Un vrai fait divers de faux chèques
Entre réalité et roman policier, entrez dans le monde captivant des expressions françaises. Imaginez-vous des faits-divers racontés par un journaliste amoureux des expressions et tournures de phrases alambiquées. Entrez là où les mots relatent des histoires fascinantes de notre passé. Aujourd’hui, explorons trois formules pittoresques, chacune avec une origine intrigante. Une équipe de malfrats réalisaient de faux chèques le 21 novembre 1923, et se faisaient pincer.
L’affaire remonte au 20 novembre 1923, lorsque la sûreté de Dijon arrêtait un homme soupçonné de faux. Comme le personnage d’Arsène Lupin, il possédait un sobriquet : Francesco Bagneto. De son vrai nom Victor Cerro, il avouait avoir touché 23 000 francs à Tours, 68 000 au Mans, pendant que ses complices présumés récupéraient 200 000 à Troyes, Sens et Nogent. La brigade mobile de Montpellier recherchait un dénommé Bottechi, dit Bocchi.
« Oh, c’est intéressant comme fait divers », souffla d’admiration Sépa Phot
« Quoi ? », répondit Séki
Des faux chèques du montant de 68 723 francs chacun
Elle comprit que les frasques de son très cher mari et les brides de cours de théâtre de sa jeunesse lointaine allaient ressurgir. Se plaçant au milieu du salon, il posait le journal sur la table, tout près d’une vase emplie de rose du jardin. Il s’affubla d’un ton sérieux, fronça les sourcils, prit un œil espiègle pour conter son histoire devant une assemblée conquise et désabusée.
Dans une charmante ville au cœur de la France vivait un homme au charme singulier et particulier. Pour arriver à ses fins — voler des chèques et en falsifier — il faisait belle jambe. Se grimant à la manière d’Arsène Lupin ce personnage énigmatique se trouvait aujourd’hui au centre d’une affaire des plus intrigantes.
Une affaire de faux chèques en bande organisée pour un montant régulier de 68 723 francs.
(Crédits : Bruno/Pixabay)
« Savais-tu que l’expression, ça me fait une belle jambe vient de la Renaissance ? À l’époque la mode masculine mettait en valeur les jambes moulées dans des chausses. Ainsi un homme qui voulait être regardé se faisait belle jambe »
Menteur comme un arracheur de dents
L’étau se resserrait sur la petite bande. Bagneto engaillardit de sa réussite au Mans, se déplaça le samedi matin à la succursale de la Banque Nationale de crédit (BNC) de Blois. Il présenta un faux chèque de 68 723 francs. Le caissier déclarait qu’il ne pouvait pas lui payer en intégralité. Il lui remit 10 000 francs, et demanda que le reste lui soit envoyé à Dijon.
Peu après son départ, les employés se rendaient compte que le chèque était faux. Ils prévenaient la succursale de Dijon. Bagneto se dirigeait sans se méfier à la BNC et tombait dans une souricière. Ses explications ne tenaient pas longtemps face à l’enquête du juge Gorse.
Bien qu’il mentait comme un arracheur de dents, il fut rapidement écroué. Mais le mystère restait entier. Comment un chèque portant les signatures nécessaires, pouvait-il être payé sans qu’une lettre soit émise au guichet payeur par la succursale ou le siège émetteur ?
Le directeur, M. Pajot indiquait au quotidien Le Journal d’une possible complicité. N’y aurait il pas pu avoir de fâcheuses négligences, ou d’imprudences somme toute regrettables ?
(Crédits : Peter H/Pixabay)
L’expression « mentir comme un arracheur de dents » remonte au XVIIe siècle. Elle évoque les barbiers de l’époque qui, en plus de leur métier, faisaient office de dentistes et de chirurgiens. Puis les dentistes qui officiant sur les places publiques, proposer d’arracher les dents des badauds. L’astuce consistait à persuader les clients que l’arrachage de dents à l’aide d’une tenaille était… indolore.
Être mis sur la sellette
Le vendredi 16 novembre 1923, Dursapt, dit Luigi Mazulla se faisait payer un chèque de 68 723 francs. L’homme présentait un passeport puis touchait la somme requise. Il prenait le temps de recompter avec assurance les billets avant de sortir sereinement. Le caissier reconnut l’indésirable dans la photo parue dans les journaux.
Deux chèques de 68 723 francs présentés à Roubaix et Tourcoing étaient payés sans aucune difficulté, les avis de paiement étaient envoyés par l’agence de Carcassonne. Les lieux choisis l’étaient, car les mouvements de fonds sont considérables.
À Sens, même modus operandi. Le chèque fut cette fois présenté au directeur de la succursale de la BNC. M Regnard examinait la signature, la confrontant avec l’avis de paiement. Les signatures étaient conformes.
Le paiement s’effectuait, l’escroc Nigronni Giovanni prenait le soin de préciser les billets qu’il souhaitait pour le règlement. Mais rapidement les hommes furent mis sur la sellette face au juge. La bande comprenait Sacha Lonpam, Victor Cerro, Victor Dusarpt, Jeanne Kohler, et Julot le Bordelais. Ils furent écroués avant la condamnation.
(Crédits : Le Journal/BnF/Gallica)
La scène du tribunal est digne d’un récit médiéval, avec notre homme placé « sur la sellette ». Saviez-vous qu’autrefois, ce siège de bois était utilisé dans les tribunaux ? Il était un siège inconfortable, bas et sans dossier. Son but placer l’accusé en position d’infériorité lors des interrogatoires. Nos malfaiteurs se retrouvaient assis sur cette sellette, confrontés à ses accusateurs. « Il ne te reste qu’à prendre le chéquier pour aller faire les courses » conclut Séki en souriant.