dimanche, mars 17, 2024
Société

Le professeur Luc Montagnier divise (dernière partie)

Après avoir été encensé, la communauté scientifique à depuis dévoilé, voire pâlie son étoile et sa renommée internationale. Libération résume parfaitement les faits, car plusieurs désaveux lui ont été signifiés. L’affaire de la papaye fermentée comme traitement de la maladie de Parkinson. En 2009, un bon système immunitaire permet de se débarrasser du VIH « en quelques semaines »… Mais en avançant toutes ces théories, le professeur Luc Montagnier avait-il tort ou raison ?

Pléthores de reproches lui sont faites, à partir de l’année 2000. De nombreux journaux qualifient de « dérive » les propos de cet éminent scientifique. En 2009, il soutenait l’idée selon laquelle l’ADN pourrait imprimer une empreinte électromagnétique aux molécules d’eau, propriété qu’il prétendra pouvoir être mis à profit pour des tests diagnostiques du sida, ou encore de la maladie de Lyme. Puis, il défendait que les troubles du spectre autistique soient d’origine bactérienne et puissent se traiter par antibiotiques. Durant d’une conférence à Paris en 2017 racontée par Libération. « Je voudrais alerter sur la mort subite du nourrisson. C’est quelque chose d’épouvantable, la cause est inconnue, mais il existe des faits scientifiques, montrant qu’un grand nombre de ces morts intervient après une vaccination », affirmait alors M. Montagnier.

L’ultracrépidarianisme est en chaque être humain

Un collectif de 106 académiciens de médecine et sciences lui avait alors reproché de « diffuser, hors du champ de ses compétences, des messages dangereux pour la santé, au mépris de l’éthique qui doit présider à la science et à la médecine ». Enfin, le dernier et pas des moindres, le SARS-CoV-2. Quiconque émet une pensée, une idée ou une théorie à contre-courant de la doxa politique d’un gouvernement, ici français est étiqueté « complotiste ». C’est ainsi qu’opposé à l’injection de solution, délivré par les laboratoires Pfizer-BioNtech, Jonhson-Jonhson, Moderna ou Jansen, qu’il jugeait dommageable, il fut à de nombreuses reprises invité par le site France Soir. L’ultracrépidarianisme est le fait de s’exprimer en dehors de son domaine de compétences, en donnant son avis sur un thème pour lequel on n’a pas ou trop peu d’expertises légitimes ou avérées. C’est aussi les points de vue qui font l’interaction sociale sur les zincs ou ailleurs. C’est souvent en approfondissant notre connaissance d’un sujet que nous prenons conscience de notre propre ignorance.

Approche scientifique

Les deux dernières années ont permis la mise en scène de la science sans parler de la Science. « On va être sur une courbe exponentielle », exprimait le mardi 5 janvier 2021, le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran. Si le fond importe peu, pas la forme. Avez-vous vu, entendu, lu une personne durant ce laps de temps vous expliquer ce qu’est une courbe exponentielle ? Il ne faut pas confondre la fonction mathématique exponentielle de la croissance exponentielle. La première est utile aux calculs en série de Fourier, équation différentielle…La croissance exponentielle est un processus qui augmente une quantité au fil du temps, votre âge, et surtout le poids des années, en est un exemple. Décrite comme une fonction, une quantité subissant une croissance exponentielle est une fonction exponentielle du temps, c’est-à-dire que la variable représentant le temps est l’exposant.

Voici la comparaison entre une croissance linéaire (en rouge), cubique (en bleu) et exponentielle (en vert). La croissance exponentielle est simple à comprendre. Soit la fonction F(x)=2x alors pour 2 le résultat est 4, 8 donne 256… donc pour 20, cela est 1 048 576, plus l’hypothèse x augmente, plus la valeur sera énorme, sans avoir à se mouiller. (Crédits : DR)

Recherche Versus Science

Il existe une confusion relayée par certain, quel qu’il soient, célèbre inconnu des réseaux sociaux, politiques, journalistes… La Science (du latin scientia, de scire, savoir) est l’ensemble cohérent de connaissances relatives à certaines catégories de faits, d’objets ou de phénomènes obéissant à des lois et/ou vérifiés par les méthodes expérimentales. « La terre est ronde, je ne suis pas dogmatique, cela peut être démontré, pas besoin de remettre en cause cette vérité scientifique », appuie Étienne Klein. La recherche possède un rapport étroit avec l’incertitude. L’amalgame journalistique admet la confusion entre Science et Recherche, alors l’idée même du doute est inhérente à la recherche, et vient coloniser sur les plateaux télévisuels la science. « On ne demande pas au chercheur d’avoir individuellement l’objectivité de la science, c’est-à-dire de se débarrasser de leurs préjugés, de leurs croyances, aucune personne n’est objective, on peut être soumis à des pressions […] On lui demande d’être honnête », souligne le philosophe des sciences. Un chercheur se pose des questions. Il cherche alors des réponses, qui ne sont pas forcément les « bonnes ».

Existe-t-il une vie extraterrestre, on en sait rien, donc on fait des recherches !

Étienne klein. France culture

Vient le temps de la confrontation, où les résultats obtenus sont présentés à d’autres confrères dont les interrogations sont analogues, voire proches. Il ne reste plus qu’à en discuter, et de la manière dont ils sont recueillis (méthodologie scientifique, protocoles, essai randomisé…). Un propos primordial, ne pas confondre causalité et corrélation. La première est le lien qui unit la cause à l’effet, tandis que l’autre est la relation existant entre deux notions dont l’une ne peut être pensée sans l’autre, entre deux faits liés par une dépendance nécessaire. Tout comme le mensonge est lié à la perte définitive de la confiance, par exemple le fameux nuage de Tchernobyl qui ne serait jamais passé au dessus de la France…

Publication d’Études

Ne dit-on pas lorsque plusieurs réitérations d’un même processus, dans divers lieux, ambiances… donnent un identique résultat, il serait fort à propos de croire qu’une once de vérité se soit glissée dans les conclusions. Il faut raison garder, et douter, telle est la recherche. « Quand il y a une dizaine d’études qui disent quelque chose, c’est que c’est vrai », interroge Idrisse Aberkane, qualifié par différents individus de complotiste, car il se pose des questions. Martin Blachier, docteur en santé publique, répond : « c’est signifiant, c’est significatif en tout cas ». Puis Idrisse Aberkane rétorque « d’accord il y a 242 des études qui disent que l’hydroxyde chloroquine a un effet, c’est vrai aussi du coup ? » Nulle question de verser dans une théorie complotiste, ou son antonyme qui en langue française n’existe pas. Le professeur Luc Montagnier évoquait une possible création du SARS-CoV-2 par l’être humain, puis une hypothèse quant à la manipulation génétique, vivement décrié par ses pairs. « Cet article met en évidence une transformation de l’ARN du vaccin Pfizer en ADN dans des cultures de cellules hépatiques, posant la question de leur intégration dans le génome », twittait le professeur Raoult. Le sujet de l’article est « Intracellular Reverse Transcription of Pfizer BioNTech COVID-19 mRNA Vaccine BNT162b2 In Vitro in Human Liver Cell Line », un document de douze pages dont seules les personnes ayant compétence peuvent en saisir l’entièreté de la moelle.

« Voici notre première photographie en microscopie électronique du SARS-COV-2 recombinant Delta-Omicron », annonçait Didier Raoult sur Twitter. (Crédits : DR)

