
Quand Flavien passe près de la correctionnelle (43/55)
Ce matin-là, le réveil sonne à 6 h 45. La nuit a été humide, tout est à nouveau trempé. Le jour s’apparente à la nuit, le ciel est rempli de nuage, filtrant la chaleur du soleil. Mais pour boucler ce triptyque autour du Tongariro, Flavien doit mettre les bouchées doubles. Mais c’est aussi une journée placée sous le signe de la rencontre. Les nycthémères se suivent et se ressemblent. « Comme hier les nuages empêchent le soleil de paraître », se désole Flavien. L’ensemble de son matériel devra attendre la soirée pour sécher à l’auberge.
Peu avant huit heures, l’aventurier file en direction de Whakapapa pour clore ce chapitre de trois jours. L’ultime étape de quinze kilomètres est donnée pour 5 h 45. « Selon les prévisions météorologiques, il doit pleuvoir pour midi. » Flavien enclenche la seconde, pour éviter de se mouiller. Les paysages similaires à hier forment une boucle temporelle.
Une dépendance, malgré lui, au smartphone
Aucune nouvelle espèce ne s’offre à lui. Les nuages étreignent le trio volcanique. Le sentier aménagé est propice à l’accélération, le baroudeur fuse à 4 km/h. « Il n’y a pas grand-chose à raconter… si ce n’est que le Ruapehu s’est découvert quelques minutes, histoire que je fasse quelques photos, avant de retrouver sa coiffe blanche. » Chemin faisant, la cascade, Taranaki fall, ne laisse pas l’aventurier pantois. Décidé, il arrive vers onze heures trente à destination.

« Finalement, 3 h 45 plus tard, j’arrive au village », explique-t-il la mine radieuse. En effet, il met ainsi un terme à la marche longue et monotone de la matinée. D’autant qu’il trouve un point Wi-Fi à l’accueil. Ce qui lui permet d’identifier quelques belles encore inconnues à ses yeux. Mais avant de contenter sa curiosité culturelle, en visitant le petit musée de la maison du parc, « je mange le fromage et le pain qu’il me reste ». L’espace-temps s’allonge et se distord. « Je traîne pas mal, car je profite du Wi-Fi gratuit. » Peu après quatorze heures, l’aventurier du bout du monde tend son pouce gauche vers l’asphalte. Dix minutes s’écoulent, quand un véhicule le prend en stop. C’est une compatriote qui s’arrête, et cerise sur le gâteau. « Elle va à la même auberge que moi, c’est beau ! »
Croque-Monsieur au menu
La YHA National Park Backpackers & Climbing Wall, bien nommée. Mais avant de profiter du confort d’une douche et de son utilité qui n’est pas à démontrer, « je passe à la supérette acheter des timbres et à manger pour la suite, ce soir, croque-monsieur au menu ».
Je n’avais pas encore imaginé à en faire, c’est pourtant si simple, pense-t-il à voix haute… Le goûter à base de yaourt, de mueslis et de banane le refait. Bien repu, « j’accompagne Idonie à la salle d’escalade ». Attenante à l’auberge, son mur de huit mètres ravive les passions. Flavien y loue un baudrier. « Je passe un peu plus d’une heure à l’assurer, il y a longtemps que je n’avais pas fait ça. »
Elle est Anglaise, Française et Belge. Elle bourlingue depuis ses 18 ans. « C’est son 250e jour de voyage… petit joueur je suis », conçoit le naturaliste. Puis, il s’exclame en pensée : « Enfin, j’ai quand même vécu près d’un demi-millier de jours sur Amsterdam. » Avant, elle était au Canada, en Colombie, puis elle s’envole aux États-Unis après… (Crédits : Aciphylla squarrosa — Apiaceae/Flavien Saboureau)
Vers dix-huit heures, pendant que la machine à laver le linge fait son office, Flavien se lance dans l’écriture de quelques cartes postales. Les deux « backpackers » cuisine au barbecue. Le duo discute à bâtons rompus, jusqu’à la nuit tombée. Détail qui a son importance, la maman d’Idonie est aussi botaniste et elle bosse dans la production des vaccins. « Ce soir je voulais naviguer, parler, mais le mot de passe du Wi-Fi que j’avais sur un ticket s’est effacé pendant la rando, avec la friction dans mon porte-monnaie ; l’accueil n’étant pas ouvert, je ferai sans. »
À quelques secondes près
« Ce matin-là, je ne suis pas pressé. Mon bus pour Auckland est réservé pour 13 h 40. » Flavien émerge comme l’aube, tranquillement. Alors que Casimir concocte un Gloubi-boulga, Flavien se prépare son petit déjeuner au top : le reste du mégayaourt mélangé à des céréales et une banane.
Il est 13 h 30 quand il se dirige vers l’arrêt de bus. L’aventurier du bout du monde ne se précipite pas. « Qu’est-ce que je vois ? Le bus qui prend la route », s’insurge Flavien.
Le naturaliste s’agite, produit de grands gestes en direction du chauffeur. Ce dernier lui répond par des appels de phares, puis stoppe. « Il m’explique m’avoir téléphoné hier pour dire qu’il partait plus tôt aujourd’hui. » Mais comme le mot de passe pour se connecter au Wi-Fi s’est effacé, que l’accueil était fermé, Flavien n’a pas pu recevoir de messages ou d’appels.
« Un peu plus je le loupais alors que j’étais à l’heure, elle aurait été bonne celle-ci. » Soulagé, mais légèrement stressé, le naturaliste arrive à redescendre en tension. Comme à l’aller, un très long arrêt a lieu à Taumarunui… pour changer de chauffeur. Il en profite pour manger le reste de yaourt. (Crédits : Marius Mann/Pexels)

Auckland est annoncé peu avant vingt heures. « Je me dirige vers l’auberge Surf’n Snow Backpacker. Ils ont de la place, top ! », se réjouit Flavien. Sauf que la chaleur dans la chambre est incroyable. Qui plus est un pensionnaire dort. Il est assisté d’un appareil facilitant la respiration. « J’appréhende pour les ronflements cette nuit », glisse-t-il. Mais avant de se coucher, il achète une pizza à un petit prix. « … On dirait du plastique, pas un bon plan, la bouffe ici… » À suivre…
