Pérégrinations

L’arrivée sur l’Île de Robinson Crusoé (Épis. 40/46)

Après avoir acheté quelques viennoiseries, Flavien reprend la direction du muséum d’histoire naturelle pour finir sa visite écourtée hier. La plupart des musées de la ville étant gratuits, ça ne pose pas de problème. La météo permet et oblige quelquefois un changement de paradigme. La biosécurité devrait être l’affaire de tous. En ce jeudi 22 février 2024, Flavien s’attelle à cette tâche plus que nécessaire. Elle reflète aussi la croissance des voyages depuis la révolution industrielle, et le plaisir de découvrir d’autres contrées.

Pour l’instant, Flavien profite de son temps libre et de la gratuité des musées. Pour accéder au plus connu et emblématique du Chili, le Musée de la mémoire et des droits de l’homme, il suffit de se rendre sur l’avenue Matucana, juste en face de la station de métro Quinta normal. « Clémentine m’avait prévenue, il est dur. Il raconte la vie, ou survie sous la dictature de Pinochet de 1973 à 1990. Il me fait beaucoup penser à celui d’Oradour-sur-Glane. » David a les mêmes réflexes, semble-t-il. « Quand je pars, lui arrive. On se donne rendez-vous ce soir pour boire un dernier verre avant nos départs distincts : lui vers l’île de Pâques, moi sur l’île de Robinson Crusoé. »

Une pluie salvatrice

À la sortie du musée, il pleut, ce qui ne surprend pas plus que ça l’aventurier du bout du monde. Sauf que Clémentine lui dit, bien plus tard, que cela n’est pas arrivé depuis plus de deux mois. « Tu m’étonnes que ça glisse tant dans les rues. » Son départ pour l’île de Robinson Crusoé est prévu pour demain. Comme à chaque fois, et depuis son périple à Amsterdam il procède à la bio sécurité de son sac.

« Comme pour aller sur Amsterdam ou encore les Malouines, il me faut nettoyer mon sac et mes vêtements de fond en comble pour éviter de ramener des espèces exotiques, si dévastatrices sur les îles. »

L’avantage est donc de ne pas amener des espèces qui peuvent perturber l’équilibre. Est-ce possible d’effectuer une biosécurité en ce qui concerne le reste ? L’exemple du frelon asiatique, de l’écrevisse de Louisiane et du moustique tigre évoque bien des choses à tout un chacun. À la précédente question, la réponse est oui. Depuis 2014, l’Office français de la biodiversité a pour mission de faire connaître, prévenir, surveiller et évaluer les impacts négatifs de ces espèces. (Crédits : Joshua_seajw92/Pixabay)

La fin de journée approche, quand Flavien rejoins David au bar où « nous prendrons une planche apéritive généreuse. » De retour à l’appartement de Gonzalo et Clémentine, l’estomac est déjà plein. « J’ai du mal à avaler les completos qu’ils ont cuisinés. » Il ne traîne pas pour aller se coucher, car demain est un jour tant espéré, et probablement chargé. « Un vendredi pour aller sur Robinson, le clin d’œil humoristique de l’histoire », s’amuse-t-il.

En route pour Robinson

« C’est le grand jour ! » Il va de ce pas, pouvoir poser un pied sur la légendaire île de Robinson Crusoé, située à 700 km des côtes chiliennes. Hier, il réserve, une fois n’est pas coutume, un Uber. Il déguste un petit déjeuner avec Clémentine et Gonzalo en les remerciant, avant de grimper en voiture. « Ce n’est peut-être pas le plus économique (22 000 pesos), mais il n’y a aucune navette rejoignant le terminal dans lequel je dois me rendre à l’autre bout de l’aéroport », explique Flavien.

Le chauffeur, fort sympathique, dépose le baroudeur au bâtiment de la compagnie ATA à 8 h 15 précises, une demi-heure après son départ. « Étant attendu pour 9 h, je suis le premier arrivé. » Un Chilien ne tarde pas à le retrouver. Il aime la botanique et montre plein de photos de plantes du désert Chilien à Flavien.

Peu avant 10 h, les passagers s’installent dans le bimoteur semblable à un jet privé. « Les deux pilotes nous accueillent sur le tarmac, j’ai l’impression d’être un VIP, s’émerveille-t-il. » Bien que ce ne soit pas la meilleure des huit places disponibles, Flavien choisit la plus proche du cockpit, non séparé par une porte. « Pendant les deux heures de vol, je note que le vol de croisière se fait à 22 000 pieds, une course qui oscille entre 262° et 266° avec une vitesse à plat de 170 knt », relate Flavien pour les passionnés. À 11 h 45, après des minutes à scruter la mer, le caillou se dévoile enfin entre d’épars nuages. (Crédits : Flavien Saboureau)

Situé entre deux falaises de 150 mètres de hauteur, dominant l’Océan Pacifique sud, sans tour de contrôle ni service météorologique, l’aéroport de l’archipel Juan Fernandez est l’un des plus dangereux au monde. Arrivant de l’Est, l’aéronef se situe dans le sens du vent. Il faut survoler l’île une première fois pour se mettre fasse au vent qui, comme aux Malouines, facilite grandement l’atterrissage. « Face à la piste qui semble bien petite entre ces 2 falaises, je m’apprête à vivre l’un des plus impressionnants atterrissages qui puissent exister. »

Une poursuite en douceur

Finalement l’atterrissage se fait tout en douceur, grâce à la maîtrise des pilotes. La température affichée est très agréable (18 °C). Le paysage quasi désertique, car il n’y a presque jamais de pluie en été. « À peine le temps de prendre quelques photos que le 4×4, dont la charrette est chargée de nos bagages, nous récupère direction la Bahia del Padre pour y prendre un petit bateau. »

Aucune route depuis l’aérodrome ne conduit au village de San Juan de Bautista, niché dans la baie de Cumberland. Seul un chemin de 16 km permet de le relier. Descendus dans la Bahia del Padre, « nous attendons près du ponton d’embarquement. C’est l’occasion de réaliser mes premiers clichés de plantes avec Salicornia neei. »

C’est surtout le moment de retrouver des colonies d’otaries, celles de Juan Fernandez, endémiques de l’archipel. Le bateau récupère les voyageurs. « C’est parti pour 1 h 30 de navigation, en direction du village au nord de l’île. » La mer n’est pas très formée, mais suffisamment pour les éclabousser.

Cela ne l’empêche pas de prendre quelques photos des impressionnantes falaises. « Les sills et dikes me font fortement penser aux falaises d’Entrecasteaux et de la Pearl sur Amsterdam. » (Crédits : Flavien Saboureau)


« Près du Morro Junango, deux puffins blancs (Ardenna creatopus), appelés ici Fardela Blanca, nous font le plaisir de survoler le bateau. Cet oiseau endémique du Chili ne niche que sur l’archipel et l’île de Mocha. » Les derniers instants de l’épopée sud-américaine de Flavien promettent d’être passionnants.

Une plongée au cœur du roman

En chemin, dans la baie de Puerto Inglés, l’occasion leur est donnée d’observer de loin la fameuse grotte d’Alexander Selkirk. « J’espère pouvoir m’y rendre cette semaine. » Le débarquement est rapide, chaque voyageur passe à la SAG. Le but est de vérifier que personne ne ramène ni fruits ni graines. « Me voilà, une fois de plus, livré à moi-même. Je n’ai pas de carte de la ville, mais au vu de sa taille je ne devrai pas avoir de mal à trouver la CONAF. »

Au préalable, Flavien a échangé des courriels avec Angela Cropper, directrice de la CONAF, l’équivalent français de l’ONF. Ce qui lui procure un hébergement gratuit pour sept jours. En contrepartie, « je paye une femme de ménage et réalise une présentation pour les habitants. »

L’organisme est identifié, car il croise dans les rues plusieurs personnes qui lui indiquent l’itinéraire.

« Il est 14 h, c’est l’heure de reprise. J’accompagne Sylvia et Gonzalo rencontrés sur le chemin et qui y travaillent. » Ils lui expliquent de nombreuses choses, quand Ignacio fait son apparition.

C’est le ranger qui connaît le plus les plantes sur l’île et celui qui parle le mieux anglais. Ce dernier montre le bâtiment où le baroudeur va dormir les prochains jours. Juste après, ils sont de retour au bureau. « Gonzalo me fait la visite de la pépinière dont il s’occupe. C’est impressionnant le nombre d’espèces endémiques qu’ils cultivent. »

La soirée, Flavien déambule et visite l’ouest de la ville. Puis « je vais faire tamponner mon passeport dans la petite poste du coin ».

(Crédits : Flavien Saboureau)

« C’est alors que je repère, dans un jardin, un Abutilon qui attire le fameux et magnifique colibri de Robinson Crusoé. C’est proche de mon hébergement, il faudra que j’y revienne avec mon téléobjectif. Pour cette première soirée sur l’île, je me fais une pizzeria face à la baie et ses superbes barques dispersées dans l’entièreté de la Bahia Cumberland. » À suivre…

Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

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