D’autres sont septiques « Aujourd’hui est sortie cette étude. Montrant la transcription inverse du vaccin Pfizer dans les cellules hépatiques humaines. J’ai plusieurs réserves sur leurs résultats », explique Nans Florens néphrologue et postdoctorant en biologie moléculaire au Cincinnati Children’s Hospital Medical Center. Cela quelque temps avant de répondre à des journalistes pour la revue Sciences et Avenir. Avec la Dr Nathalie Grandvaux, directrice du laboratoire de recherche sur les interactions hôte/virus au centre de Recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal et Mathieu Rebeaud, doctorant en biochimie des protéines à l’Université de Lausanne. Le titre de l’article est sans appel : « Covid-19 : non, le vaccin Pfizer ne peut pas s’intégrer dans notre génome ». Les chercheurs posent des questions, émettent des hypothèses, parfois abracadabrantes, auxquelles ils travaillent à apporter une réponse, eussent-ils raisons ou torts. Sujets de thèses étranges pour tout un chacun, Obélix pouvait-il s’intoxiquer ? La reconnaissance coloniale du couvain et du champignon chez la fourmi champignonniste, ou, la Spectroscopie tunnel à très basse température de graphène sur rhénium supraconducteur. L’idée de cette dernière est de comprendre ce qui se passe quand le rhénium rencontre le graphène, ce qui d’après l’auteur donne « des couples d’électrons schizophrènes ».

Le procès de Galilée ou l’affaire Galilée est l’enquête, et condamnation du savant astronome Galilée par l’Inquisition pour avoir dénigré le géocentrisme et soutenu l’héliocentrisme. L’œuvre s’intitule Galilée devant le Saint-Office, une peinture de Joseph-Nicolas Robert-Fleury. (Crédits : DR)

Galilée dans sa publication du « Dialogue sur les deux grands systèmes du monde » en 1632 entraîne son procès. Le savant est condamné en 1633 à un emprisonnement indéfini et demeure en résidence surveillée jusqu’à sa mort en 1642. Un certain « J’accuse » devenu célèbre porté par Émile Zola concernant l’affaire Dreyfus. « […] il faut apprendre à distinguer la science de la recherche. La science, c’est des connaissances établies, prouvées jusqu’à preuve du contraire, et il n’y a pas lieu de le remettre en cause tous les quatre matins temps. Vous n’avez pas besoin quand vous êtes un chercheur de reposer la question de la forme de la terre, c’est acquis, et sauf surprise incroyable c’est bon quoi, on a tranché la question. Alors que la recherche, c’est des questions dont nous connaissons pas les réponses. […] Dans les mêmes canaux circulent et se contaminent des connaissances, des croyances, des commentaires, des fake news, des bobards…», souligne Étienne Klein dans MatriochK.

« Si je doute, ce doute ne vise pas tant les faits eux-mêmes que l’extrême degré de croyance qu’on a en eux. » Théodor Fontane / Le Stehlin (Crédits : John Hain/Pixabay)

Le laps de temps de deux années a permis de voir beaucoup de chose et de comprendre en partie l’Humanité, comme l’avais écrit Gustave Le Bon dans « Psychologie des foules ». Car pendant la crise du covid-19, il a été demandé à la science de se ranger sous la coupe de l’opinion. Étienne Klein invité de David Pujadas sur LCI expliquait l’origine de « Le goût du vrai ». Le philosophe des sciences explique que « c’est un sondage paru le 5 avril (2020) dans Le Parisien, on demande aux français est-ce que tel médicament (hydroxychloroquine) est efficace ou non ? À un moment où aucune enquête épidémiologique n’avait conclu, autrement dit personne ne connaissait la réponse à cette question : 59 % des Français ont répondu oui, 20 % ont répondu non, et, seulement 21 % ont répondu je ne sais pas. Autrement dit, 79 % des Français connaissaient la réponse à une question dont personne ne connaissait la réponse. » Souvent les paroles dépassent la pensée, car la croyance en un Dieu ne veut en aucun cas dire que nous savons si ce Dieu existe ou non. Le professeur Luc Montagnier était un scientifique, mais avant tout un chercheur qui émettait sans cesse des hypothèses, qui chaque instant de sa vie s’est interrogé, questionné, remis en question, trompé, car c’est le propre de tout être humain, ou presque. Bertrand Russel se penchait philosophiquement sur le sujet et disait que « L’ennui dans ce monde, c’est que les idiots sont sûrs d’eux et les gens sensés pleins de doutes. »



Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

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