Société

Pas plus de 40 à Paris

Non, il ne s’agit pas de la canicule qui a frappé l’Europe, mais de la vitesse maximale autorisée en 1911, notamment à Paris. Si les panneaux de signalisation font partie du décor, les chiffres qu’ils affichent sont le fruit de décennies de décisions politiques, de débats publics et d’évolutions techniques. Depuis les premières limitations imposées à la fin du XIXᵉ siècle jusqu’à l’instauration du 80 km/h sur certaines routes secondaires en 2018, les seuils de vitesse traduisent bien plus que de simples préoccupations de sécurité routière.

Entre impératif de protection des usagers, contraintes écologiques et crispations sociales, la limitation de vitesse devient un marqueur révélateur des tensions entre liberté individuelle et intérêt collectif. La toute première réglementation applicable aux automobiles naît avec l’ordonnance du préfet de police Louis Lépine, le 14 août 1893. Depuis, de nombreuses villes limitent la vitesse maximale autorisée dans leurs agglomérations à 30 km/h. Tandis qu’en Europe certains pays font marche arrière sur les limitations.

Limiter pour mieux protéger ?

Le 30 mai 1851, la loi relative « à la police du roulage et des messageries publiques » est le texte fondateur de la sécurité routière. Le 16 août 1889, Léon Serpolet décroche le premier agrément de circuler sur un tricycle… à 16 km/h. Louis Lépine est à l’origine du « certificat de capacité ». La duchesse d’Uzès est la première femme à l’obtenir en 1897. Deux années se passent quand le décret en date du 10 mars 1899 rend obligatoire sa détention pour conduire un véhicule terrestre à moteur. Le 31 décembre 1922, il devient alors le « permis de conduire » ; quant à la suspension, elle n’existe qu’à partir du 12 avril 1927.

Asphalte, trente, panneau

En 1893, la vitesse maximale autorisée (VMA) est de 20 km/h en rase campagne et 12 km/h en agglomération pour les voitures à pétrole. À l’époque, il s’agit moins de sécurité que… de préserver les chevaux et d’éviter les poussières. Ces seuils, ridicules au regard des performances actuelles, visaient à encadrer les premiers « fous du volant » qui, déjà, inquiétaient les autres usagers. Les vitesses maximales augmentent le 10 mars 1899 à respectivement 30 et 20 km/h. L’obligation de se ranger à droite apparaît le même jour.

L’évolution technologique des véhicules s’accompagne d’une régulation progressive. En 1954, une VMA de 60 km/h est instaurée en ville, suivie en novembre 1973 d’une mesure phare, conséquence du choc pétrolier. L’abaissement à 90 km/h sur les routes et à 130 km/h sur autoroute, en réaction à la flambée des accidents mortels (16 861) et au choc pétrolier.

Le choc pétrolier de 1973

Mais, en mars 1974, sous la présidence de Georges Pompidou, la VMA est augmentée à 140 km/h, ce jusqu’au 6 novembre 1974. Le décret officiel fixe les vitesses maximales à 130 km/h sur autoroutes, à 110 km/h sur voies express et 90 km/h sur les autres routes. En 1990, la vitesse s’uniformise à 50 km/h, en agglomération, puis des communes l’abaissent à 30 km/h.

Plus récemment, en juillet 2018, la décision du gouvernement d’Édouard Philippe d’abaisser la vitesse à 80 km/h sur certaines routes. Mais la loi dite « LOM » de 2019 permet aux départements de relever cette limite à 90 km/h… ce qu’ont fait plus de 30 départements à ce jour, notamment dans l’ouest, le nord et le centre de la France. Les limitations sont, comme les politiques et la politique, changeantes. Des raccourcis autoritaires sont effectués, car plus personne ne prend le temps. (Crédits : Markus Spiske/Pixabay)

Même dans l’apprentissage, nous brûlons les limites de vitesse autorisée. Pourtant, il est souvent nécessaire d’expliquer avec simplicité le pourquoi du comment. Ainsi, quand on parle de freinage d’urgence, tous évoquent la distance totale pour s’arrêter. Elle est — la distance d’arrêt (Da) — le temps de réaction (Tr) additionné à la distance de freinage (Df). Tr = v (en m.s⁻¹) x t (en s), soit pour 90 km/h, la vitesse est de 25 m/s. Soit 25 mètres parcourus en une seule seconde. Pour la Df = v²/2 a. La vitesse en mètre par seconde « a » la décélération 7 m.s⁻² sur route sèche, et en moyenne 4 sur route mouillée. Soit, pour 90 km/h, sur la route des vacances, une distance d’arrêt totale de Dt = (v x t) + (v x t) + (v²/2a). Ici Dt = (25 + 44,64), d’environ 70 mètres.

Les enjeux de limitation de vitesse

Plus les années défilent, plus les routes semblent de plus en plus limitées. Réduire la vitesse est un levier multiple qui touche à la sécurité routière, à la santé publique, à l’environnement et même à la cohésion sociale. Selon la Sécurité routière, un accident sur trois est directement lié à une vitesse excessive ou inadaptée. La probabilité d’être tué dans un choc augmente exponentiellement avec la vitesse.

À 50 km/h, un piéton a une chance sur deux de survivre. À 70 km/h, c’est quasiment nul. La réduction à 80 km/h sur les routes secondaires aurait, selon les chiffres officiels, permis de sauver 349 vies en deux ans (2018–2019), malgré la fronde de nombreux automobilistes et élus locaux.

Moins de vitesse, c’est aussi moins d’émissions de CO₂. À 110 km/h sur autoroute, une voiture moyenne consomme 10 à 15 % de carburant en moins qu’à 130 km/h. C’est pourquoi certaines ONG, et politiques plaident pour une limitation généralisée à 110 km/h, voire à 100 km/h, dans un contexte de lutte contre le changement climatique. La volonté est l’arrêt, pour les mêmes visées, des voitures thermiques. Pour les remplacer par des véhicules électriques moins polluants à l’utilisation, mais pas à la construction. Un changement de paradigme. (Crédits : Ralph Drasba/Pixabay)

Voiture, vitesse, circulation

Concernant la question de la vitesse, elle est autant culturelle que technique. Elle touche au rapport à l’espace, au temps, et à la liberté de mouvement. Reste une question sensible : celle de l’acceptabilité. Sur les routes françaises, le paysage réglementaire est morcelé. La vitesse autorisée dépend non seulement du type de voie, mais aussi du contexte local, urbain ou rural, de la météo et parfois… du bon vouloir du maire ou du préfet.

Zone 30, zone de rencontre… et 30 km/h

En ville, le passage de 50 à 30 km/h affiche une volonté, une transition en cours. La vitesse maximale en agglomération est officiellement de 50 km/h, sauf indication contraire. Mais dans les faits, les zones 30 se multiplient, notamment autour des écoles, des centres-villes et dans les « villes apaisées ». Paris, Grenoble, Nantes, Rennes, Lille, Strasbourg et Poitiers ont déjà généralisé cette limitation sur la quasi-totalité de leurs voiries. Il n’est pas rare de pester contre les usagers de bicyclettes, de trottinettes quand nous sommes au volant de notre voiture.

Bouchon, ruelle, code de la route

D’autant que nous sommes toujours pressées — les enfants à déposer à la crèche, dans les écoles, les bouchons, les horaires de travail… — ; qui plus est dans une zone à 30 km/h…

Abaisser la vitesse à 30 km/h en ville est louable. Elle se veut protectrice des plus vulnérables : piétons, enfants, cyclistes. À cette vitesse, le risque de décès en cas de collision chute drastiquement. C’est aussi moins de bruit, moins de stress, une meilleure cohabitation des usagers… C’est une évolution nécessaire, face à des centres urbains saturés. Loin d’être une contrainte arbitraire, cette limitation est un outil de prévention efficace, validé par les faits. La route se partage, et la sécurité ne devrait jamais être négociable.

Le respect dans le partage de la route

Mais, car il y a un mais. Cet abaissement engendre d’autres modifications, notamment en ce qui concerne les deux roues. Saviez-vous — qu’après avoir été testé en France dès les années 1990 — que la généralisation des doubles sens cyclables est rendue obligatoire dans les rues à sens unique, en zone 30 et en zone de rencontre ?

Rendu obligatoire par un décret n° 2008-754 du 30 juillet 2008 (art. 13) faisant référence à l’article R110-2 du Code de la route. Pour autant, c’est le maire de la commune qui, par arrêté municipal, instaure une ou plusieurs zones 30. Concernant les zones de rencontre, nos amis cyclistes et autres propriétaires des véhicules autorisés devraient lire l’article susnommé : « Dans cette zone, les piétons sont autorisés à circuler sur la chaussée sans y stationner et bénéficient de la priorité sur les véhicules. La vitesse des véhicules y est limitée à 20 km/h. » (Crédits : DR)

Les cyclistes sont autorisés à prendre à contre-sens des voies de circulation, comme à Cenon. Les zones 30 sont définies par une « section ou ensemble de sections de voies constituant une zone affectée à la circulation de tous les usagers. Dans cette zone, la vitesse des véhicules est limitée à 30 km/h. Toutes les chaussées sont à double sens pour les cyclistes, les conducteurs de cyclomobiles légers et les conducteurs d’engins de déplacement personnel motorisés, sauf dispositions différentes prises par l’autorité investie du pouvoir de police. […] » Ce qui a soulevé une question au Sénat, c’est qu’il y a un hic. Quand cela se déroule dans une ville construite au Moyen Âge. Le coût engendré comme la disposition des rues rend les choses parfois compliquées. Parfois, les deux roues circulent volontairement sur les trottoirs et demandent aux piétons, par leur sonnette, de les laisser passer, car un bus arrive en contre-sens.

Elise Dardut

Épicurienne, je reste une jeune femme à l’aise dans son corps et dans sa tête. Je pense par moi-même, j’agis par moi-même, j’entends les conseils et n’écoute que mon intuition. « Le jour où l’homme aura la malice, la finesse et la subtilité de la femme, il sera le roi du monde… mais ce n’est pas pour demain », me chantait mon grand-père. Il m’a appris que « les seuls beaux yeux sont ceux qui vous regardent avec tendresse. » (Coco Chanel) Depuis, je m’évertue, pour qui veut bien entendre et écouter, à distiller des graines ici et là, au gré du vent. Un proverbe indien explique que « si vous enseignez à un homme, vous enseignez à une personne. Si vous enseignez à une femme, vous enseignez à toute la famille » Il est temps d’inverser les rôles et admettre l’équité, non ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *