dimanche, mars 17, 2024
Le saviez-vous ?

Ne le dis à personne ! C’est un secret… de polichinelle

Une expression en cache une autre. Tête de Turc fait appel à une histoire d’un siècle passé. Elle ne possède pas de lien direct avec l’Empire ottoman. Elle pourrait s’apparenter à n’importe quelle figure. La rumeur est comme une odeur nauséabonde qui se répand à la hauteur de ceux qui la propagent. Elle est aussi une arme de destruction à fins politiques, commerciales… elle sert celui qui la lance, ou celui qui a payé pour le déclencher. Mais ça reste un secret de polichinelle.

La définition de la rumeur est le bruit, une nouvelle incertaine, parfois inquiétante et dont on ignore l’origine, qui circule de bouche à oreille, indique l’Académie française. La rumeur court, se propage, enfle. Elle est souvent l’avis du plus grand nombre, généralement défavorable à l’égard d’une ou de plusieurs personnes. La rumeur publique l’accusait. Il devient la tête de Turc sur laquelle tout le monde s’acharne.

« Tu te rappelles l’histoire de l’ancien maire », questionne Sépa.

« Quelle histoire ? », réponds Séki

« La rumeur de favoritisme pour le choix de l’arbre de Noël de la mairie »

« Oui, la rumeur ridicule, l’être humain est ignoble »

« Devenant la tête de Turc, elle lui a coûté la réélection »

« Comme pour la fin tragique de Roger Salengro »

Roger Salengro, homme politique français a vu des rumeurs se répandre comme une traînée de poudre. Il fut soupçonné d’avoir fui devant l’ennemi dans une France encore marquée par la Première Guerre mondiale. Le 29 octobre 1936, une commission d’enquête dirigée par le général Gamelin délivre un rapport qui confirme son innocence. Devenu tête de Turc, Roger Salengro s’ôte la vie le 17 novembre 1936, affecté par la campagne incessante de calomnies.

Il n’y a pas d’antidote contre le poison de la calomnie. Une fois versé, il continue d’agir quoiqu’on fasse dans le cerveau des indifférents, des hommes de la rue comme dans le cœur de la victime. Il pervertit l’opinion, car depuis que s’est propagée, chez nous, la presse de scandale, vous sentez se développer dans l’opinion un goût du scandale. […] celui qui publie ainsi la calomnie devient un complice involontaire du calomniateur.

Léon Blum – 22 novembre 1936

Tête de Turc

Le journal Le Charivari est le quotidien illustré satirique qui fut le premier du genre au monde. Il publie le 3 juin 1846, un nouveau numéro dans lequel on peut lire : « En fait d’autres divertissements orientaux, on trouvera au Château-Rouge le tir à l’oiseau égyptien, le jeu de Siam, et une grosse tête de Turc que laquelle le vainqueur de Nézib viendra appliquer un énorme coup de poing pour essayer ses forces. » (extrait du numéro 154 de Le Charivari, BnF/Gallica)

Les quotidiens qui titillent, caricaturent les hommes et femmes publics ont en commun un ancêtre gaulois et bien français. (Crédits : Le Charivari/BnF/Gallica)

L’origine vient des lieux de fête foraine. Quant à la fin du XIXe siècle, les forains proposaient aux chalands une attraction qui consistait à mesure sa force en tapant sur une tête enturbannée. Mais il ne faut pas se tromper de cible, car une autre expression explique « être fort comme un Turc ».

Secret de Polichinelle

À l’heure des gender reveal party, ou le sexe du bébé est annoncé, une version populaire de la femme enceinte se définit par un polichinelle dans le tiroir. Mais Polichinelle a véritablement existé, pardon véritablement existé dans la Commedia dell’arte. Le personnage se caractérise par une personne disgracieuse, ventrue et bossue, vêtu de blanc. D’origine modeste et paysanne, il est rusé, grossier et simple. Son parler imite le cri des oiseaux. Son origine est celle de la Commedia dell’arte en Italie durant les XVIe et XVIIIe siècles.

Les personnages de la Commedia dell’arte se trouvent dans les pièces de théâtre de Molière sous des noms différents, comme Polichinelle dans les fourberies de Scapin. (Crédits : DR)

Mais sa principale qualité est sa facilité à changer d’opinions en fonction des influences de quelques personnes ou de circonstances. Le tour le plus célèbre de ce personnage est d’avoir répandu une fausse rumeur, tout en faisant promettre à chaque convive d’en garder le secret. Ce qui ne manque pas de cachet. Il revêt comme l’empreinte unique formée par la cire, sur une missive ou lettre de la plus haute importance, l’authenticité de sa source, ou de sa fourberie.

Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

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