Pérégrinations

Un nouveau départ (16/55)

Les dix jours à se faire chouchouter, dorloter, et à se mettre les pieds sous la table se finissent. Flavien s’apprête à initier un nouveau départ au sein de son périple débuté il y a deux semaines. Il est temps de se séparer, pour retrouver peu à peu cette partie solitaire du voyage. Les protocoles pour l’ultime descente de l’Heritage Adventurer semblent stricts. Si le réveil de la veille n’a pas sonné, ce matin du 29 décembre 2024, les sacs doivent être déposés dès potron-minet, à sept heures.

« Ça y est, la fin n’aura jamais été aussi proche. » La levée des corps s’effectue à 6 h 30, parce que trente minutes plus tard les balluchons doivent être mis à l’accueil. Les dix True Young Explorer se regroupent jusqu’à 8 h 30, où « nous sommes appelés selon notre destination ». Seuls quatre d’entre eux descendent à Bluff, lieu d’amarrage de l’Heritage Adventurer. Flavien fait l’expérience de la rigueur ou de l’utopie zélée d’une douane australienne, car les croisiéristes ont débarqué sur Macquarie, territoire australien. « Ridicule… », souffle Flavien.

Flavien, à nouveau sur les routes

La douane passée suivent les au revoir, tandis que le quatuor s’installe dans le minibus en direction du terminal du ferry. Précautionneux, Flavien avait vu large, très large lors de sa réservation. « J’avais choisi le dernier bateau de la journée, celui de 17 h 45 », explique-t-il en avançant de quatre heures son départ au guichet. La tocante approche avec douceur des dix heures, quand le baroudeur découvre la cité, à taille humaine. « Les rues sont vides. J’ai l’impression de revoir certaines villes sud-américaines. »

Mer, poteau, plancher

Après avoir répondu à quelques-uns des soixante-dix e-mails reçus, « je profite du temps libre pour ajuster les cartes postales qui ne rentrent pas dans les enveloppes. » Une heure s’est écoulée en ce dimanche matin, quand Flavien se rend dans l’unique magasin, le Four Square. « Il semble que l’ATM de Stewart Island, où je me rends, n’accepte pas les cartes bancaires étrangères. » Les distributeurs automatiques de billets (DAB) sont nommés ATM (automated teller machine) en Nouvelle-Zélande.

Une fois son retrait d’argent effectué, l’hôtesse d’accueil distille une suggestion primordiale et culinaire. « Me voilà, sous un soleil radieux, marchant en direction de l’extrême sud de la Nouvelle-Zélande, à 2 km de là… pour y découvrir le restaurant conseillé. » Chemin faisant, il croise le capitaine de l’Heritage Adventurer en plein « footing ». Au Oyster Cave, une sélection de bread toasts séduit Flavien. « C’est parfait ! »

Pas de camping sauvage à Oban

Le ventre plein, il s’en retourne au terminal. Calé dans le ferry, Flavien fait le constat d’une synchronicité idéale à un endormissement post-repas. « Peu d’oiseaux, une mer incroyablement calme, je dors pratiquement l’heure du trajet. » Quelques minutes avant quinze heures, il débarque sur la troisième île de Nouvelle-Zélande et découvre son unique ville, Oban (Pā nui o Hau)… Et ses 460 habitants.

Confiant, il se dirige vers le seul lieu de villégiature chez Mrs Woolly’s Campground pour y installer sa tente. « Je n’ai pas réservé vu la faible affluence, il y a une dizaine de jours. » À son grand désespoir, l’affichage annonce complet. « En plus, il est interdit de poser la tente à l’arrache ici. » (Crédits : Flavien Saboureau)

La gérante glisse alors l’adresse d’un autochtone proposant une sorte de camp à deux kilomètres de là, mais sans indiquer le prix. Avant de s’y rendre, il montre patte blanche à l’accueil du DOC « pour préparer ma future rando sur l’île ». Tout s’enchaîne très rapidement, réagit-il. « Dès demain, je pars rallier le sommet de l’île, le Mount Anglem. »

Une soirée arrosée

La responsable s’assure qu’il est expérimenté, équipé et qu’il possède une balise de détresse, sécurité oblige. Il y a très peu de passage sur cette partie de la rando qui se fait généralement sur neuf jours, quand Flavien table sur cinq. « Elle m’explique à quoi je dois m’attendre. » Flavien a jeté un œil sur les prévisions météorologiques de la semaine à venir. « Elle ne semble pas trop mauvaise… » Pour une île où il pleut 270 jours par an.

Dans son sac à dos, qui s’allège au fur et à mesure du voyage, se trouvent six sachets de nourriture lyophilisée. Conscient de cette insuffisance pour cinq jours d’autonomie, il se rend à la petite supérette pour y faire quelques courses ; pendant que sa lessive, de la veille, sèche sur le front de mer.

Les emplettes effectuées, il se dirige vers l’adresse donnée par la gérante du camp de Mrs Woolly. C’est alors que la magie fait son retour.

« Dans une rue, une femme m’interpelle au vu de l’attirail que j’ai sur le dos. » Elle lui propose de poser sa tente dans le jardin de sa mère et de venir au pub avec eux, car chaque dimanche un quiz y est organisé. « Ça ne refuse pas. » Flavien passe le reste de la soirée avec un bon quart de la population. Mes hôtes sont rapidement enivrés, compliquant la compréhension et les échanges. Peu avant 21 h, et « après avoir échangé nos Whatsapp, je retourne à ma tente. » (Crédits : Flavien Saboureau)

Sac, linges, bord de mer

L’inconnu dans lequel sera plongé Flavien l’oblige à s’éveiller tôt demain matin. « Bon, par contre, il pleut. » C’était plus ou moins promis, confirme-t-il en ajoutant. « Ça y est ! Je vais enfin pouvoir passer ma première nuit en tente, avec l’incroyable chant du tui. » Tandis qu’il sombre peu à peu dans les bras de Morphée, il espère que le réveil ne sera pas trop humide pour entamer ce trek… S’annonçant déjà très boueux. « Un nouveau chapitre du voyage commence », se réjouit l’aventurier du bout du monde. À suivre…

Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

One thought on “Un nouveau départ (16/55)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *