mardi, mars 19, 2024
Société

Un Génocide, késako ?

Le terme a été utilisé le 12 avril 2022 par le président américain Joe Biden, puis par le Premier ministre canadien, Justin Trudeau pour qualifier les actions perpétrées en Ukraine. Biden a accusé son homologue russe Vladimir Poutine de mener un « génocide » en Ukraine. Ce mot était jusque-là employé par Volodymyr Zelensky, mais jamais par l’administration de l’oncle Sam. En France, Emmanuel Macron tempérait son usage, au grand dam du pouvoir ukrainien, jugeant sa position de « décevante », mais qu’est-ce qu’un génocide ?

L’Organisation des Nations unies, anciennement la Société des Nations, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale définissait le « génocide ». Il est issu du grec genos (race) et du latin cide (tuer). Il désigne l’extermination physique, intentionnelle, systématique et préméditée d’un groupe humain ou d’une partie d’un groupe en raison de ses origines. L’expression est employée pour la première fois par son créateur, Raphaël Lemkin (1900-1959), réfugié polonais de confession juive, professeur de droit international aux États-Unis. Marqué par les violences de masse en Arménie (1915), il souhaitait un nouveau terme pour définir et rendre compte de l’ampleur, de la nature des crimes nazis. S’il n’est pas encore usité lors du procès de Nuremberg (1945-1946).

« Oui, j’ai parlé de génocide parce qu’il est devenu de plus en plus clair que Poutine essaie simplement d’effacer l’idée de pouvoir être ukrainien et les preuves s’accumulent », martelait Biden. Le 23 décembre 2021, il signait la loi sur la prévention du travail forcé chez les Ouïghours, dans le contexte du génocidaire au Xinjiang. (Crédits : Al Drago/REUTERS)

Il est aujourd’hui présent dans l’article 6 du statut de la Cour pénale internationale. La résolution 96 du 11 décembre 1946, de l’ONU définit le génocide de l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :

  • Meurtre de membres du groupe
  • Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe
  • Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle
  • Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe
  • Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe

L’adoption de la convention sur le génocide date du 9 décembre 1948, et entre en vigueur le 12 janvier 1951. Si 149 États l’ont signé, peu d’entre eux ont ratifié les 18 traités internationaux relatifs aux droits de l’homme. D’ailleurs, la convention ajoute dans l’article III que seront punis les actes suivants, à savoir, le génocide, l’entente en vue d’en commettre un, l’incitation directe et publique à le commettre, sa tentative et la complicité dans le génocide. À ce jour, trois génocides sont reconnus par l’ONU. Elle admet le génocide des Arméniens perpétré par l’Empire ottoman, en 1915-1916, celui des Juifs par les nazis, de 1941 à 1945, et le génocide des Tutsis commis par le pouvoir hutu, au Rwanda, en 1994.

Violences et Génocides

La différence entre violence menée contre une ethnie et un génocide est l’apanage des historiens, et juristes. Ainsi, l’Allemagne reconnaît, en 2015 les cruautés contre les Héréros et les Namas en Namibie entre 1904 et 1905. Le massacre des Cambodgiens de 1975 à 1979 est discuté, l’objectif des Khmers rouges ayant été dans un but d’uniformisation idéologique, ethnique et religieuse. Leur peuple et non de destruction (près de 2 millions de morts). Les brutalités perpétrées durant la guerre de libération du Bangladesh en 1971, une campagne de viol des femmes et l’épuration ethnique font partie de la répression à outrance de la rébellion bengalie par l’armée pakistanaise et des milices islamistes.

Justin Trudeau tenait des propos similaires à la déclaration d’Emmanuel Macron : « Je dirais que la Russie a déclenché d’une manière unilatérale une guerre brutale, qu’il est maintenant établi que des crimes de guerre ont été faits par l’armée russe et qu’il faut maintenant en trouver les responsables ». (Crédits : Sean Kilpatrick/La Presse canadienne)

Sans oublier celles que subirent les Amérindiens par le peuple qu’allaient devenir les citoyens des États-Unis d’Amérique, mais il est juridiquement nécessaire de définir, voire d’élargir le terme de Génocide. Des historiens défendent le principe de la prise en compte de certains massacres, ou mortalités de masse, qui permettrait d’éviter une forme de banalisation. Des cas évoluent, tels la suite donnée à la Guerre du Darfour, et emprisonnement de Omar el Bechir. Le 14 décembre 2019, il est incarcéré pour deux ans. Il est mis en accusation par la Cour pénale internationale pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre dans le cadre de la guerre du Darfour, sans être à ce jour, jugé… car non rendu par la République du Soudan à la CPI.

Envolées lyriques de dirigeants

Outre-Atlantique, les prises de parole sont devenues joutes verbales s’amusant de la communication, pour permettre ou non de diriger les sentiments des différents peuples, sans que ces derniers ne puissent vérifier les dires des journalistes et médias. « Il est de plus en plus clair que Poutine essaie simplement d’effacer l’idée même de pouvoir être un Ukrainien », développait le président américain lors d’un déplacement dans l’Iowa. Pour l’homme d’État, il est avare de doute, « Nous laisserons les juristes décider au niveau international s’il s’agit ou non d’un crime, mais il me semble que c’est le cas ». Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale enchérissait, car « sur la base de ce que nous avons vu jusqu’à présent, nous avons vu des atrocités. Nous avons vu des crimes de guerre. Nous n’avons pas vu un niveau de privation systématique de la vie du peuple ukrainien qui s’élève au niveau du génocide. »

« Il existe de fait un risque de dérive verbale, le terme étant souvent employé dans le but de frapper les consciences. » Le président de la République française et candidat à sa réélection s’est voulu plus modéré, évoquant que l’escalade des mots ne servait aucunement.

Joe Biden affirmait que les « preuves s’accumulaient » sur les « choses horribles qu’ont faites les Russes en Ukraine », il prédisait que le monde « en découvrirait encore davantage sur la dévastation ». Un autre président américain, Georges W. Bush persuadait quasiment l’entièreté de la planète Terre que des armes de destructions massives se trouvaient en Irak… l’Histoire amène toujours la vérité, tôt ou tard… Plus au nord, Justin Trudeau estime « qu’on peut de plus en plus parler de génocide » en Ukraine. Il évoquait d’ailleurs que les atrocités perpétrées par « […] l’armée russe, que Poutine est en train de commettre en Ukraine », sont « tout à fait inacceptables » mentionnant notamment les attaques délibérées contre des civils et l’utilisation de la violence sexuelle comme arme de guerre, mais pas au point d’envoyer des troupes de l’OTAN sur le terrain.

Le président russe Vladimir Poutine dénonçait le 15 février 2022, lors d’une conférence de presse organisée à la suite des entretiens russo-allemands que « selon nos estimations, ce qui se passe aujourd’hui dans le Donbass est un génocide. » (Crédits : Oleksandr Klymenko/REUTERS)

Sur la tempérance du président français, le porte-parole de la diplomatie ukrainienne, Oleg Nikolenko, réagissait promptement, jugeant « décevante » la position de la présidence française. « S’ils sont vrais, de tels propos sont très blessants pour nous », déclarait Volodymyr Zelensky lors d’une conférence de presse commune avec les chefs d’État polonais, lituanien, estonien et letton, en visite à Kiev. « Je ferai de mon mieux pour discuter de cette question avec M. Macron aujourd’hui. Si ce n’est pas le cas, alors demain, quand il trouvera le temps », a-t-il ajouté. La Russie, de son côté, se défend en dénonçant une « mise en scène » et des « falsifications » orchestrées par les Ukrainiens et destinées à lui nuire. Il y a donc un enjeu intellectuel et pédagogique dans l’emploie du terme « génocide » à bon escient, comme « stratégie ». Une typologie des violences de masse existe, ce qui donne des nuances d’approches. L’ethnocide est l’éradication culturelle d’un groupe sans qu’il n’y ait nécessairement massacre de masse, l’épuration ethnique est son éradication d’un territoire, et le politicide qui est le massacre d’un groupe pour raisons politiques.

Elise Dardut

Épicurienne, je reste une jeune femme à l’aise dans son corps et dans sa tête. Je pense par moi-même, j’agis par moi-même, j’entends les conseils et n’écoute que mon intuition. « Le jour où l’homme aura la malice, la finesse et la subtilité de la femme, il sera le roi du monde… mais ce n’est pas pour demain », me chantait mon grand-père. Il m’a appris que « les seuls beaux yeux sont ceux qui vous regardent avec tendresse. » (Coco Chanel) Depuis, je m’évertue, pour qui veut bien entendre et écouter, à distiller des graines ici et là, au gré du vent. Un proverbe indien explique que « si vous enseignez à un homme, vous enseignez à une personne. Si vous enseignez à une femme, vous enseignez à toute la famille » Il est temps d’inverser les rôles et admettre l’équité, non ?

2 réflexions sur “Un Génocide, késako ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *