguille tourne, bout-il d’impatience. « Hop, en caleçon ! » L’eau affiche 18 °C, les chaussures et le pantalon s’accrochent au sac à dos. Plusieurs tentatives sont nécessaires face au ressac des vagues. Le naturaliste poursuit pieds nus « J’ai bien fait, une nouvelle avancée me barre la route, décidément… »

À force d’arrêt, d’impatience et de rochers, l’Allemand le rattrape, son heure de départ était plus efficiente, admet-il. En effet, rien ne sert de courir : il faut partir à point, explique la fable de La Fontaine, « Le lièvre et la Tortue ».

Le duo franco-allemand s’entraide.

« On s’épaule pour escalader l’avancée qui nous barre la route. » L’envie de traverser à la nage, le sac sur la tête refroidit le tandem. Par la suite le terrain s’améliore. Ils quittent la plage. Un dernier effort avant de toucher au but. Ils s’attaquent au dénivelé jusqu’à l’énorme colonie de plusieurs milliers d’oiseaux à 104 mètres d’altitude. À Gannets Colony, à l’extrémité d’un cap, tout près d’un phare : « Il est déjà 18 h  ». (Crédits : Flavien Saboureau)

Pendant près d’une heure, il les photographie. « C’est la première fois que je vois une aussi grosse colonie d’oiseaux qui ne sont, ni des albatros ni des manchots. » L’ambiance olfactive et auditive est identique. L’aventurier imagine découvrir de nombreux touristes venus se délecter du spectacle, mais les nidicoles n’auront aperçu que les deux passionnés aujourd’hui. Le moment, trop court, aura été magique, mais ils doivent repartir. « Il est 19 h. Mais il reste à minima deux heures de marche, et la nuit tombe à 20 h 30. »

La joie de partager ce moment est inoubliable. Son binôme se nomme Simon. Il a 27 ans, exerce la profession d’architecte, et a déjà visité plus de 40 pays. Petit joueur, suis-je avec mes douze ou treize contrées, songe Flavien. Un danger surprend le duo. « Il a failli laisser une de ses chaussures dans un sable mouvant. »

Arrivés sains et saufs, ils cheminent grâce aux rais de lumière partagés par notre satellite. « Lui reste dormir dans son van. Moi, je prends la route pour rejoindre le camping à une demi-heure : j’espère qu’il est encore ouvert. » Tenu par le temps, il scrute sa montre. Puis, sur la route, un barrage policier l’arrête. « Je crois que la dernière fois que cela m’est arrivé, c’était au Chili avec David » Ils le font souffler. « Le moment doit être lunaire, vu de l’extérieur. L’appareil n’est pas le même qu’en France. Je cherche le tuyau, mais il n’y a rien. » (Crédits : Flavien Saboureau)

Le policier présente un appareil devant la bouche, en lui intimant de parler dedans. Il détecte si vous avez récemment bu de l’alcool. Si l’alcool est décelé, un test de dépistage est effectué. « Je me demande ce qu’il me dit avec one, two, three… » Cet arrêt inopportun n’entrave en rien la suite. « Arrivé au camping, tout s’enchaîne bien, une petite note m’attend avec mon prénom. Je monte la tente, prends une douche et mange des pâtes et du jambon blanc acheté ce midi. » À minuit et demi, il sombre dans les bras de Morphée avec encore de belles histoires à raconter. À suivre…

Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

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